Summaries Sunday: SOQUIJ
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PÉNAL (DROIT) : Dans une décision inédite, le tribunal impose une peine globale d’emprisonnement de 8 ans à un accusé ayant notamment produit plus de 86 000 fichiers de pornographie juvénile en utilisant la technologie de l’hypertrucage.
Intitulé : R. c. Larouche, 2023 QCCQ 1853
Juridiction : Cour du Québec, Chambre criminelle et pénale (C.Q.), Saint-François (Sherbrooke)
Décision de : Juge Benoit Gagnon
Date : 14 avril 2023
Résumé
PÉNAL (DROIT) — détermination de la peine — infractions de nature sexuelle — publications obscènes — possession de matériel de pornographie juvénile — production de matériel de pornographie juvénile — distribution de matériel de pornographie juvénile — accusé âgé de 61 ans — technologie d’hypertrucage — facteurs atténuants — plaidoyer de culpabilité — collaboration — faible risque de récidive — facteurs aggravants — antécédents judiciaires — nature et quantité du matériel — durée de l’infraction — préméditation — conséquences pour les victimes — dénonciation — dissuasion — détention — détention provisoire — crédit à accorder — application du ratio de 1,5 jour crédité par jour de détention — peine concurrente — peine consécutive.
PÉNAL (DROIT) — détermination de la peine — principes généraux — les peines et la Charte canadienne des droits et libertés — droit de bénéficier de la peine la moins sévère — article 11 i) de la Charte canadienne des droits et libertés — possession de matériel de pornographie juvénile — peine maximale — modification législative — moment de l’infraction — durée de l’infraction — moment de la peine.
PÉNAL (DROIT) — garanties fondamentales du processus pénal — droit de bénéficier de la peine la moins sévère — article 11 i) de la Charte canadienne des droits et libertés — possession de matériel de pornographie juvénile — peine maximale — modification législative — moment de l’infraction — durée de l’infraction — moment de la peine.
PÉNAL (DROIT) — détermination de la peine — principes généraux — ordonnances — ordonnance de prélèvement de substances corporelles à des fins d’analyse génétique — ordonnance de se conformer à la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels — durée de l’ordonnance — 20 ans — interdiction de posséder des armes — ordonnance d’interdiction en vertu de l’article 161 C.Cr. — interdiction d’utiliser Internet — augmentation du temps d’épreuve — ordonnance en vertu de l’article 743.6 C.Cr. — cas inapproprié — possession de matériel de pornographie juvénile — production de matériel de pornographie juvénile — distribution de matériel de pornographie juvénile.
PÉNAL (DROIT) — détermination de la peine — principes généraux — façons de purger une peine d’emprisonnement — peine concurrente — possession de matériel de pornographie juvénile — distribution de matériel de pornographie juvénile — peine consécutive — production de matériel de pornographie juvénile.
PÉNAL (DROIT) — détermination de la peine — principes généraux — facteurs à prendre en considération — détention provisoire — crédit à accorder — application du ratio de 1,5 jour crédité par jour de détention — possession de matériel de pornographie juvénile — production de matériel de pornographie juvénile — distribution de matériel de pornographie juvénile.
DROITS ET LIBERTÉS — droits judiciaires — personne arrêtée ou détenue — droit de bénéficier de la peine la moins sévère — article 11 i) de la Charte canadienne des droits et libertés — possession de matériel de pornographie juvénile — peine maximale — modification législative — moment de l’infraction — durée de l’infraction — moment de la peine.
Prononcé de la peine.
L’accusé, qui est âgé de 61 ans, a plaidé coupable sous des chefs d’accusation de possession, de production et de distribution de matériel de pornographie juvénile. Il possédait plus de 545 000 fichiers de ce type et en a produit plus de 86 000 en utilisant la technologie de l’hypertrucage. La poursuite suggère l’imposition d’une peine globale de 10 ans d’emprisonnement, tandis que la défense suggère qu’elle soit de 5 ans.
