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Summaries Sunday: SOQUIJ

Every week we present the summary of a decision handed down by a Québec court provided to us by SOQUIJ and considered to be of interest to our readers throughout Canada. SOQUIJ is attached to the Québec Department of Justice and collects, analyzes, enriches, and disseminates legal information in Québec.

PÉNAL (DROIT) : Les accusés dans l’affaire communément appelée Faubourg Contrecoeur subiront leur procès sous des accusations de fraude, d’abus de confiance, de fraude envers le gouvernement et de complot; leurs requêtes en arrêt des procédures sont rejetées.

Intitulé : Catania c. R., 2016 QCCQ 15023
Juridiction : Cour du Québec, Chambre criminelle et pénale (C.Q.), Montréal, 500-01-072674-127
Décision de : Juge Yvan Poulin
Date : 14 décembre 2016

PÉNAL (DROIT) — procédure pénale — procédure fédérale — arrêt des procédures — droit d’être jugé dans un délai raisonnable — fraude — abus de confiance — plusieurs accusés — délai déraisonnable (41 mois) — application du cadre d’analyse de R. c. Jordan (C.S. Can., 2016-07-08), 2016 CSC 27, SOQUIJ AZ-51302609, 2016EXP-2173, J.E. 2016-1212 — détermination du plafond présumé — interprétation de «cour supérieure» — juge de la Cour du Québec siégeant à titre de juge sans jury en vertu de l’article 552 C.Cr. — délai supérieur au plafond présumé de 30 mois — fardeau de la preuve — Couronne — complexité de l’affaire — mesure transitoire exceptionnelle.

PÉNAL (DROIT) — garanties fondamentales du processus pénal — droit d’être jugé dans un délai raisonnable — fraude — abus de confiance — plusieurs accusés — délai déraisonnable (41 mois) — application du cadre d’analyse de R. c. Jordan (C.S. Can., 2016-07-08), 2016 CSC 27, SOQUIJ AZ-51302609, 2016EXP-2173, J.E. 2016-1212 — détermination du plafond présumé — interprétation de «cour supérieure» — juge de la Cour du Québec siégeant à titre de juge sans jury en vertu de l’article 552 C.Cr. — délai supérieur au plafond présumé de 30 mois — fardeau de la preuve — Couronne — complexité de l’affaire — mesure transitoire exceptionnelle — arrêt des procédures.

PÉNAL (DROIT) — juridiction pénale — Cour du Québec — compétence — juge agissant à titre de «juge sans jury» en vertu de l’article 552 C.Cr. — «cour supérieure» au sens de R. c. Jordan (C.S. Can., 2016-07-08), 2016 CSC 27, SOQUIJ AZ-51302609, 2016EXP-2173, J.E. 2016-1212.

DROITS ET LIBERTÉS — droits judiciaires — personne arrêtée ou détenue — droit d’être jugé dans un délai raisonnable — fraude — abus de confiance — plusieurs accusés — délai déraisonnable (41 mois) — application du cadre d’analyse de R. c. Jordan (C.S. Can., 2016-07-08), 2016 CSC 27, SOQUIJ AZ-51302609, 2016EXP-2173, J.E. 2016-1212 — détermination du plafond présumé — interprétation de «cour supérieure» — juge de la Cour du Québec siégeant à titre de juge sans jury en vertu de l’article 552 C.Cr. — délai supérieur au plafond présumé de 30 mois — fardeau de la preuve — Couronne — complexité de l’affaire — mesure transitoire exceptionnelle — arrêt des procédures.

Requêtes en arrêt des procédures. Rejetées.

Les requérants subissent leur procès en lien avec des accusations de fraude, d’abus de confiance, de fraude envers le gouvernement et de complot portées contre eux à la suite d’une vaste enquête en matière de malversation municipale dans le cours du développement d’un projet immobilier de Montréal connu sous le nom de Faubourg Contrecoeur. Ils ont initialement été inculpés en mai 2012. Le ministère public a ensuite choisi de procéder au moyen d’un acte d’accusation direct et les requérants se sont prévalus de leur droit d’être jugés par un juge sans jury. Des séances de gestion ont alors été tenues par des juges de la Cour du Québec. Le procès, fixé à trois mois, soit du 8 février au 29 avril 2016, n’a pu être achevé dans ce délai. Depuis son ouverture, le tribunal a consacré l’essentiel de son temps aux requêtes préliminaires présentées par les requérants. Les problèmes de santé de l’un des coaccusés ont également ralenti la progression et la bonne marche de cette affaire. La présentation de la preuve à charge n’a pas encore commencé. La non-disponibilité de l’un ou l’autre des avocats des requérants — et de l’un des requérants personnellement — a repoussé la continuation du procès de plusieurs mois. Celui-ci doit se poursuivre à compter de janvier 2017 et se terminer au mois de juin suivant. Puisque 61 mois se seront écoulés entre l’inculpation initiale et la fin anticipée du procès, les requérants demandent un arrêt des procédures pour cause de délais déraisonnables. S’appuyant sur R. c. Jordan (C.S. Can., 2016-07-08), 2016 CSC 27, SOQUIJ AZ-51302609, 2016EXP-2173, J.E. 2016-1212, ils soutiennent qu’il y a atteinte à leur droit constitutionnel protégé par l’article 11 b) de la Charte canadienne des droits et libertés. En ce qui a trait au plafond présumé applicable déterminé par Jordan, les requérants soutiennent que celui de 18 mois s’applique puisque aucune enquête préliminaire n’a été tenue et que le procès s’instruit devant la Cour du Québec plutôt que devant la Cour supérieure. Selon les requérants, l’application de l’un ou l’autre des plafonds est directement tributaire de la tenue ou non d’une enquête préliminaire ainsi que de l’instance particulière devant laquelle se tiendra le procès. Pour sa part, le ministère public allègue que c’est le plafond de 30 mois qui s’applique, car le procès s’instruit devant un «juge sans jury» en vertu de l’article 552 du Code criminel (C.Cr.) et non devant un «juge de la cour provinciale» au sens de Jordan et de l’article 2 C.Cr. De l’avis du ministère public, un juge de la Cour du Québec siégeant à titre de «juge sans jury» constitue une «cour supérieure» au sens de Jordan.

