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Summaries Sunday: SOQUIJ

Every week we present the summary of a decision handed down by a Québec court provided to us by SOQUIJ and considered to be of interest to our readers throughout Canada. SOQUIJ is attached to the Québec Department of Justice and collects, analyzes, enriches, and disseminates legal information in Québec.

PROTECTION DU CONSOMMATEUR : L’article 260.35 de la Loi sur la protection du consommateur, qui oblige les fournisseurs de services Internet à bloquer l’accès aux sites de jeux d’argent en ligne non autorisés par Loto-Québec, est inconstitutionnel; il intervient dans 2 champs de compétence fédérale exclusive, soit les télécommunications et le droit criminel.

Intitulé : Association canadienne des télécommunications sans fil c. Procureure générale du Québec, 2018 QCCS 3159
Juridiction : Cour supérieure (C.S.), Montréal, 500-17-094929-166
Décision de : Juge Pierre Nollet
Date : 18 juillet 2018

PROTECTION DU CONSOMMATEUR — divers — jeux de hasard et d’argent en ligne — fournisseur de services Internet — obligation de bloquer l’accès aux sites non autorisés — constitutionnalité — article 260.35 de la Loi sur la protection du consommateur — compétence fédérale — télécommunications — droit criminel — empiétement — doctrine des pouvoirs accessoires — théorie du double aspect.

COMMUNICATIONS — Internet — jeux de hasard et d’argent en ligne — fournisseur de services Internet — obligation de bloquer l’accès aux sites non autorisés — constitutionnalité — article 260.35 de la Loi sur la protection du consommateur — empiétement — compétence fédérale — télécommunications — interprétation de l’article 36 de la Loi sur les télécommunications — gestion du contenu.

CONSTITUTIONNEL (DROIT) — partage des compétences — télécommunications — droit criminel — compétence fédérale — compétence exclusive — jeux de hasard et d’argent en ligne — fournisseur de services Internet — obligation de bloquer l’accès aux sites non autorisés — constitutionnalité — article 260.35 de la Loi sur la protection du consommateur — empiétement — doctrine des pouvoirs accessoires — théorie du double aspect.

CONSTITUTIONNEL (DROIT) — divers — constitutionnalité — article 260.35 de la Loi sur la protection du consommateur — jeux de hasard et d’argent en ligne — fournisseur de services Internet — obligation de bloquer l’accès aux sites non autorisés — compétence fédérale — télécommunications — droit criminel — empiétement — doctrine des pouvoirs accessoires — théorie du double aspect.

Demande en déclaration d’invalidité. Accueillie.

La demanderesse, une association qui représente l’industrie des télécommunications sans fil, conteste la validité, l’applicabilité et le caractère opérant de l’article 12 de la Loi concernant principalement la mise en oeuvre de certaines dispositions du discours sur le budget du 26 mars 2015 (loi sur le budget). Cet article modifie la Loi sur la protection du consommateur pour y ajouter un nouveau titre et des dispositions (la disposition provinciale) qui obligent les fournisseurs de service Internet (FSI) à bloquer l’accès à des sites de jeux de hasard et d’argent (JHA) non autorisés. Des amendes sont également prévues en cas de contravention. L’article 12 de la loi sur le budget, bien qu’il ait été adopté, n’est pas encore en vigueur. La demanderesse invoque l’inconstitutionnalité de la disposition provinciale au motif que les télécommunications et le droit criminel sont de compétence fédérale exclusive. Selon elle, le caractère véritable de l’article 12 de la loi sur le budget relèverait des compétences législatives fédérales. Subsidiairement, cette disposition serait constitutionnellement inopérante par l’application de la doctrine de la prépondérance des lois fédérales ou de celle de l’exclusivité des compétences. La procureure générale du Québec réplique que la protection des consommateurs vulnérables appartient à ses compétences.

Décision

Tel qu’il a été réaffirmé dans Rogers Communications Inc. c. Châteauguay (Ville), (C.S. Can., 2016-06-16), 2016 CSC 23, SOQUIJ AZ-51296827, 2016EXP-1919, J.E. 2016-1063, [2016] 1 R.C.S. 467, le tribunal doit d’abord établir le caractère véritable de la disposition contestée, en tenant compte de la théorie des pouvoirs accessoires et de celle du double aspect. Le caractère véritable s’analyse en tenant compte du but visé par le législateur et de l’effet juridique de la loi. En l’espèce, le caractère véritable de la disposition provinciale est de forcer les FSI à bloquer les sites de JHA que Loto-Québec estime illégaux, et ce, afin d’augmenter les revenus de la province. L’accent est mis sur le blocage des sites de JHA en ligne. La disposition attaquée ne peut être rattachée à une quelconque compétence provinciale. Elle ne touche que très indirectement la santé et elle n’a pas pour objet la mise sur pied et l’exploitation de JHA par la province. De plus, pour satisfaire aux exigences de celle-ci, il faudra modifier l’organisation des réseaux de télécommunication, qui sont de compétence fédérale. D’ailleurs, l’article 36 de la Loi sur les télécommunications n’autorise pas les entreprises de télécommunication à modifier les signaux, qu’ils soient légaux ou non, sauf dans certains cas prévus à la politique réglementaire, par exemple pour éliminer des menaces au réseau. Par ailleurs, le blocage imposé des sites de loteries que Loto-Québec juge illégaux est en réalité une sanction qui s’ajoute à celle prévue pour les infractions criminelles visées aux articles 202 et 206 du Code criminel. La disposition provinciale n’a d’effets pratiques que parce qu’elle déclare le signal illégal en premier lieu puis sanctionne celui qui refuse de le bloquer. Or, ces 2 aspects sont de compétence fédérale exclusive. C’est le Code criminel qui détermine ce qui constitue un JHA illégal. Quant à la Loi sur les télécommunications, elle n’autorise pas les provinces à forcer les FSI à intervenir dans le contenu. Reconnaître un double aspect dans l’exploitation d’un réseau de télécommunications ou dans les sanctions applicables au JHA en ligne non exploités par la province nécessiterait que tant le fédéral que les provinces puissent légiférer à cet égard. Or, cela irait à l’encontre des précédents établis dans Johnson c. A.G. of Alberta (C.S. Can., 1954-03-31), [1954] R.C.S. 127, Toronto (Corp. of the City of) v. Bell Telephone Co. of Canada(1904), [1905] A.C. 52, [1905] 1 Olmsted 505, Régie des services publics c. Dionne (C.S. Can., 1977-11-30), SOQUIJ AZ-78111096, [1978] 2 R.C.S. 191, et Capital Cities Communications Inc. c. Conseil de la radio-télévision canadienne (C.S. Can., 1977-11-30), SOQUIJ AZ-78111095, [1978] 2 R.C.S. 141. La théorie du double aspect ne s’applique donc pas. Enfin, il n’y a pas véritablement de lien fonctionnel et rationnel entre la disposition provinciale et la Loi sur la protection du consommateur. Il ne s’agit pas d’une mesure de protection des consommateurs, mais d’une obligation et d’une sanction autonomes. La législation contestée ne peut être sauvegardée en invoquant la théorie des pouvoirs accessoires. La disposition provinciale, et en particulier l’article 260.35 de la Loi sur la protection du consommateur, doit être déclarée ultra vires des pouvoirs de la province.

Le texte intégral de la décision est disponible ici.

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