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Summaries Sunday: SOQUIJ

Every week we present the summary of a decision handed down by a Québec court provided to us by SOQUIJ and considered to be of interest to our readers throughout Canada. SOQUIJ is attached to the Québec Department of Justice and collects, analyzes, enriches, and disseminates legal information in Québec.

CONSTITUTIONNEL (DROIT) : Les arguments constitutionnels invoqués par des commerçants anglophones de la région de Montréal ayant enfreint les dispositions de la Charte de la langue française en ce qui concerne l’affichage, l’emballage et la commercialisation au sein de leur entreprise sont tous rejetés.

Intitulé : Quebec (Attorney General) c. 156158 Canada Inc. (Boulangerie Maxie’s), 2015 QCCQ 354
Juridiction : Cour du Québec, Chambre criminelle et pénale (C.Q.), Montréal, 500-61-090188-989 et autres
Décision de : Juge Salvatore Mascia
Date : 28 janvier 2015

CONSTITUTIONNEL (DROIT) — langue — langue d’affichage — Charte de la langue française — infraction pénale — affichage bilingue sans prédominance du français — affichage unilingue anglais — interprétation de «nettement prédominante», de «nettement» et de «prédominer» — interprétation de l’article 58 de la Charte de la langue française — promotion de produits et services sur le Web uniquement en anglais — inscription sur un produit, sur son contenant ou sur son emballage, sur un document ou un objet accompagnant ce produit en anglais uniquement — défense de minimus non curat lex.

CONSTITUTIONNEL (DROIT) — partage des compétences — compétence fédérale — télécommunication — Internet — caractère véritable — Charte de la langue française — langue d’affichage — compétence provinciale — propriété et droits civils — commerce intraprovincial.

PÉNAL (DROIT) — infraction — autres infractions pénales — Charte de la langue française — infraction pénale — affichage bilingue sans prédominance du français — affichage unilingue anglais — interprétation de «nettement prédominante», de «nettement» et de «prédominer» — interprétation de l’article 58 de la Charte de la langue française — promotion de produits et services sur le Web uniquement en anglais — inscription sur un produit, sur son contenant ou sur son emballage, sur un document ou un objet accompagnant ce produit en anglais uniquement — défense de minimus non curat lex.

DROITS ET LIBERTÉS — droit à l’égalité — motifs de discrimination — langue — commerçant anglophone — langue d’affichage — infraction pénale — affichage bilingue sans prédominance du français — affichage unilingue anglais — promotion de produits et services sur le Web uniquement en anglais — inscription sur un produit, sur son contenant ou sur son emballage, sur un document ou un objet accompagnant ce produit en anglais uniquement — objectif légitime.

DROITS ET LIBERTÉS — droits et libertés fondamentaux — pensée, opinion et expression — liberté d’expression — commerçant anglophone — langue d’affichage — infraction pénale — affichage bilingue sans prédominance du français — affichage unilingue anglais — promotion de produits et services sur le Web uniquement en anglais — inscription sur un produit, sur son contenant ou sur son emballage, sur un document ou un objet accompagnant ce produit en anglais uniquement — objectif légitime.

Accusations en vertu de la Charte de la langue française. Déclarations de culpabilité, sauf un acquittement à l’égard d’un défendeur.

Les défendeurs sont des commerçants qui exploitent des entreprises dans le Grand Montréal. Ils font face à des accusations en vertu de la Charte de la langue française leur reprochant: d’avoir eu un affichage bilingue extérieur où le français n’occupe pas une place nettement prédominante (art. 58); d’avoir eu des affichages rédigés dans une autre langue que le français, soit des affichages unilingues anglais (art. 58); d’avoir eu des produits dont les contenants ou l’emballage ou un document fourni avec ceux-ci n’étaient pas rédigés en français ou n’avaient pas un équivalent en français (art. 51); et d’avoir eu des catalogues, des brochures, des dépliants, des annuaires commerciaux et toute autre publication de même nature qui n’étaient pas rédigés en français (en l’espèce, les commerçants faisaient la promotion de leurs produits et services uniquement en anglais sur le Web) (art. 52).