Décision
Une peine d’emprisonnement de 54 mois est appropriée relativement au chef de possession de matériel de pornographie juvénile. La possession des fichiers s’est échelonnée sur une période de plus de 10 ans, jusqu’à l’arrestation de l’accusé, en 2021. Puisque la peine maximale pour cette infraction est passée de 5 à 10 ans en juillet 2015, l’accusé doit pouvoir bénéficier de la peine la moins sévère. La «collection» de l’accusé est parmi les plus importantes de l’histoire judiciaire du Canada. Il a pris grand soin de classer chacun des fichiers dans une catégorie précise. Ce système de classification permet d’envisager la préméditation des gestes. Les crimes reliés à la pornographie juvénile entraînent des conséquences majeures et souvent perpétuelles pour les victimes. Le traitement de ce dossier par les enquêteurs et les images auxquelles ils ont été exposés ont eu des conséquences sur eux. Il s’agit d’un exemple patent des répercussions secondaires de ce type de crime dans notre collectivité. Les images possédées par l’accusé relèvent de ce qu’il y a de plus vil et de plus abject. Celui-ci possédait également des images anodines, provenant visiblement des médias sociaux, et des informations personnelles sur certaines victimes. Cela démontre la turpitude de même que la culpabilité morale de l’accusé et constitue un facteur aggravant. N’eussent été le plaidoyer de culpabilité rapide de ce dernier, sa collaboration à l’enquête et le risque de récidive réduit, le tribunal lui aurait imposé la peine maximale.
En ce qui concerne la distribution de matériel de pornographie juvénile, les policiers ont téléchargé 16 fichiers complets et 1 fichier incomplet à partir de l’ordinateur de l’accusé. Un logiciel a noté 1 257 occurrences de disponibilité de fichiers connus comme constituant de la pornographie juvénile en lien avec son adresse IP. L’accusé savait qu’il rendait disponibles des fichiers correspondant à de la pornographie juvénile, ne serait-ce que lorsqu’il téléchargeait lui-même ce type de fichiers. Sans constituer un facteur aggravant, il s’agit d’un fait pertinent. La distribution a eu lieu pendant plus de 3 ans. Le nombre de fichiers réellement échangés étant inconnu, seuls les 17 fichiers téléchargés par les autorités policières peuvent être pris en considération. Une peine de 30 mois est appropriée sous ce chef.
La technologie de l’hypertrucage est un procédé de manipulation audiovisuelle qui permet notamment d’intégrer le visage d’une personne sur le corps d’une autre dans une séquence vidéo. La quantité de fichiers produits par l’accusé en utilisant cette technologie doit être remise en contexte: afin de créer un nouvel extrait vidéo «hypertruqué» à partir d’une séquence existante, le logiciel doit créer de 15 à 30 fichiers photographiques par seconde de vidéo. Ainsi, c’est notamment en produisant 7 fichiers vidéo de pornographie juvénile que l’accusé a produit plus de 86 000 nouveaux fichiers photographiques de ce type. Il demeure toutefois que ces fichiers multiplient et perpétuent leur effet délétère sur les victimes. Ils ont aussi une incidence sur le travail des policiers puisque la technologie dont ceux-ci disposent actuellement devient inefficace pour identifier ces fichiers et sera rapidement désuète. Le type de logiciel en question permet de commettre des crimes qui pourraient mettre en cause virtuellement tous les enfants. L’utilisation de la technologie de l’hypertrucage afin de produire du matériel ne change pas substantiellement l’essence du crime de production de matériel de pornographie juvénile. La situation à l’étude n’a pas à recevoir un traitement exceptionnel de ce fait. Le moyen technologique utilisé revêt peu d’importance dans l’établissement de la peine appropriée. La preuve ne révèle pas que les fichiers «hypertruqués» ont été produits dans le but d’être distribués. Une peine d’emprisonnement de 42 mois est appropriée sous ce chef.
Les peines relatives aux chefs de possession et de distribution de matériel de pornographie juvénile devraient être purgées de façon concurrente. L’accusé semble avoir rendu disponibles des fichiers qu’il possédait déjà ou qu’il était lui-même en train de télécharger. La peine relative au chef de production doit être consécutive à la peine imposée sous les autres chefs. La peine globale de 8 ans d’emprisonnement paraît appropriée en considération de la situation particulière de l’accusé. En soustrayant de cette peine la période passée en détention provisoire, il reste 5 ans et 11 mois à purger. Enfin, la demande de la poursuite visant à augmenter le temps d’épreuve afin d’obliger l’accusé à purger au minimum la moitié de sa peine avant d’être admissible à une libération conditionnelle est rejetée. Le tribunal est mal outillé pour prendre cette décision dans l’état actuel du dossier.
Le texte intégral de la décision est disponible ici
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