L’accès À La Justice: Vraiment?!? / Access to Justice: Really?!?
[ français / English ]
Depuis mon retour dans le milieu de la justice en 2005, j’ai entendu à maintes reprises bâtonniers, ministres de la justice, juges en chef, professeurs d’université et tutti quanti dire que leur priorité est l’accès à la justice pour tous ! Comment ne pas être d’accord ? C’est un des principes fondamentaux de nos sociétés libres et démocratiques.
Un autre de ces principes est « nul ne peut ignorer la loi » : on impose comme obligation à tous de connaître toutes les règles qui gouvernent notre société. L’accès à la justice, c’est aussi ça : on doit faire connaître les règles avant même de donner les moyens de les faire respecter.
La complexification et la multiplication de ces normes et le développement d’un langage juridique toujours plus hermétique ont contribué à l’impossibilité, qu’on soit juriste ou non, de toutes les connaître. Il y a désabusement de la population… Nous faisons presque tous le constat mais bien peu sont prêts à s’attaquer vraiment de front à ces questions en donnant un signal clair à la population que nous, communauté juridique et/ou gouvernements, voulons vraiment renverser la tendance. Surtout que les solutions possibles sont multiples et potentiellement compliquées.
Cela étant dit, j’ai encore espoir ! Des débuts de débats commencent à se faire. Plusieurs organisations s’attaquent de plus en plus à l’accès à l’information juridique.
Je pense que les gouvernements sont de plus en plus conscients de l’importance d’informer la population sur la loi. Mais, souvent, on a l’impression que les ministres de la justice les mieux intentionnés vont se buter au fait que l’information juridique est bien bas dans les priorités des ministres des finances et des conseils du trésor qui distribuent les budgets. Souvent, on se limite à permettre à quelqu’un de lire une loi ou une décision de la Cour suprême ; est-ce vraiment donner accès à l’information juridique dont le citoyen a besoin si cette information est incompréhensible (langage hermétique, trop spécialisé) ou qu’elle ne peut pas être mise en contexte (autres lois, règlement, jurisprudence, constitution) ?
C’est là que les organismes sans but lucratif membres de l’Association canadienne des organismes d’éducation et d’information juridique essaient de pallier à ce problème en expliquant les règles de la société à leurs concitoyens dans un langage de tous les jours. Toutes les provinces canadiennes ont un ou plusieurs de ces organismes. Ces organismes travaillent très dur pour essayer de répondre au grand besoin en information juridique des « justiciables » canadiens mais ils font face à des défis énormes eux aussi ! Ces organismes manquent souvent de ressources financières et humaines, travaillent couramment en parallèle du système de justice plutôt qu’au sein de celui-ci, font face à la réticence des professionnels du droit qui pensent qu’ils « leur enlèvent de la job », sont peu connus du public, etc.
Cependant, malgré ces difficultés, ils arrivent à faire des merveilles. Pour ce faire, ils se tournent de plus en plus vers les technologies afin de contourner ces obstacles. Ainsi, un organisme comme Éducation juridique communautaire de l’Ontario utilise des webinaires pour rejoindre les gens lorsqu’ils n’ont pas les moyens de se déplacer. Le Service public d’éducation et d’information juridiques du Nouveau Brunswick a créé une trousse Web et une ligne téléphonique pour les questions de droit de la famille qui permet de répondre aux citoyens Néo-Brunswickois qui sont en instance de divorce, par exemple. Le Legal Resource Center of Alberta, quant à lui, à créer un site Web, LawNet Alberta, qui répertorie l’ensemble des ressources juridiques de cette province.
Au Québec, c’est Éducaloi, créé en 2000, qui est l’organisme désigné pour faire ce travail d’information du public sur leurs droits et leurs obligations. Éducaloi, dès sa création, a décidé d’utiliser un grand site Web d’information juridique écrit en langage simple et accessible afin de remplir, principalement, cette mission. Le site Web permet de rejoindre plus de personnes à travers la province (1 500 000 visites annuellement, en moyenne).
Tous ces efforts sont louables et mériteraient que l’on y investisse de plus en plus. Les organismes d’éducation et d’information juridique s’adressent à des millions de personnes. Un citoyen mieux informé des règles qui lui sont applicables se mettra moins souvent en position de mésentente pouvant mener à un litige. Celui-ci comprendra potentiellement mieux les procédures, sera moins désabusé et aura davantage confiance en notre système judiciaire. À tout le moins, ce citoyen mieux informer aura moins tendance à abdiquer ses droits surtout si on lui fait connaître les alternatives aux poursuites devant les tribunaux.
