Summaries Sunday: SOQUIJ
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PÉNAL (DROIT) : Le fait que la plaignante a écouté et enregistré une conversation privilégiée entre l’accusé et son avocat a enfreint l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés; toutefois, des réparations moins sévères que l’arrêt des procédures peuvent corriger l’abus de procédure, notamment l’interdiction que la procureure de la poursuite ayant pris connaissance des informations occupe dans les dossiers de l’accusé.
Intitulé : Comeau c. R., 2023 QCCS 866
Juridiction : Cour supérieure (C.S.), Joliette
Décision de : Juge François Dadour
Date : 15 mars 2023
Résumé
PÉNAL (DROIT) — procédure pénale — procédure fédérale — arrêt des procédures — abus de procédure — droit à un procès juste et équitable — droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne — protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives — expectative raisonnable de vie privée — privilège avocat-client — communication privilégiée — enregistrement — plaignante — mandataire de l’État — conduite de la police — conduite de la poursuite — absence de mauvaise foi — présomption de préjudice — absence d’atteinte minimale — intégrité du système judiciaire — réparation du préjudice — exclusion de la preuve — témoignage de la plaignante — cas inapproprié — déclaration d’inhabilité — interdiction de communication.
PÉNAL (DROIT) — garanties fondamentales du processus pénal — droit à un procès juste et équitable — droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne — protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives — expectative raisonnable de vie privée — abus de procédure — privilège avocat-client — communication privilégiée — enregistrement — plaignante — mandataire de l’État — conduite de la police — conduite de la poursuite — absence de mauvaise foi — présomption de préjudice — absence d’atteinte minimale — intégrité du système judiciaire — réparation du préjudice — arrêt des procédures — exclusion de la preuve — témoignage de la plaignante — cas inapproprié — déclaration d’inhabilité — interdiction de communication.
DROITS ET LIBERTÉS — droits judiciaires — vie, sûreté, intégrité et liberté — droit à un procès juste et équitable — droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne — abus de procédure — privilège avocat-client — communication privilégiée — enregistrement — plaignante — mandataire de l’État — conduite de la police — conduite de la poursuite — absence de mauvaise foi — présomption de préjudice — absence d’atteinte minimale — intégrité du système judiciaire — réparation du préjudice — arrêt des procédures — exclusion de la preuve — témoignage de la plaignante — cas inapproprié — déclaration d’inhabilité — interdiction de communication.
DROITS ET LIBERTÉS — droits judiciaires — protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives — abus de procédure — privilège avocat-client — communication privilégiée — enregistrement — plaignante — expectative raisonnable de vie privée — mandataire de l’État — non-application de la Charte canadienne des droits et libertés.
DROITS ET LIBERTÉS — réparation du préjudice — déclaration d’inhabilité — interdiction de communication — abus de procédure — privilège avocat-client — communication privilégiée — enregistrement — droit à un procès juste et équitable — droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne — plaignante — mandataire de l’État — conduite de la police — conduite de la poursuite — absence de mauvaise foi — présomption de préjudice — absence d’atteinte minimale — intégrité du système judiciaire — arrêt des procédures — exclusion de la preuve — témoignage de la plaignante — cas inapproprié.
PÉNAL (DROIT) — infraction — infractions contre la personne — voies de fait.
PÉNAL (DROIT) — infraction — infractions de nature sexuelle — agression sexuelle.
Requête en arrêt des procédures pour abus de procédure. Rejetée.
Le requérant fait face, dans 2 dossiers, à plusieurs chefs d’accusation, lesquels sont tous liés à de la violence conjugale à l’endroit de 4 plaignants et de 3 personnes mineures. Il a assisté à son audience sur remise en liberté à distance à l’aide du logiciel Microsoft Teams, alors que son avocat était présent dans la salle d’audience. Lors d’une suspension, le requérant et son avocat ont eu un entretien confidentiel à l’intérieur de la salle, dont le système d’enregistrement avait été désactivé. Après cette rencontre virtuelle, la procureure de la poursuite a informé l’avocat que l’une des plaignantes était connectée à Teams et avait enregistré une partie des échanges entre lui et son client. La plaignante en question a communiqué avec l’enquêteuse pour l’aviser que l’accusé discutait avec son avocat de la stratégie à suivre dans le dossier. L’enquêteuse lui a répondu de prendre des notes et de ne pas effacer l’enregistrement. L’enquêteuse a effacé de son propre appareil les messages texte que la plaignante lui avait envoyés. Un mandat de perquisition a permis d’extraire la conversation du téléphone de la plaignante. La défense demande l’arrêt des procédures, alors que la poursuite estime qu’aucun remède n’est nécessaire.
