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Summaries Sunday: SOQUIJ

Every week we present the summary of a decision handed down by a Québec court provided to us by SOQUIJ and considered to be of interest to our readers throughout Canada. SOQUIJ is attached to the Québec Department of Justice and collects, analyzes, enriches, and disseminates legal information in Québec.

PÉNAL (DROIT) : L’appel du jugement qui a déclaré la compagnie appelante coupable de négligence criminelle ayant causé la mort d’un camionneur pour avoir omis d’entretenir le système de freinage de son camion est rejeté; même si la demande de l’enquêteur fondée sur l’article 59 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels constituait une fouille abusive, celle-ci ne justifiait pas l’exclusion de la preuve.

Intitulé : CFG Construction inc. c. R., 2023 QCCA 1032
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Québec
Décision de : Juges Marie-Josée Hogue, Geneviève Cotnam et Guy Cournoyer
Date : 11 août 2023

Résumé

PÉNAL (DROIT) — infraction — infractions contre la personne — négligence criminelle — négligence criminelle causant la mort — camionneur — victime employé — accusé employeur — personne morale — cadre supérieur (art. 2 C.Cr.) — état du camion lourd — omission d’entretenir les freins — éléments constitutifs de l’infraction — actus reus — application de R. c. Javanmardi (C.S. Can., 2019-11-14), 2019 CSC 54, SOQUIJ AZ-51644565, 2019EXP-3128, [2019] 4 R.C.S. 3 — mens rea — insouciance déréglée et téméraire — écart marqué et important par rapport à la norme de conduite d’une personne raisonnable — lien de causalité — cause du décès — appréciation de la preuve — appel — norme d’intervention — absence d’erreur manifeste et déterminante.

PÉNAL (DROIT) — preuve pénale — recevabilité de la preuve — ouï-dire — déclarations extrajudiciaires de la victime — état d’esprit — exception raisonnée à la règle du ouï-dire — effet préjudiciable — preuve de propension — preuve de faits similaires — négligence criminelle causant la mort — camionneur — accusé employeur — personne morale — état du camion lourd — omission d’entretenir les freins — pertinence — enquêteur — demande de documents — Société de l’assurance automobile du Québec — article 59 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels — expectative de vie privée — exclusion de la preuve — appréciation de la preuve — déclaration de culpabilité — appel.

PÉNAL (DROIT) — garanties fondamentales du processus pénal — droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives — droit à une défense pleine et entière — fouille abusive — document — Société de l’assurance automobile du Québec — article 59 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels — expectative de vie privée — exclusion de la preuve — déconsidération de l’administration de la justice — enquêteur — notes — destruction — équité du procès — intégrité du système judiciaire — arrêt des procédures — fardeau de la preuve — absence de préjudice — appel.

DROITS ET LIBERTÉS — droits judiciaires — protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives — droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives — fouille abusive — document — Société de l’assurance automobile du Québec — article 59 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels — expectative de vie privée — déconsidération de l’administration de la justice — exclusion de la preuve — appel.

DROITS ET LIBERTÉS — droits judiciaires — vie, sûreté, intégrité et liberté — droit à une défense pleine et entière — enquêteur — notes — destruction — équité du procès — intégrité du système judiciaire — arrêt des procédures — fardeau de la preuve — absence de préjudice — appel.

ACCÈS À L’INFORMATION — protection des renseignements personnels et nominatifs — caractère confidentiel des renseignements — secteur public — document — Société de l’assurance automobile du Québec — article 59 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels — enquête policière — infraction criminelle — fouille abusive — expectative de vie privée.

Appel d’une déclaration de culpabilité. Rejeté.

La compagnie appelante a été déclarée coupable de négligence criminelle causant la mort. La victime, un camionneur qui conduisait un camion appartenant à l’appelante, est décédée quand le véhicule s’est renversé dans un virage. La juge de première instance a considéré que l’omission d’entretien du camion et de ses freins constituait un écart marqué et important par rapport à la conduite d’une personne raisonnable.

Décision

M. le juge Cournoyer:

L’application erronée de la négligence criminelle

Le jugement de première instance a été rendu avant l’arrêt de la Cour suprême du Canada R. c. Javanmardi (C.S. Can., 2019-11-14), 2019 CSC 54, SOQUIJ AZ-51644565, 2019EXP-3128, [2019] 4 R.C.S. 3, laquelle a précisé le cadre d’analyse de la négligence criminelle. L’interprétation de la juge en l’espèce, qui était fondée sur l’arrêt de la Cour d’appel dans la même affaire (R. c. Javanmardi (C.A., 2018-05-31), 2018 QCCA 856, SOQUIJ AZ-51499093, 2018EXP-1521), était plus favorable à l’appelante que celle adoptée par la Cour suprême. En effet, contrairement aux principes qu’a appliqués la juge dans le présent dossier, c’est l’élément de faute et non l’actus reus qui doit fonder l’évaluation de l’acte ou de l’omission en cause, laquelle est considérée comme une forme d’«insouciance déréglée ou téméraire» à l’égard de la vie ou de la sécurité d’autrui. Ainsi, la norme de la faute utilisée par la juge dans son analyse était grandement favorable à l’appelante, dans la mesure où la juge s’est livrée au même exercice à 2 reprises: elle a procédé à l’évaluation de la conduite de l’appelante en cherchant à savoir si elle constituait de l’insouciance déréglée et téméraire, puis si elle représentait plutôt un écart marqué et important par rapport à la norme de la personne raisonnable. Or, il ne s’agit pas de 2 normes distinctes, comme l’a rappelé la Cour suprême dans Javanmardi.

