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Summaries Sunday: SOQUIJ

Every week we present the summary of a decision handed down by a Québec court provided to us by SOQUIJ and considered to be of interest to our readers throughout Canada. SOQUIJ is attached to the Québec Department of Justice and collects, analyzes, enriches, and disseminates legal information in Québec.

DROITS ET LIBERTÉS : Un homme âgé dont le fils a retiré plus de 100 000 $ de ses comptes bancaires n’a pas été victime d’exploitation financière puisque ces retraits, qui étaient conformes à la volonté qu’il avait exprimée avant d’avoir des troubles cognitifs, ne l’ont pas placé dans une situation financière précaire; il a toutefois été victime d’exploitation physique parce que son fils ne lui a pas apporté les soins de base, l’attention et le soutien que sa condition exigeait.

Intitulé : Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (D.T.) c. R.T., 2023 QCTDP 23
Juridiction : Tribunal des droits de la personne (T.D.P.Q.), Montréal
Décision de : Juge Johanne Gagnon, Me Marie-Josée Paiement et Me Daniel Proulx, assesseurs
Date : 17 novembre 2023

Résumé

DROITS ET LIBERTÉS — droits économiques et sociaux — personnes âgées ou handicapées — exploitation financière — homme de 71 ans — par son fils — fardeau de la preuve — appréciation de la preuve — vulnérabilité — troubles cognitifs — maladie d’Alzheimer — mise à profit d’une position de force au détriment de la victime — retraits bancaires — absence d’appropriation de fonds — isolement — négligence — soins — hygiène — nutrition — exploitation physique — atteinte à la dignité — dommage non pécuniaire — dommages punitifs.

DROITS ET LIBERTÉS — droits et libertés fondamentaux — dignité — personne âgée — personne handicapée — exploitation physique — homme de 71 ans — par son fils — vulnérabilité — troubles cognitifs — maladie d’Alzheimer — isolement — négligence — soins — hygiène — nutrition — dommage non pécuniaire — dommages punitifs.

DOMMAGE (ÉVALUATION) — dommage exemplaire ou dommage punitif — Charte des droits et libertés de la personne — exploitation physique — personne âgée — personne handicapée — homme de 71 ans — par son fils — vulnérabilité — troubles cognitifs — maladie d’Alzheimer — atteinte à la dignité.

DOMMAGE (ÉVALUATION) — dommage moral — exploitation physique — personne âgée — personne handicapée — homme de 71 ans — par son fils — vulnérabilité — troubles cognitifs — maladie d’Alzheimer — atteinte à la dignité.

Demande en réclamation de dommages matériels (117 890 $), de dommages moraux (10 000 $) et de dommages punitifs (1 000 $). Accueillie en partie (8 000 $).

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) allègue que, entre les mois de février 2017 et de février 2019, le défendeur a compromis le droit de son père, la victime, à la protection contre l’exploitation des personnes âgées et handicapées en le négligeant et en profitant de sa vulnérabilité pour s’approprier des sommes d’argent lui appartenant, en violation de l’article 48 de la Charte des droits et libertés de la personne. En agissant de la sorte, le défendeur a également porté atteinte au droit de la victime à la sauvegarde de sa dignité sans distinction ou exclusion fondée sur l’âge et le handicap, contrevenant ainsi aux articles 4 et 10 de la charte.

Décision

Pour qu’un recours fondé sur l’article 48 de la charte soit accueilli, les 3 éléments suivants doivent être mis en preuve: 1) la vulnérabilité de la personne âgée ou handicapée; 2) la position de force de l’exploiteur par rapport à la victime; et 3) la mise à profit de la situation en faveur de l’exploiteur, au détriment de la victime.

Même si elle était âgée de seulement 71 ans au début de la période d’exploitation alléguée, la victime présentait la vulnérabilité requise. En effet, elle était fragilisée par la maladie d’Alzheimer et vivait un déclin cognitif et physique important depuis au moins le mois de novembre 2016. Son état s’est progressivement détérioré jusqu’à ce que son inaptitude totale et permanente soit constatée médicalement en décembre 2018. La victime vivait seule et le défendeur était le seul de ses 5 enfants qu’elle voyait encore. À compter de novembre 2016, celle-ci dépendait totalement du défendeur pour ses besoins de base (nourriture, ménage et hygiène). Sur le plan financier, le défendeur gérait tous les avoirs de la victime en raison de la confiance que celle-ci lui accordait. Le défendeur était donc en position de force par rapport à la victime, compte tenu de la vulnérabilité de celle-ci. Cependant, on ne peut conclure que le défendeur a profité de sa position de force pour s’approprier indûment la somme de 117 890 $ au moyen de diverses transactions effectuées à partir des comptes de son père. En effet, les transactions reprochées au défendeur étaient conformes aux volontés de la victime, telles qu’elles avaient été exprimées avant sa maladie, alors qu’elle était en mesure de faire des choix libres et éclairés. De plus, aucune preuve ne démontre que ces transactions ont placé la victime dans une situation financière précaire l’ayant l’empêché d’obtenir les soins dont elle a besoin ou de résider dans un environnement qui lui convenait. On ne peut donc conclure qu’il y a eu une mise à profit dans le cadre d’une exploitation financière. Toutefois, la protection offerte par l’article 48 n’est pas limitée à l’exploitation financière et s’étend aux autres formes d’exploitation. Or, à compter de l’été 2018, le défendeur a profité, volontairement ou non, de sa position de force et de la vulnérabilité de la victime pour la négliger physiquement et émotivement en ne lui apportant pas les soins de base ni l’attention et le soutien minimaux que sa condition précaire exigeait. De plus, la situation dégradante que celle-ci vivait en raison de conditions d’hygiène déplorables, de son importante perte de poids découlant d’un manque de nourriture et de son abandon complet constitue une violation de son droit à la sauvegarde de sa dignité.

Une somme de 7 500 $ est accordée à la victime pour le préjudice moral subi. Enfin, une somme de 500 $ à titre de dommages punitifs est suffisante en l’espèce pour assurer les fonctions préventive, dissuasive et punitive de cette compensation.

Le texte intégral de la décision est disponible ici

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