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Summaries Sunday: SOQUIJ

Every week we present the summary of a decision handed down by a Québec court provided to us by SOQUIJ and considered to be of interest to our readers throughout Canada. SOQUIJ is attached to the Québec Department of Justice and collects, analyzes, enriches, and disseminates legal information in Québec.

CONSTITUTIONNEL (DROIT): L’article 6 (1) a), c), f) et (2) de la Loi sur les Indiens porte atteinte de manière injustifiée à l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés et est inopérant; la prise d’effet de cette conclusion est suspendue pour une durée de 18 mois.

Intitulé : Descheneaux c. Canada (Procureur général), 2015 QCCS 3555
Juridiction : Cour supérieure (C.S.), Montréal, 500-17-048861-093
Décision de : Juge Chantal Masse
Date : 3 août 2015

CONSTITUTIONNEL (DROIT) — autochtones — Loi sur les Indiens — article 6 (1) a), c), f) et (2) — statut d’Indien — discrimination — sexe — déclaration d’inopérabilité — suspension.

DROITS ET LIBERTÉS — droit à l’égalité — actes discriminatoires — divers — Loi sur les Indiens — article 6 (1) a), c), f) et (2) — statut d’Indien — discrimination — sexe — déclaration d’inopérabilité — suspension.

DROITS ET LIBERTÉS — droit à l’égalité — motifs de discrimination — sexe — Loi sur les Indiens — article 6 (1) a), c), f) et (2) — statut d’Indien — déclaration d’inopérabilité — suspension.

Requête en jugement déclaratoire. Accueillie.

Le demandeur Stéphane Descheneaux a des enfants nés entre 2002 et 2007 qui ne peuvent être inscrits au registre des Indiens puisqu’il a épousé une non-Indienne et ne possède un statut qu’en vertu de l’article 6 (2) de la Loi sur les Indiens. Il affirme qu’il est privé du statut en vertu de l’article 6 (1) en raison d’une discrimination fondée sur le sexe. Sa grand-mère a perdu son statut en 1935 à la suite de son mariage avec un non-Indien. Sa mère n’avait aucun statut à la naissance et elle s’est mariée à un non-Indien. Le demandeur est né sans statut en 1968, bien avant la Loi sur les indiens de 1985. Sa grand-mère a récupéré son statut d’Indienne en vertu de l’article 6 (1) c) de la loi de 1985, sa mère obtenant par la même occasion un statut en vertu de l’article 6 (2). Descheneaux était alors sans statut. Conformément aux modifications apportées à la suite de l’arrêt de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans McIvor v. Canada (Registrar of Indian and Northern Affairs), (C.A. (C.-B.), 2009-04-06 (décision rectifiée le 2009-06-03 et le 2009-07-13)), 2009 BCCA 153, SOQUIJ AZ-50548777, soit la Loi sur l’équité entre les sexes relativement à l’inscription au registre des Indiens de 2010, la mère de Descheneaux a bénéficié d’un statut en vertu de l’article 6 (1) c.1) puisqu’elle remplissait chacune des quatre conditions qui y sont prévues. Lui-même n’a toutefois tiré aucun bénéfice direct de cette disposition, le nom de sa mère n’ayant pas été omis ou retranché du registre en raison de son mariage puisqu’elle n’avait pas droit au statut à sa naissance ni avant son mariage. La disposition a cependant eu l’effet, par ricochet, de lui conférer un statut en vertu de l’article 6 (2). Il demande qu’il soit déclaré que l’article 6 de la loi viole la garantie d’égalité prévue à l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés parce qu’elle crée une différence de traitement discriminatoire entre les petits-enfants d’une Indienne ayant marié un non-Indien, nés comme lui d’un mariage formé entre le 4 septembre 1951 et le 16 avril 1985 ou nés hors mariage entre les mêmes dates et les petits-enfants d’un Indien ayant marié une non-Indienne nés d’un mariage formé entre le 4 septembre 1951 et le 16 avril 1985 ou nés hors mariage entre les mêmes dates. La demanderesse Susan Yantha est la fille illégitime d’un Indien et d’une non-Indienne. Elle est née en 1954 et n’avait aucun statut à la naissance. Elle a ensuite eu un enfant, la demanderesse Tammy Yantha. Le père biologique indien de Susan l’a adoptée après le décès de ses parents adoptifs. À la suite de l’entrée en vigueur de la loi de 1985, Susan a obtenu le statut d’Indienne en vertu de l’article 6 (2) de la loi. Susan et Tammy demandent qu’il soit déclaré que l’article 6 de la loi viole l’article 15 (1) de la charte en ce qu’il crée une différence de traitement discriminatoire entre les femmes nées entre le 4 septembre 1951 et le 16 avril 1985 hors mariage d’un Indien et d’une non-Indienne et les hommes nés hors mariage à la même époque d’un Indien et d’une non-Indienne en ce qui concerne leur droit à l’inscription au registre et leur capacité respective à transmettre ce droit à leurs enfants et petits-enfants ainsi qu’entre les enfants nés entre le 4 septembre 1951 et le 16 avril 1985 d’une femme née hors mariage d’un Indien et d’une non-Indienne et les enfants nés à la même époque d’un homme né d’une union de fait semblable en ce qui concerne leur droit respectif à l’inscription au registre et leur capacité de transmettre ce droit à leurs enfants. Elles affirment notamment que les distinctions en matière d’inscription au registre fondées sur le sexe de Susan sont discriminatoires puisqu’elles perpétuent un stéréotype selon lequel l’identité indienne des femmes et de leurs descendants n’aurait pas la même valeur ou importance que celle des hommes indiens et de leurs descendants.