Décision
Contrairement à la prétention des défendeurs, le sens manifeste des termes «markedly predominant» ou «nettement prédominante» dans la loi exige plus qu’une simple priorité dans la disposition du texte français dans un affichage bilingue. L’une des définitions données au terme «nettement» dans le Petit Robert est celle-ci: «d’une manière claire, très visible (concret)»; le terme «prédominer» signifie quant à lui: «être en plus grande quantité; être le plus important». Ainsi, il doit y avoir un effet visuel supérieur de la langue française lorsqu’on le compare à celui d’une autre langue incluse dans l’affichage. L’effet visuel de la langue française doit être clair et non équivoque. Un tel effet est atteint par la règle du deux pour un décrite dans le Règlement précisant la portée de l’expression «de façon nettement prédominante» pour l’application de la Charte de la langue française. Lorsqu’il est question de la langue d’affichage et de la nette prédominance du français, la taille est importante. La défenderesse Meldrum the Mover est acquittée puisque l’article 58 de la charte ne peut s’appliquer à des slogans affichés sur des véhicules qui ne sont pas destinés à être vus par le public. Si le tribunal erre dans son interprétation de l’article 58, les circonstances de l’affaire se prêtent à l’application de la défense de minimis non curat lex. En ce qui concerne les autres dossiers, des déclarations de culpabilité sont prononcées. Les défendeurs n’ont pas démontré que la situation du français avait changé de manière importante ni qu’elle n’est plus dans le même état de vulnérabilité que celui qui avait cours à l’époque de Ford c. Québec (Procureur général), (C.S. Can., 1988-12-15), SOQUIJ AZ-89111009, J.E. 89-30, [1988] 2 R.C.S. 712, et de Devine c. Québec (Procureur général), (C.S. Can., 1988-12-15), SOQUIJ AZ-89111019, J.E. 89-31, [1988] 2 R.C.S. 790, de la Cour suprême, contrairement à ce qu’ils prétendaient afin de rouvrir le débat quant à la constitutionnalité des articles de la Charte de la langue française en cause sous l’angle de la liberté d’expression. Leur argument selon lequel seul le gouvernement fédéral, en vertu de son pouvoir résiduel prévu aux articles 91 et 92 (10) de la Loi constitutionnelle de 1867, a le pouvoir de légiférer Internet et que, en conséquence, le gouvernement du Québec n’avait pas compétence pour intenter des procédures contre les commerçants qui ont affiché uniquement en anglais sur leur site Internet est rejeté. Les articles attaqués de la charte sont des lois d’application générale concernant la langue du commerce et des entreprises dans la province, une compétence provinciale en vertu des articles 92 (13) et 92 (16). Le gouvernement du Québec peut légitimement promulguer des lois qui englobent certains moyens de télécommunication (comme Internet) associés à la sphère fédérale de compétence. Le caractère véritable de la disposition attaquée ne vise pas à réglementer Internet, mais plutôt les activités commerciales qui l’utilisent afin de diffuser leur message. Ainsi, l’article 52 de la charte n’est pas ultra vires des pouvoirs de la législature québécoise (appliqué aux publications sur Internet). Enfin, les arguments quant à l’atteinte au droit à l’égalité (art. 15 de la Charte canadienne des droits et libertés et 10 de la Charte des droits et libertés de la personne) et au droit à la liberté (art. 7 de la charte canadienne et 1 de la charte québécoise) ne sauraient être retenus. Les articles attaqués doivent être vus comme un effort gouvernemental légitime de trouver un juste équilibre entre la protection de la langue française et le respect des droits individuels prévus aux chartes.

Le texte intégral de la décision est disponible ici

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