Summaries Sunday: SOQUIJ
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MUNICIPAL (DROIT) : L’adoption du règlement 2326, lequel limite la distribution des imprimés publicitaires, dont le Publisac, sur le territoire de la Ville de Mirabel aux citoyens qui apposeront dorénavant un autocollant vert sur leur porte d’entrée ou leur boîte aux lettres afin de signifier leur intention de les recevoir, selon la méthode «opt in», s’avère proportionnelle aux enjeux environnementaux qui sont au coeur de la politique municipale préconisée par la Ville et dans l’ordre du plan de gestion des matières résiduelles; le règlement ne peut donc pas être déclaré nul en raison de son caractère déraisonnable.
Intitulé : Médias Transcontinental c. Ville de Mirabel, 2022 QCCS 1350
Juridiction : Cour supérieure (C.S.), Terrebonne (Saint-Jérôme)
Décision de : Juge Jean-Yves Lalonde
Date : 20 avril 2022
Résumé
MUNICIPAL (DROIT) — règlement — distribution d’imprimés publicitaires — modification — avis de motion — précision — prohibition — méthode «opt-out» — équité — transparence — absence de préjudice — compétence — gestion des matières résiduelles — caractère raisonnable — constitutionnalité — liberté d’expression — objectif du règlement — intérêt public — environnement — objectif urgent et réel — lien rationnel — atteinte minimale — absence de droits acquis — recours en nullité — contrôle judiciaire.
DROITS ET LIBERTÉS — droits et libertés fondamentaux — pensée, opinion et expression — liberté d’expression — règlement municipal — distribution d’imprimés publicitaires — constitutionnalité — objectif du règlement — intérêt public — environnement — objectif urgent et réel — lien rationnel — atteinte minimale.
ADMINISTRATIF (DROIT) — contrôle judiciaire — cas d’application — droit municipal — règlement municipal — distribution d’imprimés publicitaires — prohibition — méthode «opt-out» — recours en nullité — norme de contrôle — décision raisonnable.
CONSTITUTIONNEL (DROIT) — divers — règlement municipal — distribution d’imprimés publicitaires — constitutionnalité — liberté d’expression — objectif du règlement — intérêt public — environnement — objectif urgent et réel — lien rationnel — atteinte minimale — absence de droits acquis — recours en nullité — contrôle judiciaire.
Pourvoi en contrôle judiciaire à l’encontre du règlement 2326 de la ville défenderesse. Rejeté.
En janvier 2002, la Ville a adopté le règlement 1225 relatif à la distribution d’imprimés publicitaires dans les limites de son territoire. Le 25 juin 2019, elle a déposé l’avis de motion 570-06-2019, auquel est annexé le projet de règlement qui préconise une distribution des imprimés publicitaires aux seuls citoyens qui apposeront dorénavant sur leur porte d’entrée ou leur boîte aux lettres un pictogramme indiquant aux distributeurs leur volonté de les recevoir, donc un mécanisme «opt-in» au lieu d’une méthode «opt-out». Le 12 août suivant, la Ville a adopté le règlement 2326, lequel est entré en vigueur le 1er octobre. Celui-ci reconnaît à Postes Canada le droit de poursuivre la distribution des imprimés publicitaires suivant un régime «opt-out». Toutefois, tous les autres distributeurs sont soumis à la méthode «opt-in». La demanderesse, qui est propriétaire de Publisac, requiert du tribunal qu’il déclare nul le règlement 2326.
Décision
L’avis de motion déposé le 25 juin 2019 indiquait clairement que la Ville entendait présenter un règlement qui remplacerait le règlement 1225. En outre, il était suffisamment détaillé quant à l’objet du règlement proposé, soit la distribution d’imprimés publicitaires sur son territoire. Le fait que la direction de la Ville n’ait pas consulté la demanderesse alors qu’elle a procédé à certaines vérifications auprès de Postes Canada n’est pas un facteur déterminant dans le processus d’adoption du règlement 2326. Certains pourront y voir un manque de transparence, mais ce facteur s’estompe quand on constate que la demanderesse n’a manifesté aucun sens de l’autocritique à propos de la gestion des matières résiduelles en faisant complètement fi de l’adoption de ce règlement.
