Summaries Sunday: SOQUIJ
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PÉNAL (DROIT) : Même si le régime législatif pour les accusés atteints de troubles mentaux ne s’applique pas au stade de la détermination de la peine, un juge possédant des motifs raisonnables de croire qu’une preuve concernant l’état mental d’un délinquant est nécessaire pour déterminer son aptitude à recevoir sa peine pourra exiger d’un agent de probation le dépôt d’un rapport de la nature d’une évaluation psychiatrique, et ce, afin d’assurer les garanties constitutionnelles dont jouit l’accusé tout au long des procédures.
Intitulé : Côté c. R., 2023 QCCA 988
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Québec
Décision de : Juges Guy Gagnon, Suzanne Gagné et Sophie Lavallée
Date : 28 juillet 2023
Résumé
PÉNAL (DROIT) — détermination de la peine — principes généraux — les peines et la Charte canadienne des droits et libertés — droit à une défense pleine et entière — droit à un procès juste et équitable — justice fondamentale — aptitude de l’accusé à recevoir sa peine — application des articles 721 et 723 (3) C.Cr. — motifs raisonnables de croire qu’une preuve concernant l’état mental de l’appelant est nécessaire — rapport d’un agent de probation de la nature d’une évaluation psychiatrique — suspension de l’instance — interprétation des articles 672.11 a), 672.12 (1) et 672.23 (1) C.Cr. — compétence — Cour du Québec — juge de la peine — pouvoir discrétionnaire — violation des droits constitutionnels — agression sexuelle — renvoi du dossier en première instance.
PÉNAL (DROIT) — juridiction pénale — compétence — Cour du Québec — juge de la peine — pouvoir discrétionnaire — aptitude de l’accusé à recevoir sa peine — application des articles 721 et 723 (3) C.Cr. — rapport d’un agent de probation de la nature d’une évaluation psychiatrique — motifs raisonnables de croire qu’une preuve concernant l’état mental de l’appelant est nécessaire — suspension de l’instance — interprétation des articles 672.11 a), 672.12 (1) et 672.23 (1) C.Cr. — violation des droits constitutionnels — agression sexuelle — voir-dire — réouverture d’enquête — rejet — appel de peine.
PÉNAL (DROIT) — garanties fondamentales du processus pénal — droit à une défense pleine et entière — droit à un procès juste et équitable — justice fondamentale — aptitude de l’accusé à recevoir sa peine — voir-dire — réouverture d’enquête — rejet — peine — détention — interprétation des articles 672.11 a), 672.12 (1) et 672.23 (1) C.Cr. — compétence — Cour du Québec — juge de la peine — pouvoir discrétionnaire —application des articles 721 et 723 (3) C.Cr. — motifs raisonnables de croire qu’une preuve concernant l’état mental de l’appelant est nécessaire — rapport d’un agent de probation de la nature d’une évaluation psychiatrique — suspension de l’instance — violation des droits constitutionnels — agression sexuelle — appel de peine.
PÉNAL (DROIT) — procédure pénale — procédure fédérale — voir-dire — réouverture d’enquête — rejet — aptitude de l’accusé à recevoir sa peine — permission d’appel — peine — agression sexuelle — interprétation des articles 672.11 a), 672.12 (1) et 672.23 (1) C.Cr. — compétence — Cour du Québec — juge de la peine — pouvoir discrétionnaire — application des articles 721 et 723 (3) C.Cr. — motifs raisonnables de croire qu’une preuve concernant l’état mental de l’appelant est nécessaire — rapport d’un agent de probation de la nature d’une évaluation psychiatrique — suspension de l’instance — violation des droits constitutionnels — agression sexuelle — appel de peine — renvoi du dossier en première instance.
DROITS ET LIBERTÉS — droits judiciaires — vie, sûreté, intégrité et liberté — droit à une défense pleine et entière — droit à un procès juste et équitable — justice fondamentale — aptitude de l’accusé à recevoir sa peine — voir-dire — réouverture d’enquête — rejet — peine — détention — interprétation des articles 672.11 a), 672.12 (1) et 672.23 (1) C.Cr. — compétence — Cour du Québec — juge de la peine — pouvoir discrétionnaire — application des articles 721 et 723 (3) C.Cr. — motifs raisonnables de croire qu’une preuve concernant l’état mental de l’appelant est nécessaire — rapport d’un agent de probation de la nature d’une évaluation psychiatrique — suspension de l’instance — violation des droits constitutionnels — agression sexuelle — appel de peine.
PÉNAL (DROIT) — responsabilité pénale — aptitude de l’accusé à recevoir sa peine — interprétation des articles 672.11 a), 672.12 (1) et 672.23 (1) C.Cr. — compétence — Cour du Québec — juge de la peine — pouvoir discrétionnaire —application des articles 721 et 723 (3) C.Cr. — motifs raisonnables de croire qu’une preuve concernant l’état mental de l’appelant est nécessaire — rapport d’un agent de probation de la nature d’une évaluation psychiatrique — suspension de l’instance — violation des droits constitutionnels — appel de peine — agression sexuelle.
