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Summaries Sunday: SOQUIJ

Every week we present the summary of a decision handed down by a Québec court provided to us by SOQUIJ and considered to be of interest to our readers throughout Canada. SOQUIJ is attached to the Québec Department of Justice and collects, analyzes, enriches, and disseminates legal information in Québec.

DROITS ET LIBERTÉS : Le couvre-feu prévu au Décret concernant l’ordonnance de mesures visant à protéger la santé de la population dans la situation de pandémie de la COVID-19 (décret 2-2021) porte atteinte au droit à la liberté d’expression, à la liberté de réunion pacifique et à la liberté des défendeurs, mais il constitue une limite raisonnable dans le cadre d’une société libre et démocratique.

Intitulé : Directeur des poursuites criminelles et pénales c. Pépin, 2024 QCCQ 299
Juridiction : Cour du Québec, Chambre criminelle et pénale (C.Q.), Abitibi (Amos)
Décision de : Marie-France Beaulieu, juge de paix magistrat
Date : 30 janvier 2024

Résumé

DROITS ET LIBERTÉS — droits et libertés fondamentaux — pensée, opinion et expression — liberté d’expression — manifestation — alinéa 1 g) sous-paragraphe 29 du Décret concernant l’ordonnance de mesures visant à protéger la santé de la population dans la situation de pandémie de la COVID-19 — couvre-feu — articles 123 paragraphe 8 et 139 de la Loi sur la santé publique — avis gouvernemental — pandémie — coronavirus — COVID-19 — état d’urgence sanitaire — infraction pénale — constitutionnalité — règle de droit — objectif urgent et réel — protection de la santé de la population — transmission du virus — lien rationnel — atteinte minimale — absence d’autres mesures raisonnables — prépondérance des effets préjudiciables sur les effets bénéfiques — circonstances exceptionnelles — atteinte justifiée.

DROITS ET LIBERTÉS — droits et libertés fondamentaux — réunion pacifique — manifestation — alinéa 1 g) sous-paragraphe 29 du Décret concernant l’ordonnance de mesures visant à protéger la santé de la population dans la situation de pandémie de la COVID-19 — couvre-feu — articles 123 paragraphe 8 et 139 de la Loi sur la santé publique — avis gouvernemental — pandémie — coronavirus — COVID-19 — état d’urgence sanitaire — infraction pénale — constitutionnalité — règle de droit — objectif urgent et réel — protection de la santé de la population — transmission du virus — lien rationnel — atteinte minimale — absence d’autres mesures raisonnables — prépondérance des effets préjudiciables sur les effets bénéfiques — circonstances exceptionnelles — atteinte justifiée.

DROITS ET LIBERTÉS — droits judiciaires — vie, sûreté, intégrité et liberté — droit à la liberté — alinéa 1 g) sous-paragraphe 29 du Décret concernant l’ordonnance de mesures visant à protéger la santé de la population dans la situation de pandémie de la COVID-19 — couvre-feu — articles 123 paragraphe 8 et 139 de la Loi sur la santé publique — avis gouvernemental — pandémie — coronavirus — COVID-19 — état d’urgence sanitaire — infraction pénale — constitutionnalité — règle de droit — objectif urgent et réel — protection de la santé de la population — transmission du virus — lien rationnel — atteinte minimale — absence d’autres mesures raisonnables — prépondérance des effets préjudiciables sur les effets bénéfiques — circonstances exceptionnelles — atteinte justifiée.

DROITS ET LIBERTÉS — droits et libertés fondamentaux — limites à l’exercice des droits et libertés — liberté d’expression — réunion pacifique — droit à la liberté — limite raisonnable — alinéa 1 g) sous-paragraphe 29 du Décret concernant l’ordonnance de mesures visant à protéger la santé de la population dans la situation de pandémie de la COVID-19 — couvre-feu — articles 123 paragraphe 8 et 139 de la Loi sur la santé publique — avis gouvernemental — pandémie — coronavirus — COVID-19 — état d’urgence sanitaire — infraction pénale — constitutionnalité — règle de droit — objectif urgent et réel — protection de la santé de la population — transmission du virus — lien rationnel — atteinte minimale — absence d’autres mesures raisonnables — prépondérance des effets préjudiciables sur les effets bénéfiques — circonstances exceptionnelles — atteinte justifiée.