La Ville est habilitée à régir la distribution des imprimés publicitaires sur son territoire en vertu des articles 4, 6, 10 et 85 de la Loi sur les compétences municipales. Dans l’exercice de son pouvoir réglementaire, elle peut notamment prévoir «toutes prohibitions» (art. 6 paragr. 1 de la loi). Elle a donc agi à l’intérieur de sa compétence lorsqu’elle a adopté le règlement 2326. Bien qu’elle ait compartimenté sa réglementation en fonction de son absence de compétence envers Postes Canada, il serait exagéré d’y voir une injustice flagrante. Cette dernière et la demanderesse n’ont pas la même vocation, et ce n’est que de manière incidente que Postes Canada se voit investie de la capacité de distribuer des imprimés publicitaires. De plus, le règlement 2326 n’a pas pour effet de déposséder la demanderesse de sa clientèle; il permet plutôt au citoyen d’user de son libre arbitre en décidant de recevoir ou non les imprimés publicitaires sur sa propriété privée, à sa résidence ou à son commerce. Par ailleurs, l’adoption du règlement 2326 s’avère tout à fait proportionnelle aux enjeux environnementaux qui sont au coeur de la politique municipale préconisée par la Ville et dans l’ordre du plan de gestion des matières résiduelles. Le législateur a voulu déléguer aux municipalités le pouvoir de restreindre légalement la distribution des imprimés publicitaires, et la Ville a exercé ce pouvoir d’une manière qui serait raisonnable et justifiable aux yeux d’une personne raisonnable moderne placée en de pareilles circonstances.
Quant à la liberté d’expression, il s’agit d’un droit fondamental protégé par la Charte des droits et libertés de la personne et la Charte canadienne des droits et libertés qui englobe le discours commercial et la publicité. La garantie protège tant l’émetteur de la publicité que le destinataire. D’ailleurs, l’occupant d’une maison est réputé accorder l’autorisation à tout membre du public de s’approcher de sa porte et d’y frapper dans un but licite. En l’espèce, le régime «opt-in» que préconise le règlement 2326, par ses effets, crée une présomption selon laquelle les citoyens qui n’apposent pas un autocollant vert refusent de recevoir le Publisac. La substance des dispositions contestées du règlement 2326 instaure donc une restriction à la liberté d’expression dont bénéficient la demanderesse et les annonceurs. Or, ce règlement est axé sur un objet d’intérêt public, soit l’environnement. Ainsi, son adoption répond à une préoccupation sérieuse et concrète et elle vise des objectifs collectifs d’une importance fondamentale. En ce sens, la mesure «opt-in» adoptée comporte un caractère urgent et réel qui justifie l’imposition d’une restriction à la liberté d’expression commerciale. De plus, il a été démontré que le règlement 2326 sert logiquement l’objectif de réduire les matières résiduelles. D’autre part, la restriction à la liberté d’expression ne dépasse pas ce qui est raisonnablement nécessaire pour atteindre l’objectif prévu puisque le Publisac continuera d’être distribué à ceux qui désirent véritablement le recevoir. Il existe donc un lien rationnel entre la mesure adoptée et le résultat recherché. En ce qui concerne les effets bénéfiques du règlement 2326, ils surpassent largement les effets préjudiciables encore inconnus qui pourraient découler de l’atteinte minimale à la liberté d’expression commerciale de la demanderesse. Le critère de la proportionnalité est aussi respecté; les intérêts particuliers de la demanderesse doivent céder le pas aux intérêts collectifs des citoyens de la ville. En conséquence, la substance du règlement 2326 ne porte pas atteinte de manière injustifiable à la liberté d’expression de la demanderesse. Enfin, cette dernière ne bénéficie d’aucun droit acquis en lien avec la distribution du Publisac selon un mode «opt-out», qui n’est pas en soi un usage au sens de la réglementation de zonage. Au surplus, il n’y a pas de droits acquis en matière de protection de l’environnement.
Le texte intégral de la décision est disponible ici
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