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Summaries Sunday: SOQUIJ

Every week we present the summary of a decision handed down by a Québec court provided to us by SOQUIJ and considered to be of interest to our readers throughout Canada. SOQUIJ is attached to the Québec Department of Justice and collects, analyzes, enriches, and disseminates legal information in Québec.

FAMILLE : Plusieurs clauses d’un contrat de gestation pour autrui conclu en Inde sont susceptibles d’être déclarées nulles et non exécutoires parce qu’elles sont contraires à l’ordre public ou abusives; toutefois, cette situation ne devrait pas faire obstacle au processus d’adoption enclenché par le conjoint de fait du père biologique de jumelles nées à la suite d’une procréation assistée.

Intitulé : Adoption — 1631, 2016 QCCQ 6872
Juridiction : Cour du Québec, Chambre de la jeunesse (C.Q.), 505-43-002427-134
Décision de : Juge Viviane Primeau
Date : 6 juillet 2016

FAMILLE — adoption — ordonnance de placement — demande présentée par le conjoint du père — consentement spécial — mère porteuse — clinique de procréation assistée — enfant né à l’étranger — circonstances de la naissance de l’enfant — intérêt supérieur de l’enfant.

Requête en ordonnance de placement en vue d’une adoption. Accueillie.

Le requérant et le père biologique des enfants en cause vivent en union de fait depuis 2000. En 2011, désireux d’avoir un enfant, ils se sont rendus en Inde, dans une clinique de procréation assistée qui leur avait été recommandée, en vue d’utiliser les services d’une mère porteuse. En 2012, celle-ci a donné naissance à deux enfants, X et Y, et, conformément à la pratique en Inde dans de telles situations, son nom n’a pas été inscrit à l’acte de naissance. Après la naissance des enfants, la mère a fourni une déclaration sous serment dans laquelle elle affirmait notamment avoir remis ces dernières au père d’intention, en l’occurrence le père biologique, ne pas avoir d’objection à ce que ce dernier quitte le pays avec les enfants, avoir reçu une compensation adéquate de la part de la clinique et n’avoir aucune réclamation de quelque nature que ce soit à faire valoir contre la clinique ou le père biologique. Ce dernier a signé un consentement spécial à l’adoption en faveur du requérant. Tous deux souhaitent l’adoption par le requérant afin qu’une filiation complète soit reconnue aux enfants et que, en cas de séparation ou de décès, le requérant puisse avoir autant de droits relativement à elles que le père biologique. Le requérant demande donc le placement en vue de leur adoption des deux enfants. Il soutient que l’intérêt supérieur de ces dernières doit avoir préséance sur l’intérêt public et que, à cet égard, la position adoptée par la procureure générale du Québec (PGQ) accorde une importance démesurée à cet intérêt. Il allègue aussi que l’acte de naissance d’un enfant peut comporter la mention «mère non déclarée» et qu’il n’est pas possible de conclure à une fraude de ce fait. La PGQ fait valoir que les clauses figurant au contrat de mère porteuse seraient, en droit québécois, abusives et contraires à l’ordre public, de sorte qu’il ne faudrait pas accueillir la demande. Elle soutient que la démarche entreprise va à l’encontre de l’ordre public international relatif à la dignité humaine, à la vie, à la liberté et aux droits à la sécurité de la personne. En ce qui a trait à l’intérêt supérieur des enfants, elle prétend qu’il est respecté du fait qu’elles bénéficient de la filiation établie avec leur père. La procureure représentant les enfants estime que l’ordonnance de placement répondrait à l’intérêt supérieur de celles-ci et que la décision devrait être prise strictement du point de vue de celles-ci. Elle soutient qu’il faut dissocier l’adoption des questions contractuelles et que l’ensemble des exigences sont remplies afin de permettre le placement, d’autant plus que l’évaluation psychosociale est positive.

Décision
L’article 543 du Code civil du Québec (C.C.Q.) prévoit que l’adoption d’un enfant ne peut avoir lieu que dans son intérêt et aux conditions prévues par la loi. En ce qui concerne la loi indienne, l’opinion juridique soumise permet de retenir que l’acte de naissance d’un enfant né d’une mère porteuse est délivré avec la mention «mère non déclarée» et que l’absence d’une filiation maternelle n’est pas attribuable à une demande en ce sens du requérant ou du père biologique. Quant à la loi québécoise, s’il est possible de s’interroger sur l’aspect moral et éthique du commerce entourant les contrats de gestation pour autrui en Inde, il n’appartient pas à la Cour de sanctionner la conduite des parties à un contrat qui est déjà exécuté. De plus, même si le contrat pourrait être déclaré nul et contrevenir à certaines dispositions du droit québécois, il ne vient pas mettre en doute la bonne foi du requérant et du père biologique dans un pays où ils ont estimé qu’il était permis de recourir aux services d’une mère porteuse tout en se conformant aux pratiques en vigueur en Inde. Ils n’ont pas non plus cherché à dissimuler leurs démarches ou à écarter la mère porteuse du processus. En l’espèce, le consentement du père biologique en faveur du requérant a été valablement donné, tandis que celui de la mère porteuse n’était pas requis puisque sa filiation n’est pas reconnue à l’acte de naissance. Quant à l’intérêt supérieur des enfants, elles vivent auprès du père biologique et du requérant depuis leur naissance et elles connaissent une évolution positive dans ce milieu. Leur procureure a d’ailleurs raison d’affirmer que le refus d’ordonner le placement aurait des répercussions importantes pour elles, notamment en cas de décès ou de séparation. Dans ces circonstances, l’adoption par le requérant répond à leur intérêt supérieur. Les conditions énoncées à l’article 543 C.C.Q. sont donc remplies et elles doivent prévaloir sur les circonstances de la naissance des enfants.

Le texte intégral de la décision est disponible ici

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