Cependant, il est inévitable que les litiges demeurent. Comment notre système va s’adapter au citoyen mieux informé de ses droits et obligations ? Le système est-il totalement déconnecté des besoins de notre société ? Je crois de tout mon cœur que quelque chose doit être fait pour l’adapter avant qu’il ne s’écroule ou que les citoyens l’évitent à tout prix parce qu’il est inefficace et ne répond pas à leur besoin de justice. Mais quoi ? Que voyez-vous comme solution ? Quelles modifications au système permettrait à chacun de sentir que justice est rendue ? Doit-on forcer les gens vers les modes alternatifs de règlement de conflits (médiation/conciliation), à tout prix ? SVP, laissez vos réponses en commentaire.
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Since coming back to work in the justice sector in 2005, I’ve been hearing constantly about access to justice. Presidents of law societies, ministers of justice, chief justices, university professors – just about everyone says that this is their top priority. It’s hard to argue with them: access to justice is a fundamental principle of a free and democratic society.
Another one of those basic principles is “ignorance of the law is no excuse”. Everyone is supposed to know the rules that govern society. So access to justice also means knowing the rules so you can follow them.
But knowing all these rules is next to impossible, even for legal professionals. Rules are multiplying. They are more and more complex. And they are expressed in legal language that often seems impenetrable. Even legal professionals have a hard time keeping up. The average citizen is disillusioned. Most of the legal community is aware of this growing alienation, but not all of us are facing it head-on. The public needs a clear signal from us and from government that we are working together to reverse the trend. This is especially important given that there are a lot of possible solutions to pick from, and the solutions are potentially complicated.
Having said that, I’m optimistic! The issue is on the agenda. A lot of organizations are working hard to make legal information accessible.
I think governments are waking up to how important it is for the public to understand the law. Unfortunately, ministers of justice face the harsh reality that legal information is low down on the priorities of finance departments and treasury boards, which control the purse strings. Too often, we only get as far as making a law or Supreme Court decision easier to find. But when the information is too difficult to decipher (specialized language, for example), or is not put into context (with court decisions, other laws, the constitution, for example), are we really giving citizens the legal information they need?
There are groups dedicated to doing more: the Public Legal Education Association of Canada (PLEAC) is a collection of non-profit groups that explain the law in everyday language. Every Canadian province has one or several of these groups. They are working hard to fill the gap in legal information and education. But they face their own challenges. There is the perennial challenge of finding money and recruiting people to do this work. Also, since PLEAC groups work in parallel to the justice system instead of inside it, they sometimes face resistance from legal professionals who have misgivings about someone usurping their roles. Another challenge: PLEAC groups are sometimes not well known to the public.
But PLEAC groups do manage some minor miracles. To get the most bang for the buck, they are making increasing use of information technologies. Community Legal Education Ontario (CLEO) uses webinars to reach people when people can’t come to CLEO. The Public Legal Education and Information Service of New Brunswick created an online toolkit and has a phone line for questions on family law (divorce, etc.).The Legal Resource Centre of Alberta created a website called LawNet Alberta, which catalogues all the legal resources in that province.
Quebec has Éducaloi. Launched in 2000, it informs citizens about their legal rights and responsibilities. From the start, the centrepiece of Éducaloi’s work has been an extensive website with plain language legal information. The site – which gets an average of 1.5 million annual visits – lets Éducaloi reach people in the four corners of the province.
These are all worthwhile initiatives. They reach millions of people and merit more investment. Citizens who know more about legal rules can avoid conflicts that end up in litigation. Hopefully they will be less cynical and have more confidence in our justice system. At the very least, better-informed citizens will be less likely to abandon their rights, especially if they know about alternatives to going to court.
Of course, confrontation and lawsuits are not going to totally disappear. How will our system adapt to citizens more savvy about their rights and obligations? Is the justice system totally disconnected from society’s real needs? I’m convinced the system must adapt quickly before it falls apart, or people start avoiding it all costs because it’s inefficient and doesn’t satisfy their sense of justice. But what do you see as the solution? How would you change to the system so people feel justice has been done? Should we oblige people to use alternative ways to settle disputes (mediation, conciliation, etc.)? I look forward to hearing your ideas in the comments section.
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