Requête en autorisation d’appel de la peine. Accueillie. Appel de la peine. Accueilli en partie; la peine de 5 ans de détention est annulée et le dossier est retourné en première instance afin de statuer sur l’aptitude de l’appelant à recevoir sa peine.
Le requérant a été déclaré coupable d’agression sexuelle à l’endroit d’une mineure. La détermination de la peine a été mise en délibéré. Avant le prononcé du jugement, l’avocat du requérant a fait parvenir à la juge un courriel sollicitant une réouverture d’enquête pour déterminer l’aptitude de son client à recevoir sa peine, et ce, sur la base de ses constatations selon lesquelles la condition mentale de son client s’était dégradée depuis la mise en délibéré de la détermination de la peine. L’avocat du requérant suggérait ainsi à la juge d’adapter les articles 672.11 a) et 672.23 (1) du Code criminel (C.Cr.) à la situation de son client. Cette requête informelle a été rejetée par la juge, laquelle a imposé au requérant une peine d’emprisonnement de 5 ans. L’avocat conteste cette décision.
Décision
M. le juge Gagnon: Le législateur n’a pas étendu le régime législatif applicable aux accusés atteints de troubles mentaux, lequel est prévu à la partie XX.1 du Code criminel (art. 672.1 à 672.95), au stade de la détermination de la peine, malgré les inquiétudes soulevées à l’époque par le Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Dans l’état actuel des choses, la définition de l’«inaptitude à subir son procès» figurant à l’article 2 C.Cr. et le libellé des articles 672.11 a) et 672.23 (1) C.Cr. ne laissent guère place à l’interprétation. Au sens de la loi, le régime ne vise que la situation de l’accusé dont l’aptitude est remise en question avant le verdict. Lorsqu’un problème de santé mentale est invoqué au stade de la peine, il s’agit d’une situation intenable pour le juge, ce qui est le cas en l’espèce. Toutefois, le silence de la loi ne saurait diminuer les garanties constitutionnelles conférées à un inculpé à toutes les étapes des procédures criminelles. En effet, les mêmes normes relatives à la capacité cognitive de l’accusé s’appliquent tout au long des procédures judiciaires, ce qui comprend nécessairement le stade de la peine. Il est important qu’un accusé soit présent à la fois physiquement et mentalement tout au long des procédures. Le fait que le régime législatif se contente de couvrir uniquement les procédures en amont du verdict n’y change rien, le juge de la peine demeurant tenu de s’assurer que toutes les procédures se déroulent devant un délinquant qui est présent mentalement et qui est capable de participer efficacement au débat ainsi que de communiquer avec son avocat. Par ailleurs, l’objectif de dissuasion poursuivi par le prononcé d’une peine serait compromis si l’accusé était inapte et incapable de comprendre les procédures se déroulant devant lui. En somme, si la question de l’aptitude du délinquant se pose au stade de la détermination de la peine, il faut y répondre à la première étape, et ce, en fonction de la norme «des motifs raisonnables de croire». Le juge aura alors 2 possibilités. Il peut conclure qu’il n’y a pas de motif raisonnable de croire que l’aptitude du délinquant nécessite d’être examinée. Les procédures inhérentes à la détermination de la peine suivront alors leur cours. Dans le cas contraire, la question de l’ordonnance d’évaluation proprement dite sera soulevée. Toutefois, celle-ci n’est pas prévue par la loi au stade de la détermination de la peine. Or, le pouvoir d’un juge de la Cour du Québec de suspendre l’application de certaines dispositions jugées inconstitutionnelles ne comprend pas celui de créer un droit positif en guise de réparation.
La solution se trouve plutôt dans le pouvoir du juge de la Cour du Québec, lequel est prévu aux articles 721 et 723 (3) C.Cr., de requérir un rapport d’un agent de probation portant sur l’état mental d’un délinquant s’il a des motifs raisonnables de croire qu’une preuve à ce sujet est nécessaire pour déterminer l’aptitude de ce dernier à recevoir sa peine. Si l’évaluation psychiatrique conclut à l’inaptitude du délinquant, la seule solution alors envisageable est la suspension de l’instance. Celle-ci doit seulement avoir lieu si la preuve au dossier autorise le juge à conclure que l’inaptitude du délinquant ne pourra se résorber à l’intérieur d’un délai raisonnable. Si l’inaptitude ne s’avère que passagère, le prononcé de la peine doit être reporté afin que l’accusé retrouve dans un délai raisonnable un état de santé mental suffisant. En cas de suspension, il appartiendra alors au régime civil en matière de soins de la personne d’intervenir.
En l’espèce, la juge aurait dû rouvrir l’enquête pour permettre une audience officielle, et ce, afin de vérifier les allégations de l’avocat à propos de l’inaptitude de son client. Le dossier est retourné devant la Cour du Québec pour que la juge puisse enquêter sommairement et ainsi vérifier s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une preuve est nécessaire pour déterminer l’aptitude de l’accusé.
Le texte intégral de la décision est disponible ici
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