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Summaries Sunday: SOQUIJ

Every week we present the summary of a decision handed down by a Québec court provided to us by SOQUIJ and considered to be of interest to our readers throughout Canada. SOQUIJ is attached to the Québec Department of Justice and collects, analyzes, enriches, and disseminates legal information in Québec.

PÉNAL (DROIT): L’ancienne lieutenante-gouverneure du Québec, qui s’est reconnue coupable de fraude et d’abus de confiance, devra purger 18 mois de détention ferme; elle devra également rembourser des sommes de 200 000 $ au gouvernement fédéral et de 100 000 $ au gouvernement provincial.

Intitulé : R. c. Thibault, 2015 QCCQ 8910 *
Juridiction : Cour du Québec, Chambre criminelle et pénale (C.Q.), Québec, 200-01-139761-096
Décision de : Juge Carol St-Cyr
Date : 30 septembre 2015

PÉNAL (DROIT) — détermination de la peine — opérations frauduleuses — fraude — gouvernement fédéral et provincial — 411 247 $ — réclamation de dépenses indues — accusée lieutenante-gouverneure du Québec — dépenses non effectuées dans le cours des fonctions officielles — accusée âgée de 76 ans — plaidoyer de culpabilité — absence d’antécédents judiciaires — dénonciation — dissuasion générale — revue de la jurisprudence — condamnation avec sursis — cas inapproprié — détention — ordonnance de remboursement.

PÉNAL (DROIT) — détermination de la peine — infractions dans l’application de la loi et l’administration de la justice — corruption — abus de confiance — accusée lieutenante-gouverneure du Québec — dépenses non effectuées dans le cours des fonctions officielles — peine concurrente.

Prononcé de la peine.

Le 8 décembre 2014, après 33 jours de procès, l’accusée s’est reconnue coupable sous 6 des 8 chefs d’accusation portés contre elle, soit sous 3 chefs d’abus de confiance (art. 122 du Code criminel (C.Cr.)) et de fraude (art. 380 C.Cr.) à l’endroit du gouvernement du Canada, totalisant 411 247 $, pour des délits commis entre le 30 janvier 1997 et le 7 juin 2007, alors qu’elle occupait la fonction de lieutenante-gouverneure de la province de Québec, et sous 3 autres chefs similaires qui ont trait à la même période et qui visent le remboursement indu de 231 345 $ par le gouvernement du Québec. Une suspension conditionnelle des procédures a été prononcée quant aux accusations de fabrication de faux (art. 367 a) C.Cr.) et d’utilisation de documents contrefaits (art. 368 (1) a) et c) C.Cr.). La mise en accusation a fait suite à deux rapports de vérification provenant du Vérificateur général du Québec et du Vérificateur général du Canada portant sur les réclamations de remboursement de dépenses, de frais ou de salaire soumises par l’accusée durant son mandat. Lors de sa nomination, un cahier d’information lui a été remis relativement à ses devoirs et responsabilités, à ses interrelations aux niveaux fédéral et provincial, à la manière de remplir ses fonctions, au soutien administratif et au salaire ainsi qu’aux indemnités auxquels elle avait droit. Les directives en question démontrent clairement que le lieutenant-gouverneur est imputable de tous les gestes ou comportements qui pourraient être considérés comme inappropriés ou illégaux et qui ne sont pas justifiés par la fonction. La preuve révèle que l’accusée s’est énormément investie dans le rôle qui lui a été dévolu. En 2001, elle a créé la Fondation Lise-Thibault, destinée à subventionner différentes activités pour les personnes à mobilité réduite. Sous le couvert de demandes de remboursement pour des activités officielles certifiées par l’accusée, plusieurs sommes d’argent payées par le gouvernement fédéral ont été utilisées à des fins familiales ou personnelles. D’autres sommes, payées par le gouvernement du Québec, consistaient notamment en des frais engagés pour le fonctionnement de la fondation ou à titre de rémunération additionnelle versée au chef de la sécurité à l’occasion d’activités sportives. Elle a ainsi floué les deux paliers de gouvernement d’une somme de 429 676 $. Alors que la poursuite réclame une peine de 4 ans de pénitencier assortie d’une ordonnance de remboursement de 92 000 $ au gouvernement provincial et de 338 000 $ au gouvernement fédéral, la défense suggère 12 mois à purger au sein de la collectivité assortie d’une ordonnance de remboursement de 310 000 $, selon la capacité de payer de l’accusée.