PÉNAL (DROIT) — infraction — autres infractions pénales — non-respect du couvre-feu — manifestation — alinéa 1 g) sous-paragraphe 29 du Décret concernant l’ordonnance de mesures visant à protéger la santé de la population dans la situation de pandémie de la COVID-19 — articles 123 paragraphe 8 et 139 de la Loi sur la santé publique — avis gouvernemental — pandémie — coronavirus — COVID-19 — état d’urgence sanitaire — constitutionnalité — règle de droit — objectif urgent et réel — protection de la santé de la population — transmission du virus — lien rationnel — atteinte minimale — absence d’autres mesures raisonnables — prépondérance des effets préjudiciables sur les effets bénéfiques — circonstances exceptionnelles — liberté d’expression — réunion pacifique — droit à la liberté — atteinte justifiée — déclaration de culpabilité.

ADMINISTRATIF (DROIT) — actes de l’Administration — décret — Décret concernant l’ordonnance de mesures visant à protéger la santé de la population dans la situation de pandémie de la COVID-19 (décret 2-2021) — articles 123 paragraphe 8 et 139 de la Loi sur la santé publique — avis gouvernemental — couvre-feu — infraction pénale — constitutionnelle — pandémie — coronavirus — COVID-19 — état d’urgence sanitaire — objectif urgent et réel — lien rationnel — atteinte minimale — prépondérance des effets préjudiciables sur les effets bénéfiques — circonstances exceptionnelles — liberté d’expression — réunion pacifique — droit à la liberté — atteinte justifiée.

SOCIAL (DROIT) — services de santé et services sociaux — infraction publique — pandémie — coronavirus — COVID-19 — état d’urgence sanitaire — couvre-feu — alinéa 1 g) sous-paragraphe 29 du Décret concernant l’ordonnance de mesures visant à protéger la santé de la population dans la situation de pandémie de la COVID-19 — articles 123 paragraphe 8 et 139 de la Loi sur la santé publique — constitutionnalité — règle de droit — objectif urgent et réel — protection de la santé de la population — transmission du virus — lien rationnel — atteinte minimale — absence d’autres mesures raisonnables — prépondérance des effets préjudiciables sur les effets bénéfiques — liberté d’expression — réunion pacifique — droit à la liberté — circonstances exceptionnelles — atteinte justifiée.

Requête en déclaration d’inconstitutionnalité de l’alinéa 1 g) sous-paragraphe 29 du Décret concernant l’ordonnance de mesures visant à protéger la santé de la population dans la situation de pandémie de la COVID-19 (décret 2-2021), des articles 123 paragraphe 8 et 139 de la Loi sur la santé publique ainsi que de l’avis gouvernemental du 9 janvier 2021. Rejetée.

Dans le contexte de la pandémie causée par le coronavirus COVID-19, le 13 mars 2020, le gouvernement du Québec a décrété l’état d’urgence sanitaire. Pour limiter la propagation du virus, le 6 janvier 2021, le gouvernement a décidé d’imposer par décret, à compter du 9 janvier suivant, un couvre-feu interdisant à toute personne d’être à l’extérieur de sa résidence entre 20 h et 5 h. Les défendeurs, en se trouvant à l’extérieur au moment du couvre-feu afin de manifester contre cette mesure du gouvernement, ont commis une infraction. La requérante, qui fait partie des défendeurs, conteste la constitutionnalité de l’alinéa 1 g) sous-paragraphe 29 du décret 2-2021, de l’avis gouvernemental par lequel l’État a diffusé le contenu de l’interdiction ainsi que des articles 123 paragraphe 8 et 139 de la Loi sur la santé publique. Elle soutient que le couvre-feu constitue une atteinte à sa liberté d’expression ou à sa liberté de réunion pacifique, de même qu’à son droit à la liberté, et que ces violations ne sont pas justifiées dans le cadre d’une société libre et démocratique.

Décision

La Charte canadienne des droits et libertés et la Charte des droits et libertés de la personne ne permettent pas de constater ni de déclarer que l’avis gouvernemental serait invalide et inopérant. Seule une règle de droit peut l’être. Or, l’avis gouvernemental diffusé le 9 janvier 2021 ne constitue pas une règle de droit. Il exprime tout au plus le contenu d’une norme juridique obligatoire, soit le décret.

