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Summaries Sunday: SOQUIJ

Every week we present the summary of a decision handed down by a Québec court provided to us by SOQUIJ and considered to be of interest to our readers throughout Canada. SOQUIJ is attached to the Québec Department of Justice and collects, analyzes, enriches, and disseminates legal information in Québec.

CONSTITUTIONNEL (DROIT) : En matière de violation de droits ancestraux, la Cour supérieure ne se sent plus liée par le test qu’a établi il y a plus de 30 ans la Cour suprême du Canada dans R. c. Van der Peet (C.S. Can., 1996-08-21), SOQUIJ AZ-96111094, J.E. 96-1675, [1996] 2 R.C.S. 507, vu notamment l’adoption en droit canadien de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et l’importance qu’a prise depuis, au sein de la société canadienne, le principe de la réconciliation entre la Couronne et les nations autochtones.

Intitulé : R. c. Montour, 2023 QCCS 4154
Juridiction : Cour supérieure (C.S.), Longueuil
Décision de : Juge Sophie Bourque
Date : 1er novembre 2023

Résumé

CONSTITUTIONNEL (DROIT) — autochtones — revendication — droits issus de traités — commerce du tabac — Mohawks — chaîne d’alliance (Covenant chain) — procédure de résolution des conflits — «conseils» tenus entre les Haudenosaunee et la Couronne britannique — violation de la procédure — atteinte au droit de discuter de l’enjeu du commerce du tabac — obligation de consultation — honneur de la Couronne — droits ancestraux — droit au développement économique — reconnaissance — test applicable — réconciliation de la Couronne avec les peuples autochtones — fardeau de la preuve — article 42 (1) de la Loi de 2001 sur l’accise — objectif de la loi — atteinte aux droits garantis par l’article 35 (1) de la Loi constitutionnelle de 1982 — atteinte non justifiée — obligation d’accommodement — obligation fiduciaire — réparation — déclaration d’inopérabilité constitutionnelle — infraction pénale — déclaration de culpabilité — arrêt des procédures.

PÉNAL (DROIT) — procédure pénale — procédure fédérale — arrêt des procédures — déclaration de culpabilité — gangstérisme — accusé autochtone — Mohawks — droits issus de traités — commerce du tabac — atteinte au droit de discuter de l’enjeu du commerce du tabac — obligation de consultation — honneur de la Couronne — droits ancestraux — droit au développement économique — fardeau de la preuve — infraction pénale — article 42 (1) de la Loi de 2001 sur l’accise — atteinte aux droits garantis par l’article 35 (1) de la Loi constitutionnelle de 1982 — atteinte non justifiée — réparation — déclaration d’inopérabilité constitutionnelle.

FISCALITÉ — douane et accise — infraction pénale — gangstérisme — accusé autochtone — Mohawks — droits issus de traités — commerce du tabac — atteinte au droit de discuter de l’enjeu du commerce du tabac — obligation de consultation — honneur de la Couronne — droits ancestraux — droit au développement économique — fardeau de la preuve — article 42 (1) de la Loi de 2001 sur l’accise — atteinte aux droits garantis par l’article 35 (1) de la Loi constitutionnelle de 1982 — atteinte non justifiée — réparation — déclaration d’inopérabilité constitutionnelle — accusation criminelle — déclaration de culpabilité — arrêt des procédures.

CONSTITUTIONNEL (DROIT) — divers — article 42 (1) de la Loi de 2001 sur l’accise — validité constitutionnelle — infraction pénale — accusé autochtone — Mohawks — droits issus de traités — commerce du tabac — atteinte au droit de discuter de l’enjeu du commerce du tabac — obligation de consultation — honneur de la Couronne — droits ancestraux — droit au développement économique — fardeau de la preuve — atteinte aux droits garantis par l’article 35 (1) de la Loi constitutionnelle de 1982 — atteinte non justifiée — réparation — déclaration d’inopérabilité constitutionnelle — accusation criminelle — gangstérisme — déclaration de culpabilité — arrêt des procédures.

Demande en arrêt des procédures. Accueillie.

Les accusés, qui sont membres de la Première Nation des Mohawks de Kahnawake, ont été reconnus coupables de diverses infractions criminelles en lien avec l’importation de tabac. Ils soutiennent que l’article 42 (1) de la Loi de 2001 sur l’accise porte atteinte de manière injustifiée à leurs droits ancestraux et à ceux issus de traités — dont la chaîne d’alliance («Covenant Chain») —, tels qu’ils sont protégés par l’article 35 (1) de la Loi constitutionnelle de 1982.

