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Summaries Sunday: SOQUIJ

Every week we present the summary of a decision handed down by a Québec court provided to us by SOQUIJ and considered to be of interest to our readers throughout Canada. SOQUIJ is attached to the Québec Department of Justice and collects, analyzes, enriches, and disseminates legal information in Québec.

PÉNAL (DROIT) : L’accusé n’a pas été informé qu’il était libre de partir et il est raisonnable de croire qu’il a senti qu’il n’avait d’autre choix que de rester et de répondre aux questions des policiers; sans cette information, son libre arbitre a été usurpé, de sorte que la déclaration qu’il a faite n’était pas libre et volontaire.

Intitulé : R. c. Lévesque, 2022 QCCQ 12793
Juridiction : Cour du Québec, Chambre criminelle et pénale (C.Q.), Montréal
Décision de : Juge Salvatore Mascia
Date : 14 décembre 2022

Résumé

PÉNAL (DROIT) — preuve pénale — recevabilité de la preuve — voir-dire — déclaration extrajudiciaire — interrogatoire — personne en situation d’autorité — déclaration faite aux policiers — enregistrement vidéo — règle des confessions — droit de garder le silence — caractère libre et volontaire — statut de l’accusé — oppression — conduite des policiers — mégenrage — identité de genre — accusé transgenre — propos humiliants — manque de respect — incendie criminel — exclusion de la preuve.

PÉNAL (DROIT) — garanties fondamentales du processus pénal — droit de garder le silence — recevabilité de la preuve — voir-dire déclaration extrajudiciaire — interrogatoire — personne en situation d’autorité — déclaration faite aux policiers — enregistrement vidéo — règle des confessions — caractère libre et volontaire — statut de l’accusé — oppression — conduite des policiers — mégenrage — identité de genre — accusé transgenre — propos humiliants — manque de respect — incendie criminel — exclusion de la preuve.

DROITS ET LIBERTÉS — droits judiciaires — vie, sûreté, intégrité et liberté — droit de garder le silence — recevabilité de la preuve — voir-dire — déclaration extrajudiciaire — personne en situation d’autorité — déclaration faite aux policiers — enregistrement vidéo — règle des confessions — caractère libre et volontaire — statut de l’accusé — oppression — conduite des policiers — mégenrage — identité de genre — accusé transgenre — propos humiliants — manque de respect — incendie criminel — exclusion de la preuve.

DROITS ET LIBERTÉS — réparation du préjudice — exclusion de la preuve — voir-dire — déclaration extrajudiciaire — personne en situation d’autorité — déclaration faite aux policiers — enregistrement vidéo — règle des confessions — droit de garder le silence — caractère libre et volontaire — statut de l’accusé — oppression — conduite des policiers — mégenrage — identité de genre — accusé transgenre — propos humiliants — manque de respect — incendie criminel.

PÉNAL (DROIT) — infraction — infractions contre les biens et la propriété — incendie — incendie criminel — logement — accusé transgenre — exclusion de la preuve — voir-dire — déclaration extrajudiciaire — personne en situation d’autorité — déclaration faite aux policiers — enregistrement vidéo — règle des confessions — droit de garder le silence — caractère libre et volontaire — statut de l’accusé — oppression — conduite des policiers — mégenrage — identité de genre — propos humiliants — manque de respect.

Jugement sur voir-dire quant à la recevabilité d’une déclaration à une personne en situation d’autorité.

L’accusé doit subir son procès relativement à des chefs d’accusation découlant d’un incendie ayant eu lieu à son logement. La poursuite demande que la déclaration faite par ce dernier aux policiers lors de son interrogatoire soit reçue en preuve. Celle-ci permettrait d’établir qu’il avait l’«opportunité exclusive» de commettre les infractions. La défense demande l’exclusion de la déclaration puisqu’elle aurait été obtenue dans un climat d’oppression en ce que l’accusé, qui est un homme transgenre, aurait été volontairement mégenré par l’enquêteuse au cours de son interrogatoire. En outre, l’accusé, dont le statut lors de l’interrogatoire était incertain, n’a jamais été informé qu’il pouvait y mettre fin à tout moment.

