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Summaries Sunday: SOQUIJ

Chaque semaine, nous vous présentons un résumé d’une décision d’un tribunal québécois qui nous est fourni par la Société québécoise d’information juridique (SOQUIJ) et ayant un intérêt pancanadien. SOQUIJ relève du ministre de la Justice du Québec, et elle analyse, organise, enrichit et diffuse le droit au Québec.

Every week we present a summary of a decision by a Québec court provided to us by SOQUIJ and selected to be of interest to our readers throughout Canada. SOQUIJ is attached to the Québec Department of Justice and collects, analyzes, enriches, and disseminates legal information in Québec.

Commission Charbonneau : La commission Charbonneau pourra utiliser les communications interceptées lors de la surveillance électronique de dirigeants de la FTQ.

Intitulé : Fonds de solidarité des travailleurs du Québec (FTQ) c. Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction, 2013 QCCS 4864 *
Juridiction : Cour supérieure (C.S.), Montréal, 500-17-079187-137
Décision de : Juge Geneviève Marcotte
Date : 11 octobre 2013
Références : SOQUIJ AZ-51008510, 2013EXP-3349, J.E. 2013-1825 (16 pages). Retenu pour publication

ADMINISTRATIF (DROIT) — actes de l’Administration — compétence des instances décisionnelles — divulgation de renseignements — écoute électronique — commission d’enquête — exemption — ordonnance de sursis — question sérieuse — absence de préjudice sérieux — atteinte à la vie privée — prépondérance des inconvénients.

Requête visant à obtenir une ordonnance de sursis relative à l’utilisation d’éléments de preuve d’écoute électronique jusqu’au jugement final à rendre sur une requête en révision judiciaire. Rejetée.

Le demandeur Arsenault est le président de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ) et du conseil d’administration du Fonds de solidarité des travailleurs du Québec. Le codemandeur Gionet est l’ancien président du Fonds immobilier de solidarité FTQ. Ils ont été avisés en vertu des articles 196 et 487.01 du Code criminel (C.Cr.) qu’ils avaient fait l’objet de surveillance électronique pendant toute une année et ont reçu une citation à comparaître devant la Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction. Le 30 septembre 2013, cette dernière a rejeté leur requête en vue d’interdire l’utilisation des communications interceptées par la Sûreté du Québec dans le contexte d’un projet d’enquête, d’où leur présente requête. Les demandeurs soutiennent que la Commission est un organisme administratif provincial qui ne relève pas de la compétence législative du Parlement canadien et qui n’a donc pas le pouvoir de se prévaloir de l’exemption prévue à l’article 193 (2) a) C.Cr. par l’entremise de l’article 9 de la Loi sur les commissions d’enquête tant pour accéder aux communications privées interceptées dans ce contexte que pour divulguer celles-ci au public. Subsidiairement, ils font valoir que l’application de cette exemption au bénéfice de la Commission porte une atteinte déraisonnable à leur droit à la vie privée protégé par les articles 7 et 8 de la Charte canadienne des droits et libertés. Selon la Commission, en raison des fonctions qu’ils occupent ou ont occupées par le passé, les demandeurs ont à répondre de leurs agissements et de leur gestion de fonds publics et ne peuvent prétendre que les communications interceptées relèvent du domaine privé.

Décision
D’une part, malgré l’état actuel du droit confirmant l’applicabilité de l’exemption en vertu de l’article 193 (2) a) C.Cr. dans le contexte d’un tribunal civil ou d’une commission d’enquête, l’intérêt manifesté par la Cour suprême du Canada envers des dossiers de cette nature permet de conclure à l’existence d’une question suffisamment sérieuse. D’autre part, l’atteinte à la vie privée doit être mesurée en fonction de la nature de l’information en cause. Or, le risque d’une atteinte au droit à la vie privée paraît à ce stade plus éventuel que réel, dans la mesure où la Commission s’engage à «mettre en place les filtres nécessaires afin de protéger tant les droits des requérants que ceux des tiers innocents», à ne pas permettre «la mise en preuve de communications interceptées ou même de portions de celles-ci qui porteraient sur la vie intime des gens sans lien avec le mandat» de même qu’à n’utiliser à cette fin qu’une infime portion des communications interceptées. Compte tenu de ces engagements, du fait que les communications ont été interceptées dans le milieu de travail des demandeurs dans le contexte de leurs fonctions professionnelles et non à leur domicile, et vu leur rôle public important, ces derniers n’ont pas démontré que l’utilisation et la divulgation par la Commission des communications interceptées étaient susceptibles de causer une atteinte réelle à leur vie privée. De toute manière, même s’ils avaient démontré l’existence d’un préjudice, la prépondérance des inconvénients ne favorise pas l’octroi d’un sursis. En effet, dans l’attente du débat constitutionnel, l’article 9 de la Loi sur les commissions d’enquête continue à bénéficier de la présomption de validité. De plus, la requête s’inscrit d’abord et avant tout dans une démarche fondée sur l’intérêt privé des demandeurs, laquelle est susceptible de nuire à l’intérêt public. En effet, le mandat de la Commission engage l’intérêt public, ce qui milite en faveur de l’utilisation et de la divulgation au besoin de la preuve jugée fiable et pertinente. Si l’ordonnance de sursis était rendue, la Commission ne pourrait avoir recours aux communications interceptées pour contredire un témoin ou lui rafraîchir la mémoire, privant ainsi celle-ci d’éléments de corroboration, sans compter le fait que d’autres témoins éventuels pourraient chercher à se prévaloir d’une ordonnance de sursis semblable.

Suivi : Requête de bene esse pour permission d’appeler rejetée (C.A., 2013-10-18), 500-09-023933-138, 2013 QCCA 1801, SOQUIJ AZ-51011245.

Le texte intégral de la décision est disponible ici

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