Summaries Sunday: SOQUIJ
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CONSTITUTIONNEL (DROIT) : Le tribunal rejette une demande de sursis de l’application de l’article 10 de la Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d’autres dispositions législatives, lequel a pour effet d’empêcher les maisons de soins palliatifs d’exclure l’aide médicale à mourir de leur offre de services.
Intitulé : Oeuvres de charité de l’Archevêque catholique romain de Montréal c. Procureur général du Québec, 2024 QCCS 652 *
Juridiction : Cour supérieure (C.S.), Montréal
Décision de : Juge Catherine Piché
Date : 1er mars 2024
Résumé
CONSTITUTIONNEL (DROIT) — divers — demande de sursis — sursis d’application — validité constitutionnelle — modification législative — article 10 de la Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d’autres dispositions législatives — maison de soins palliatifs — soins de fin de vie — interdiction d’exclure l’aide médicale à mourir des soins offerts — question sérieuse — liberté de religion — croyance religieuse — religion catholique — croyance sincère — préjudice sérieux et irréparable — prépondérance des inconvénients — présomption — intérêt public — exemption constitutionnelle — fardeau de la preuve.
DROITS ET LIBERTÉS — droits et libertés fondamentaux — conscience et religion — liberté de religion — religion catholique — maisons de soins palliatifs — soins de fin de vie — modification législative — article 10 de la Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d’autres dispositions législatives — interdiction d’exclure l’aide médicale à mourir des soins offerts — croyance religieuse — croyance sincère — validité constitutionnelle — demande de sursis — sursis d’application — exemption constitutionnelle — fardeau de la preuve.
Demande de sursis partiel. Rejetée.
Les demandeurs, Oeuvres de charité de l’Archevêque catholique romain de Montréal et Archevêque catholique romain de Montréal, ont cédé un immeuble par bail emphytéotique à la mise en cause, une maison de soins palliatifs, pour une rente annuelle symbolique, à la condition expresse que l’aide médicale à mourir n’y soit jamais administrée. Or, depuis décembre 2023, l’article 10 de la Loi modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d’autres dispositions législatives a modifié l’article 13 de la Loi concernant les soins de fin de vie pour empêcher les maisons de soins palliatifs d’exclure l’aide médicale à mourir de leur offre de services. Les demandeurs ont introduit une demande en déclaration d’invalidité et d’opérabilité constitutionnelle de cette modification législative. Entre-temps, ils sollicitent un sursis de l’application de cette dernière ou, de manière subsidiaire, une exemption constitutionnelle au bénéfice de la mise en cause.
Décision
Le présent pourvoi soulève une question sérieuse à juger. En effet, les demandeurs ont démontré que la modification législative en cause entrave de manière plus que négligeable ou insignifiante leur capacité d’agir en conformité avec leurs croyances religieuses sincères, selon lesquelles l’aide médicale à mourir est contraire à la morale catholique.
Les demandeurs ont également démontré qu’ils subiraient un préjudice irréparable si, dans l’attente du jugement au fond, un pensionnaire de la mise en cause recevait l’aide médicale à mourir dans l’immeuble qu’ils ont cédé, compte tenu de l’importance qu’ils accordent à la vie humaine, de l’animosité de l’Église à l’égard de l’aide médicale à mourir et de leur investissement dans le projet de la mise en cause. De plus, les demandeurs ont établi qu’ils devraient probablement délaisser leur participation auprès de la mise en cause si celle-ci se trouvait contrainte à administrer l’aide médicale à mourir.
Cependant, la prépondérance des inconvénients ne justifie pas le sursis d’application de la disposition visée à l’ensemble des maisons de soins palliatifs jusqu’au jugement au fond. En effet, à l’étape d’une demande de sursis, il existe une présomption selon laquelle la disposition législative a été adoptée dans l’intérêt public et poursuit un objectif d’intérêt général valable. Or, à une première conception de l’intérêt public, qui est associée en l’espèce au droit de décider de son propre sort et de son traitement médical ainsi que du choix sociétal d’offrir le droit à l’aide médicale à mourir aux Québécois vulnérables en fin de vie, et ce, dans l’objectif d’apaiser leurs souffrances et dans le respect de leur dignité et de leur autonomie, s’oppose une deuxième conception de l’intérêt public s’exprimant à travers les intérêts d’un groupe restreint, en l’occurrence la communauté catholique impliquée auprès de la mise en cause, soucieuse du respect de ses croyances religieuses. Il ne s’agit pas de l’ensemble des Québécois de confession catholique. La prépondérance des inconvénients favorise l’intérêt public et les demandeurs n’ont pas démontré que leur intérêt était assez important pour justifier l’ordonnance de sursis.
Quant à la demande subsidiaire, une exemption constitutionnelle pourrait causer un préjudice réel et nuisible au public puisque les pensionnaires de la mise en cause ne pourraient pas accéder à l’aide médicale à mourir sur les lieux jusqu’à la décision au fond. Ils devraient alors être transférés, en cas de demande, dans un centre hospitalier, ce qui pourrait entraîner des conséquences néfastes. Malgré l’intérêt des demandeurs à protéger leurs croyances religieuses, cet intérêt a moins de poids que le droit des Québécois d’accéder aux soins de leur choix, y compris à l’aide médicale à mourir, dans l’établissement de la mise en cause.
Le texte intégral de la décision est disponible ici
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