Décision

La défense n’a présenté aucune preuve d’expert quant à l’humiliation et au stress subis par une personne transgenre lorsqu’elle est mégenrée. Elle a déposé divers documents, dont des études et des directives de certaines organisations publiques pour soutenir sa position voulant que l’accusé ait été opprimé par le fait d’avoir été mégenré lors de son entretien avec l’enquêteuse. Aucune décision au Canada ne traite expressément du «mégenrage» et de son incidence sur la recevabilité d’une déclaration faite aux policiers. Les tribunaux des droits de la personne ont reconnu le droit des personnes transgenres au respect de leur identité de genre, y compris l’utilisation de leurs pronoms appropriés, et ont déterminé que le fait d’être mégenré constitue pour une personne transgenre un traitement préjudiciable. Le faux pas initial de l’enquêteuse au sujet du statut de l’accusé au poste de police n’a eu aucune conséquence sur son devoir d’informer celui-ci de sa situation. L’enquêteuse s’est rapidement corrigée en lui expliquant qu’il n’était là que pour répondre à des questions. Si, comme le soutient la défense, l’accusé a été mal conseillé par l’avocat consulté avant l’interrogatoire, les policiers ne sont pas responsables de cette faute. L’accusé n’a pas été informé qu’il était libre de partir et, dans les circonstances, il est raisonnable de croire qu’il a senti qu’il n’avait d’autre choix que de rester et de répondre aux questions. La coercition inhérente à un interrogatoire de police a été aggravée par le caractère accusatoire de l’entretien. Le fait de ne pas avoir été informé de la possibilité de partir a compromis la capacité de l’accusé de choisir valablement de renoncer à son droit de garder le silence. En l’absence de cette information, son libre arbitre a été usurpé. Par conséquent, la déclaration de l’accusé n’était pas libre et volontaire.

Selon la preuve, lorsqu’une personne transgenre est mégenrée, elle peut se sentir méprisée, invalidée, rejetée ou aliénée ou encore vivre un sentiment dysphorique. Le témoignage de l’accusé voulant que le fait d’avoir été mégenré tout au long de l’interrogatoire lui ait causé beaucoup de stress et d’anxiété est retenu. Bien que l’accusé reprenne habituellement les personnes qui commettent une erreur sur son genre, il s’est abstenu de le faire, car il ne voulait pas offusquer l’enquêteuse, d’autant moins dans le contexte où celle-ci alléguait qu’il était responsable d’un incendie. Les questions inappropriées posées par l’enquêteuse concernant les moeurs ou les pratiques sexuelles de l’accusé étaient profondément humiliantes et dégradantes. Elles ont compromis la capacité de l’accusé à faire valoir son droit au silence. Le mégenrage et les questions humiliantes ont contribué à créer un climat d’oppression. Le traitement subi par l’accusé a suscité chez lui des sentiments de peur, d’angoisse et d’infériorité ayant brisé sa volonté libre et indépendante de résister et de garder le silence. Par ailleurs, il n’y a aucune raison de croire que la conduite de l’enquêteuse était intentionnelle. Toutefois, son intention n’est pas pertinente en l’espèce; il faut plutôt se pencher sur l’effet de sa conduite sur l’accusé. La déclaration de ce dernier ne peut être reçue en preuve en raison d’une conduite policière qui choquerait la communauté. L’enquêteuse a dépassé les limites en posant des questions sur des aspects intimes et privés de la vie de l’accusé qui n’étaient aucunement pertinents dans le cadre de l’enquête policière. Même si le tribunal avait tort de conclure que la conduite de la police choquerait la collectivité, la déclaration en cause devrait quand même être exclue pour des raisons d’équité et compte tenu d’un manque de respect des policiers envers l’accusé. Il y a lieu de dénoncer le traitement dégradant et humiliant subi par l’accusé lors de l’interrogatoire et de s’en dissocier.

Le texte intégral de la décision est disponible ici

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