Décision

En ce qui a trait au plafond présumé applicable déterminé par Jordan, la position du ministère public est retenue; le plafond de 30 mois doit s’appliquer à la présente situation. En l’espèce, le tribunal instruit la cause des requérants à titre de «juge sans jury» au sens de l’article 552 C.Cr. plutôt qu’à titre de juge de la cour provinciale. En outre, visés par un acte d’accusation direct, les requérants se sont prévalus de l’article 565 (2) C.Cr., qui prévoit que les prévenus faisant l’objet d’un tel acte d’accusation sont «réputé[s] avoir choisi d’être jugé[s] par un tribunal composé d’un juge et d’un jury» mais peuvent «choisir de nouveau d’être jugés par un juge sans jury». Dans ce contexte particulier, il coule de source que cette affaire n’est pas «instruite par une cour provinciale» au sens des paragraphes 46 et 49 de Jordan. Il ressort par ailleurs des dispositions du Code criminel que la Cour du Québec exerce en l’espèce une compétence qui serait exercée par une cour supérieure dans toute autre province ou tout territoire canadien. Il serait absurde que l’analyse du caractère raisonnable des délais soit régie par deux plafonds différents en fonction de la province ou du territoire où les accusations sont portées. Enfin, à l’instar de Corriveau c. R. (C.S., 2016-10-20), 2016 QCCS 5799, SOQUIJ AZ-51345320, 2016EXP-3883, J.E. 2016-2142, il faut conclure que l’application du plafond de 30 mois n’est pas exclusivement tributaire de la tenue d’une enquête préliminaire. Par conséquent, un juge de la Cour du Québec siégeant à titre de juge sans jury en vertu de l’article 552 C.Cr. constitue une «cour supérieure» au sens des paragraphes 46 et 49 de Jordan. Cela dit, en tenant compte des délais résultant de l’acte d’accusation direct, de la comparution devant la Cour supérieure, du nouveau choix, des conférences de gestion, des requêtes préliminaires déposées à l’aube du procès, du procès, de l’état de santé de l’un des requérants, des conflits d’horaires et de la continuation du procès en janvier 2017, il y a lieu de retenir que le délai total entre l’inculpation et la fin anticipée du procès est de 61 mois, dont 20 sont attribuables à la défense, pour un délai restant de 41 mois, ce qui est supérieur au plafond présumé de 30 mois. Il appartient donc au ministère public de démontrer que le délai est raisonnable. Or, les problèmes de santé inattendus de l’un des accusés constituent un événement distinct au sens de Jordan. Par ailleurs, la présente cause est une affaire complexe. Les requêtes mettant en cause de nombreux tiers, dont la Commission d’enquête sur l’industrie de la construction, augmentent le nombre d’intervenants et accentuent encore davantage le degré de complexité de la cause. Il en est de même du grand nombre de témoins faisant partie de la preuve à charge, dont trois experts dans des domaines variés. Il est vrai que certaines difficultés pour trouver des dates de continuation résultent de la participation de plusieurs avocats et de leurs agendas respectifs. Par ailleurs, la décision de poursuivre les accusés de manière conjointe est parfaitement justifiée. La présente cause se distingue de manière manifeste de R. c. Auclair (C.S. Can., 2014-01-21), 2014 CSC 6, SOQUIJ AZ-51036102, 2014EXP-398, J.E. 2014-206, [2014] 1 R.C.S. 83, où il a été jugé irréaliste d’instruire dans un délai raisonnable un procès conjoint de plus de 150 personnes en rapport avec une multitude d’activités criminelles s’échelonnant sur de nombreuses années. En l’espèce, aucun des requérants n’a déposé de requête pour procès séparé et rien ne permet de conclure que le plan mis en place par la poursuite pour mener cette affaire à terme est irréaliste. La poursuite a pris des mesures pour progresser rapidement et a plusieurs fois insisté afin de fixer une date de procès. À l’instar de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans R. v. Singh (C.A. (C.-B.), 2016-11-04), 2016 BCCA 427, SOQUIJ AZ-51339228, il s’agit en l’espèce d’une affaire particulièrement complexe au sens de Jordan et, dans ce contexte, sa durée est justifiée. Enfin, s’il avait fallu le faire, le tribunal aurait appliqué la mesure transitoire exceptionnelle. En effet, les parties se sont raisonnablement conformées à l’état du droit antérieur et il est également notoire que le district de Montréal présente des délais institutionnels importants. Le prononcé d’un arrêt des procédures serait contraire à la volonté de la Cour suprême, qui a précisé que l’administration de la justice ne pouvait se permettre une répétition des conséquences qu’avait eues R. c. Askov (C.S. Can., 1990-10-18), SOQUIJ AZ-90111110, J.E. 90-1515, [1990] 2 R.C.S. 1199.

Le texte intégral de la décision est disponible ici

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