Décision
Le privilège avocat-client est essentiel à l’intégrité de l’administration de la justice et constitue un principe de justice fondamentale protégé par l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés. Lorsque de l’information privilégiée se retrouve en la possession d’une partie qui n’y a pas droit, il existe une présomption de préjudice. Cette présomption est réfutable. En ce qui concerne l’article 8 de la charte, une certaine action de l’État est nécessaire pour que la protection constitutionnelle se déclenche, et ce, même si la personne détient une expectative raisonnable de vie privée quant à l’objet du litige.
En l’espèce, le fait que l’enquêteuse ait suggéré à la plaignante de prendre des notes lors de la conversation privilégiée n’a pas transformé cette dernière en un mandataire de l’État. La preuve ne permet pas d’inférer que, n’eût été l’intervention de l’enquêteuse, la plaignante n’aurait pas écouté l’entretien confidentiel ni enregistré une partie de celui-ci. Pendant la période où l’enregistrement a été en possession de cette dernière, la protection prévue à l’article 8 de la charte n’était pas disponible. En effet, la plaignante n’était pas une mandataire de l’État, elle n’a pas agi en vertu d’un pouvoir prévu par la loi et la possession subséquente de l’enregistrement par la police, puis par la procureure de la poursuite, a fait l’objet de discussions et s’est opérée avec le consentement de l’avocat du requérant. En ce qui a trait à l’enregistrement lui-même, l’article 8 de la charte n’est pas en cause, et aucune réparation ne peut donc s’y rattacher.
La situation paraît différente en ce qui concerne l’article 7 de la charte. À la fin de l’audience sur remise en liberté, sans l’avoir sollicitée, la procureure de la poursuite a reçu de l’information privilégiée de la part de la plaignante. La compromission du privilège avocat-client s’étendait désormais à la poursuite et à la police, y compris la gestion des étapes à venir pour mettre fin à cette compromission. Le critère de l’atteinte minimale n’est pas rempli en l’espèce. Il en découle que l’article 7 de la charte a été enfreint. La procureure était de bonne foi et elle n’a pas eu accès à l’enregistrement. L’avocat du requérant n’avait pas demandé au juge la permission de parler à son client, et aucune ordonnance d’exclusion des témoins comme telle n’avait été demandée ni rendue. La plaignante n’a été ni interrogée ni contre-interrogée au sujet du souvenir qu’elle avait de la conversation. Ce déficit dans l’administration de la preuve rend difficile la réfutation du préjudice. D’autres éléments, comme les longues démarches pour récupérer l’enregistrement ainsi que le fait que l’enquêteuse ait effacé précipitamment et délibérément les messages texte, sont défavorables. La présomption de préjudice n’a pas été repoussée. La compromission du privilège est sérieuse, et il est difficile de mesurer son incidence sur la conduite ou l’issue du procès.
Des réparations moins sévères que l’arrêt des procédures seraient susceptibles de corriger l’abus de procédure, la violation de l’article 7 de la charte et le risque de préjudice. Des mesures procédurales et des mesures «substantives» permettent de rétablir l’équité du procès et de dissocier le système judiciaire des conduites répréhensibles dans ce dossier. Du côté de la poursuite, la procureure visée par l’incident et l’équipe de procureurs agissant sur la requête en arrêt des procédures ne pourront plus occuper dans cette affaire ni communiquer avec la plaignante. Seul un procureur n’ayant aucune connaissance de l’affaire devra mener la poursuite contre le requérant. Ce procureur ne pourra avoir de discussions sur le fond de l’affaire avec les procureurs mentionnés. Du côté de la police, l’enquêteuse sera dessaisie de l’affaire, elle ne pourra plus communiquer avec la plaignante et il lui sera interdit de divulguer l’information privilégiée dont elle a eu connaissance. La même interdiction s’applique à la plaignante, qui ne pourra non plus être interrogée au procès au sujet des événements ayant mené à la compromission du privilège. La poursuite ne pourra contre-interroger le requérant au sujet de l’incident. Enfin, le jury devra être informé du fait que la plaignante a appris de l’information privilégiée dans ce dossier. La combinaison de toutes ces mesures ainsi que leur effet cumulatif rétablissent l’équité du procès et réparent l’atteinte à l’intégrité du système judiciaire.
Le texte intégral de la décision est disponible ici
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