De plus, la juge n’a pas accordé une attention indue à la conséquence de la négligence, soit la mort du camionneur, dans l’application de la négligence criminelle. Le fait qu’elle ait évalué l’écart marqué et important en fonction d’une «norme de prudence», et non selon la norme qu’une personne raisonnable respecterait dans la même situation, ne constitue pas une erreur justifiant une intervention. Même si l’expression «norme de prudence» employée par la juge n’est pas celle retenue par la jurisprudence, elle sous-tend la norme de la personne raisonnablement prudente placée dans les mêmes circonstances. En outre, l’exigence de prudence pouvait être analysée par la juge puisque celle-ci diffère en fonction de l’activité exercée, comme le fait valoir Javanmardi.

Le verdict déraisonnable et l’appréciation erronée de la preuve

L’évaluation de la preuve ne révèle aucune erreur manifeste et déterminante. De plus, le verdict n’est pas déraisonnable.

La recevabilité d’une preuve de ouï-dire

Lors du procès, l’appelante s’est opposée à la recevabilité de plusieurs déclarations de la victime rapportées par des témoins. Il s’avère inutile de réviser l’ensemble des conclusions de la juge à cet égard. En effet, les déclarations de la victime ont été principalement considérées par la juge à des fins narratives et non adjudicatives, car la preuve n’était pas présentée pour établir la véracité du contenu de la déclaration de la victime, soit le mauvais état mécanique de son camion et de ses freins. Sur cette question centrale, la juge n’a utilisé les déclarations que dans le but de confirmer le fait que la victime avait porté les problèmes associés aux freins du camion à l’attention de l’appelante, une question qui n’était pas contestée.

L’irrecevabilité d’une preuve de propension

Les parties ont débattu la recevabilité de certains éléments de preuve concernant l’entretien du camion à l’aune des principes relatifs à la recevabilité de la preuve de faits similaires, et la juge a tranché cette question en s’appuyant sur ces échanges. Or, la grille d’analyse relative à la preuve de faits similaires se prête mal au contexte de la présente affaire, qui concerne une infraction de négligence criminelle se rapportant à l’entretien d’un camion lourd. La preuve démontrant la négligence commise par l’appelante avant et pendant la période visée par l’accusation était manifestement recevable puisqu’elle rendait compte du comportement adopté par celle-ci et non de sa propension à commettre l’infraction. Même si l’on tenait pour acquis que certains éléments de preuve allaient au-delà des fins reconnues pour évaluer la diligence de l’appelante, rien ne démontre que la juge a utilisé cette preuve à une fin illégitime.

Les violations constitutionnelles

Dans le cadre de son enquête criminelle, l’enquêteur a présenté une demande en vertu de l’article 59 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels afin d’obtenir de la documentation concernant l’appelante qui était détenue par la Société de l’assurance automobile du Québec. En l’espèce, la présomption quant au caractère abusif de la demande ne pouvait être repoussée puisque la disposition invoquée, laquelle encadre la transmission de renseignements personnels, ne garantit pas le droit d’accès aux renseignements d’une personne morale. La poursuite ne pouvait donc se fonder sur l’article 59 de la loi sur l’accès pour justifier la transmission de l’information concernant l’appelante à la police. Or, même si la demande constituait une fouille abusive, elle ne justifiait pas l’exclusion de la preuve.

L’appelante invoque également une autre violation constitutionnelle que serait la destruction de notes de l’enquêteur qui est survenue avant la rédaction des déclarations signées par des témoins et l’omission de prendre des notes en ce qui concerne les circonstances liées à la rencontre avec ceux-ci. La juge a exclu qu’il s’agissait d’un abus de procédure qui justifierait un arrêt des procédures. En outre, même s’il est acquis depuis longtemps, contrairement à ce que soutenait la juge, que les policiers doivent prendre des notes exactes, détaillées et exhaustives, l’appelante n’a pas établi en l’espèce une atteinte à l’équité du procès ou à l’intégrité du système de justice qui justifierait un arrêt des procédures ni que l’absence de ces notes lui avait causé un préjudice concret et irréparable quant à sa capacité de présenter une défense pleine et entière.

Le texte intégral de la décision est disponible ici

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