Convention Internationale Sur Les Contrats Électroniques

L’information date d’il y a quelques semaines déjà, mais le 06 juillet, a eut lieu, à New York, une réunion spéciale relative à la Convention des Nations Unies sur l’utilisation de communications électroniques dans les contrats internationaux (pour avoir le texte en anglais, ::cliquez ici::). Je me permets d’y revenir malgré tout car ce me semble être l’aboutissement (ou presque) d’une démarche qui a commencé aux alentours de … 1985. Si mes informations sont bonnes, John Gregory, nouveau slawer, est l’un des représentants canadiens à cette grande « messe » du droit du commerce électronique.

Le 06 juillet donc, une rencontre eut lieu sur le sujet avec un programme alléchant, qui fut même retranscris en « webcast » (sauf que, et c’est un coup du sort lorsque l’on parle de communications électroniques, en ce qui me concerne, cela ne fonctionne pas). Cette réunion visait sans doute à « doper » la série des signatures (et non des ratifications), qui, à ce jour, est au nombre de 6. 6 pays donc, à savoir la République centrafricaine, le Liban, le Sénégal, la Chine, Singapour et le Sri Lanka qui décidèrent de lancer le bal. Sans doute pas encore assez pour opérer un réel effet d’entrainement, d’autant que ces signataires correspondent à deux catégories de pays: d’une part, les inconditionnels aux processus d’harmonisation du droit; d’autre part, certains pays dont l’encadrement légal est suffisamment faible pour ne pas risquer d’être en contravention avec leur droit national.

Encore une fois, c’est remarquable car les domaines du droit qui ont complété ce processus international très fastidieux sont très rares: la Convention sur la cybercriminalité (2001), les traités de l’OMPI (1996), …, et c’est globalement tout.

Mais ce texte, que dit-il ?

D’abord, et surtout, il reprend en gros les principes de la Loi modèle sur le commerce électronique de 1996, toujours sous l’égide de la CNUDCI, mais cette fois, dans un format de « vrai » droit. La loi modèle était une norme informelle (du droit « gris » pour anticiper sur le thème de la semaine prochaine dans slaw.ca); la présente convention, si les ratifications suivent, sera supérieure aux lois.

C’est le cas de la reconnaissance a priori de la validité des communications électroniques (art. 8 al.1), de l’écrit (art. 9 al. 2), de la signature (art. 9 al. 3), de l’original (art. 9 al. 4), de l’utilisation des agents électroniques (art. 12), des erreurs de communication (art. 14), etc.

Ensuite, il précise plusieurs concepts, et notamment plusieurs de ceux précédemment cités. Il établit aussi, article 20, et c’est intéressant, que cette convention s’applique pour en interpréter d’autres, plus anciennes, d’avant Internet, et dont certains doutes persistaient quant à la possibilité d’utiliser des communications électroniques. C’est le cas de la Convention de New York de 1958 ou de Vienne de 1980.

Au Canada, il s’agit maintenant de vérifier si ces principes sont compatibles avec le droit applicable dans les provinces (car c’est essentiellement du droit provincial). Il ne semble que ce sera globalement le cas dans les provinces de common law (par exemple l’Ontario mais pas uniquement), celle-ci ayant suivi très rigoureusement le modèle de 1996. Pour le Québec, la distinction est seulement apparente car la Loi concernant le cadre juridique des technologies de l’information reprend en gros les mêmes principes que ceux disponibles dans cette convention. En gros, car par exemple, pour le concept « d’écrit », il n’en demeure pas moins vrai que l’on est face à deux types de critères qui se manifestent de façon totalement différente : selon la convention, et la plupart des provinces de common law, :

« une communication électronique satisfait à cette exigence si l’information qu’elle contient est accessible pour être consultée ultérieurement »

Selon la Loi du Québec, article 5, c’est le critère de l’intégrité qui prévaut.

Deux éléments pour finir: 1) sur ce dernier point, les États fédéraux ont la possibilité d’effectuer des réserves pour certaines de leurs sous divisions (art. 18).

2) Il va falloir attendre pour voir si un phénomène d’entraînement sera amorcé avec ce texte car à 6 États signataires, aucun ne l’ayant de surcroît encore ratifié, on est encore loin d’un texte incontournable.

Comments

  1. Il sera intéressant de voir la réaction (s’il y en a) du barreau à la convention. Chez les voisins, les sections de la Science et de la technologie, du commerce et du droit international de l’American Bar Association ont prôné la signature américaine, initiative qui n’a malheureusement pas (encore) réussi.

    Au cours des discussions canadiennes sur le projet de convention, le Québec était bien sceptique à son égard. Question: est-ce que les règles de la convention sont si différentes de celles chez nous qu’il nuit à l’harmonie du droit (surtout entre les transactions domestiques et internationales) et donc seraient à éviter?

    Une ambition principale pour la convention est de rallier les pays qui n’ont pas mis en oeuvre la Loi type sur le commerce électronique. Les dispositions de la convention tirées de cette Loi sont moins intéressantes pour nous.Ce qui est pourtant plus apte à nous être utile, c’est l’occasion d’interpréter d’autres conventions à la lumière de la nouvelle.

    On a eu de grands débats sur l’acceptabilité de ces règles au droit international public.

    J’ai un rapport (en anglais) d’une dizaine de pages sur le texte de la convention que j’enverrai à ceux ou à celles qui me le demanderont. (john.d.gregory@jus.gov.on.ca)

  2. Merci beaucoup, cher maître et copain. Un billet de vous à Slaw à bientôt nous espérons John

  3. La réaction de John était inévitable … et espérée, dans le mesure où il fut l’une des forces vives de la position canadienne. Heureusement pour nous.

    Concernant le Québec, je ne suis guère étonné même s’il ne me semble pas qu’il y ait tant de discordances que cela. Le concept d’écrit bien sûr, mais sinon, rien de vraiment majeur.

    John, I will contact you by email for this 10 pages paper ; I’m of course interested to read it.