À l’égard de la liberté d’expression, appliquant le test en 3 étapes qui vise à déterminer si une règle de droit porte atteinte à cette liberté, le tribunal détermine que l’acte de se rassembler pour manifester visait à transmettre un message ou une signification. Par ailleurs, cette activité expressive s’est exercée dans un lieu public selon un mode d’expression simple et exempt de violence. Or, le couvre-feu ne porte pas atteinte, par son objet, au droit à la liberté d’expression. Cependant, cette mesure a eu pour effet de restreindre la liberté d’expression des défendeurs, alors que leur activité de manifester favorisait l’un des 3 objectifs prévus à l’article 2 b) de la charte canadienne, soit le débat démocratique, la recherche de la vérité et l’épanouissement personnel.

Quant à la liberté de réunion pacifique, le fait qu’il y ait une plage horaire d’interdiction précise ne change en rien l’existence ou non d’une violation. Par ailleurs, il n’y pas de cadre d’analyse clairement défini pour ce droit. Le modèle applicable à la liberté d’expression peut servir à la liberté de réunion pacifique. En l’espèce, la manifestation avait un contenu expressif. Par ailleurs, ni le lieu choisi ni le mode d’expression utilisé par les défendeurs n’écartaient la protection du droit à la liberté de réunion pacifique. Par son effet, la mesure prise par l’État a porté atteinte à ce droit, et l’activité des défendeurs favorisait des valeurs sous-jacentes à la liberté de réunion pacifique, soit un débat démocratique, la recherche de la vérité ou l’épanouissement personnel. Enfin, il n’y a pas lieu de retenir l’argument selon lequel la requérante a eu l’occasion de manifester avant l’entrée en vigueur du couvre-feu, à 20 h.

Quant au droit à la liberté de la personne, il faut effectuer l’évaluation selon la charte québécoise avant celle selon la charte canadienne, la première n’exigeant pas d’analyse supplémentaire au regard des principes de justice fondamentale. Suivant la charte québécoise, qui impose un fardeau moins élevé, la preuve factuelle convainc assez aisément le tribunal que la mesure gouvernementale porte atteinte au droit à la liberté prévu à son article 1. Dans le cadre de son autonomie personnelle, la requérante a pris la décision intrinsèquement privée d’organiser et de participer à une manifestation pacifique. L’exercice de ce droit signifie la jouissance de la dignité et de l’indépendance individuelle de sa personne. Des restrictions à certaines heures sous peine de contravention contrecarraient sa liberté de participer à une manifestation pour dénoncer la mesure contestée. Il n’est pas nécessaire de se prononcer sur les prétentions d’une violation du droit à la liberté sous l’article 7 de la charte canadienne.

En ce qui concerne la raisonnabilité des restrictions à ces 3 droits, premièrement, la mesure, qui était susceptible de réduire la propagation du virus, poursuivait un objectif de santé publique urgent et réel. Au moment où elle a été prise, la situation sanitaire était hautement évolutive et les capacités hospitalières étaient à leur limite, ce qui rendait urgente l’application de mesures, dont le couvre-feu. Deuxièmement, il existe un lien rationnel entre le moyen choisi (le couvre-feu) et l’objectif recherché de diminuer les contacts pour limiter potentiellement la propagation du virus. Il n’y a pas d’incompatibilité entre le décret et sa loi habilitante. Troisièmement, la mesure, qui comporte de nombreuses exceptions, porte le moins possible atteinte aux droits garantis. Le couvre-feu adopté par l’État constitue une limite raisonnable aux droits fondamentaux en cause. Quatrièmement, après avoir soupesé les effets bénéfiques du couvre-feu et ses effets préjudiciables, il y a lieu de conclure que les bénéfices dépassent les inconvénients de la restriction imposée aux droits fondamentaux, même dans le contexte d’une manifestation politique pacifique. Ainsi, malgré l’état des connaissances scientifiques de l’époque sur la COVID-19, combiné à une volonté de protéger les personnes vulnérables, la mesure contestée dans le décret 2-2021, soit le couvre-feu, porte atteinte au droit à la liberté d’expression, à la liberté de réunion pacifique et à la liberté des défendeurs. Or, ces atteintes sont raisonnables et justifiées au sens des articles 1 de la charte canadienne et 9.1 de la charte québécoise. La déclaration de culpabilité des défendeurs est maintenue.

Le texte intégral de la décision est disponible ici

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