Décision
À la lumière des critères établis dans R. c. Juteau (C.A., 1999-06-09), SOQUIJ AZ-50066083, J.E. 99-1268, [1999] R.J.Q. 1669, afin de qualifier le degré de responsabilité du délinquant, il y a lieu de retenir que plusieurs dépenses réclamées par l’accusée n’ont pas été effectuées dans le cours de ses fonctions officielles, qu’elle a agi de manière à se faire rembourser des dépenses indues et que l’utilisation durant tout son mandat de certifications mensongères constitue la pièce maîtresse du stratagème utilisé. Par ailleurs, c’est après avoir tenté sans succès de faire reconnaître qu’elle agissait sous une immunité absolue ou relative qu’elle s’est reconnue coupable. Ses regrets et ses remords sont mitigés. Quant à l’offre de rembourser une partie des sommes injustement perçues, l’accusée n’a pas démontré qu’elle faisait face à une déchéance sociale ou financière importante. Une ordonnance de remboursement peut être envisagée selon sa capacité financière. L’accusée a bénéficié de revenus qui lui ont permis d’augmenter son patrimoine de façon importante. Par ailleurs, la preuve a révélé le très grand poids accordé à la réputation d’intégrité dont jouissait l’accusée, ce qui constitue un facteur particulièrement aggravant. Celle-ci a affirmé s’être donné comme mission de faire connaître la fonction de lieutenant-gouverneur dans sa province et d’épouser une cause sociale, d’où la création de sa fondation. Or, cette mission outrepassait son mandat et, s’il est vrai qu’une grande partie des sommes d’argent recueillies a été redistribuée au profit de personnes souffrant d’un handicap, cela a été fait au détriment de l’ensemble des citoyens. D’autre part, il existe peu de précédents au présent dossier, sinon aucun. La fourchette des peines en matière de fraude et d’abus de confiance, soit des crimes qui ne commandent pas de peines minimales, est très large. En l’espèce, une revue de la jurisprudence permet de conclure qu’une peine de pénitencier n’est pas appropriée. Par ailleurs, l’accusée, qui a démissionné de ses fonctions, est âgée de 76 ans, n’a aucun antécédent judiciaire, ne présente aucun risque de récidive et a démontré une capacité à rembourser une partie des sommes injustement perçues. Ces constatations permettent de conclure qu’elle ne constitue pas un danger pour la sécurité de la collectivité. Par ailleurs, compte tenu de l’aura d’intégrité qui accompagne le poste qu’elle occupait, les tribunaux privilégient l’incarcération pour faire primer la dénonciation et la dissuasion générale. Son état de santé, bien qu’il soit fragile, n’est pas un facteur à prendre en considération en l’espèce. D’autre part, une grande partie de l’importante médiatisation provient des propres décisions stratégiques de l’accusée. Enfin, agissant à titre de lieutenante-gouverneure, celle-ci avait un devoir de transparence, de prévoyance et de sagesse. L’imposition d’une peine d’emprisonnement à purger au sein de la collectivité ne respecterait pas les objectifs pénologiques de dénonciation et de dissuasion générale, et ce, dans le but de préserver la confiance des citoyens à l’égard des institutions publiques. Par conséquent, l’accusée est condamnée à une peine concurrente de 18 mois de détention ferme. Elle devra rembourser 200 000 $ au gouvernement du Canada et 100 000 $ au gouvernement du Québec.

Le texte intégral de la décision est disponible ici

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