Décision

La Cour leur donne raison. Les Mohawks font partie de la Confédération Haudenosaunee, aussi connue comme la «Ligue des Iroquois». La chaîne d’alliance, à laquelle la Cour reconnaît le statut de «métatraité» oral de paix et d’amitié, existe depuis 350 ans et constitue une représentation métaphorique de la relation existant entre les Haudenosaunee et la Couronne britannique. Au coeur de la chaîne d’alliance se trouve un mode de résolution des conflits, soit les «conseils», auxquels prenaient part les parties pour discuter de différents enjeux. Il s’agit d’une structure diplomatique issue du droit et des traditions des Haudenosaunee qui pouvait déboucher sur des traités, selon l’objet de la discussion. Les 10 traités invoqués en l’espèce par les accusés ont d’ailleurs été conclus lors de tels conseils, entre 1664 (à l’arrivée des Britanniques) et le 16 septembre 1760 (1 semaine après la capitulation de Montréal). Par ailleurs, une analyse de la preuve historique afférente à ces traités démontre que les enjeux liés au commerce étaient des questions que les parties à ces ententes entendaient régler. À cet égard, rien ne justifie de limiter la notion de «commerce» au commerce des fourrures, à l’exclusion du commerce du tabac. De plus, la Cour estime que la chaîne d’alliance est toujours en vigueur aujourd’hui. Or, contrairement à ce qu’elle a fait avec les représentants de l’industrie du tabac, la Couronne n’a pas cherché à engager des discussions avec les Mohawks de Kahnawake lors de l’adoption de la Loi de 2001 sur l’accise, et ce, bien que la réglementation du commerce du tabac ait été un sujet de désaccord bien connu entre les parties. Dans un tel contexte, la Couronne a violé prima facie la procédure établie par la chaîne d’alliance et le droit des Mohawks de «discuter» du commerce du tabac. Incidemment, elle a aussi échoué au premier volet du test établi dans Nation Tsilhqot’in c. Colombie-Britannique (C.S. Can., 2014-06-26), 2014 CSC 44, SOQUIJ AZ-51085367, 2014EXP-2030, J.E. 2014-1148, [2014] 2 R.C.S. 257, quant à la justification de la violation, soit l’obligation de consultation.

La Couronne a également violé les droits ancestraux des Mohawks en imposant des droits d’accise et en retenant des infractions criminelles en lien avec ceux-ci, et ce, pour les raisons qui suivent. D’abord, la Cour ne se sent plus liée par le test qu’a établi il y a plus de 30 ans la Cour suprême du Canada dans R. c. Van der Peet (C.S. Can., 1996-08-21), SOQUIJ AZ-96111094, J.E. 96-1675, [1996] 2 R.C.S. 507, vu notamment l’adoption en droit canadien de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et l’importance qu’a prise depuis, au sein de la société canadienne, le principe de la réconciliation entre la Couronne et les nations autochtones. Introduisant un nouveau test pour établir l’existence d’un droit ancestral, la Cour estime qu’il incombe à la personne qui invoque la violation d’un tel droit de remplir les 3 conditions suivantes: 1) le droit collectif invoqué doit être précisé; 2) ce droit collectif doit être protégé par le système juridique traditionnel de sa nation; et 3) l’activité en cause doit être un exercice de ce droit. En l’occurrence, le droit exercé par les accusés est le droit de la nation Mohawk de poursuivre librement son développement économique. De plus, ce droit est protégé par le système juridique traditionnel des Mohawks de Kahnawake. Enfin, malgré toutes les réticences qu’il peut y avoir à l’endroit du commerce du tabac, la Cour estime que la participation à un tel commerce constitue l’exercice de ce droit. En d’autres termes, la présente demande remplit les critères du nouveau test établi par la Cour pour la reconnaissance d’un droit ancestral. Par ailleurs, dans le régime actuel, les Mohawks de Kahnawake ne peuvent exercer leurs droits que suivant l’exercice par le ministre de son pouvoir discrétionnaire, lequel peut refuser de délivrer un permis pour le motif nébuleux de l’intérêt public ou encore y imposer des conditions; cela constitue une limite déraisonnable aux droits précédemment reconnus et protégés par l’article 35 (1) de la Loi constitutionnelle de 1982. En effet, on ne peut supposer que le pouvoir discrétionnaire sera exercé d’une manière qui tiendra compte des droits constitutionnels des requérants. La Couronne a donc, prima facie, violé le droit ancestral des accusés au développement économique. Quant à la justification de la violation, la Cour a précédemment conclu que la Couronne n’avait pas suffisamment discuté avec les Mohawks de l’enjeu du commerce du tabac, contrairement à ce que lui imposait la chaîne d’alliance. Elle n’a donc pas rempli son obligation de consultation, et encore moins celle d’accommodement. De plus, si la Couronne a démontré que la législation attaquée poursuivait un objectif valable, impérieux et substantiel, cela n’est pas suffisant, faute de circonstances exceptionnelles, pour éluder l’obligation de consultation. De toute façon, la Couronne a également failli à son obligation de fiduciaire.

Ainsi, puisque l’article 42 (1) de la Loi de 2001 sur l’accise contrevient aux droits ancestraux des accusés et à ceux issus de traités, il ne saurait être opposé à ces derniers. Dans un tel contexte, il convient d’ordonner l’arrêt permanent des procédures contre les accusés.

Le texte intégral de la décision est disponible ici

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