Décision
Le tribunal s’estime lié par le précédent établi par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans McIvor, quant à toutes les questions liées à l’intérêt et à la qualité pour agir ainsi qu’à l’application rétroactive de la charte canadienne, des questions semblables à celles dont était saisie la Cour d’appel à cet égard étant soulevées dans le présent dossier. Il ne peut s’écarter des conclusions de la Cour d’appel ayant considéré comme discriminatoire une situation analogue à celle de l’arrêt McIvor et, s’il estimait que Descheneaux est victime d’une telle discrimination et que la loi de 2010 adoptée à la suite de cette décision n’a pas pleinement remédié à celle-ci, il serait également lié par les conclusions de la Cour d’appel ayant jugé justifiés les effets discriminatoires dus à la préservation de droits acquis et injustifiés les effets discriminatoires dus aux bénéfices additionnels conférés par la loi de 1985 aux personnes à qui la règle de la double-mère était applicable avant cette loi. Si le tribunal jugeait que la situation alléguée par Susan et Tammy Yantha constitue également de la discrimination, il ne lui serait pas non plus possible de s’écarter de la conclusion de la Cour d’appel suivant laquelle la discrimination résultant de la préservation des droits acquis est justifiée, non plus que de la conclusion suivant laquelle celle résultant de bénéfices allant au-delà de la préservation de droits acquis conférés aux personnes victimes de la règle de la double-mère n’est pas justifiée. Par ailleurs, la décision de la Cour d’appel ne lie pas le tribunal quant à la question du caractère approprié d’un groupe comparateur encore plus avantagé, laquelle ne lui avait pas été soumise. La prétention du procureur général du Canada selon laquelle le recours entrepris demande en réalité une application rétroactive de la charte canadienne ne peut être retenue. L’article 6 (1)a), c), f) et (2) de la loi porte atteinte au droit à l’égalité du demandeur consacré par la charte en accordant un plein statut 6 (1) ou un statut 6 (1) au-delà de leurs 21 ans à certaines personnes qui n’ont qu’un parent indien (autre qu’une femme indienne ayant acquis le statut par mariage), ce parent indien n’ayant lui-même qu’un seul parent indien (autre qu’une femme non indienne ayant acquis le statut par mariage), si leur grand-parent indien est un homme, mais non si ce grand-parent indien est une femme indienne ayant perdu son statut par mariage. Ces mêmes articles portent atteinte au droit à l’égalité de Susan Yantha en permettant que certains enfants illégitimes de sexe masculin d’un Indien avec une non-Indienne puissent transmettre un statut 6 (1) à leurs enfants avec une non-Indienne (ayant acquis le statut d’Indienne par mariage), et ce, au-delà des 21 ans de ceux-ci ou, autrement dit, à vie, alors que la pareille ne lui est pas permise, étant une enfant illégitime de sexe féminin née entre le 4 septembre 1951 et le 16 avril 1985 inclusivement. Ils portent également atteinte au droit à l’égalité de Tammy Yantha en accordant un statut équivalant à celui de l’article 6 (1) de la loi à certaines personnes qui ont seulement un parent indien (autre qu’une femme non indienne ayant acquis le statut par mariage), ce parent indien étant né hors mariage d’un père indien et d’une mère non Indienne entre le 4 septembre 1951 et le 16 avril 1985, inclusivement, si leur parent indien né hors mariage est un homme mais non si ce parent indien né hors mariage est une femme née entre le 4 septembre 1951 et le 16 avril 1985, inclusivement. Le PGQ n’a pas réussi à se décharger de son fardeau de démontrer le caractère minimal de l’atteinte ou l’absence de moyens moins attentatoires ou même, plus fondamentalement, de démontrer l’existence d’un objectif urgent et réel de nature à justifier le traitement discriminatoire accentué dont souffrent les demandeurs depuis que la loi de 1985 est en vigueur. Les articles en cause doivent être déclarés inopérants. La prise d’effet de cette conclusion sera cependant suspendue pendant une période de 18 mois.

Le texte intégral de la décision est disponible ici

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