Summaries Sunday: SOQUIJ
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PÉNAL (DROIT) : La Cour infirme les verdicts de culpabilité de meurtre au premier degré et de complot pour meurtre rendus à l’endroit de l’accusé; les directives du juge concernant le doute raisonnable et l’évaluation du témoignage de l’accusé étaient erronées, et les questions rhétoriques suggérées au jury allaient au-delà des limites reconnues par la jurisprudence.
Intitulé : Blanchard c. R., 2025 QCCA 3
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Montréal
Décision de : Juges Geneviève Marcotte, Guy Cournoyer et Peter Kalichman
Date : 6 janvier 2025
Résumé
PÉNAL (DROIT) — procédure pénale — procédure fédérale — appel — procès devant jury — déclaration de culpabilité — meurtre au premier degré — complot pour meurtre — directives du juge au jury — questions rhétoriques — témoignage de l’accusé — vraisemblance — crédibilité de l’accusé — opinion du juge — équité du procès — inexactitude des directives — fardeau de la preuve — appréciation de la preuve — doute raisonnable — application de R. c. W. (D.), (C.S. Can., 1991-03-28), SOQUIJ AZ-91111043, J.E. 91-603, [1991] 1 R.C.S. 742 — intention — moyen de défense — défense d’accident — question du jury — réponses du juge confuses, erronées ou incomplètes — omission de clarifier la question du jury — défense de contrainte — tenue d’un nouveau procès.
PÉNAL (DROIT) — infraction — infractions contre la personne — meurtre — meurtre au premier degré — complot pour meurtre — victime homme — procès devant jury — directives du juge au jury — questions rhétoriques — témoignage de l’accusé — vraisemblance — crédibilité de l’accusé — inexactitude des directives — fardeau de la preuve — appréciation de la preuve — doute raisonnable — application de R. c. W. (D.), (C.S. Can., 1991-03-28), SOQUIJ AZ-91111043, J.E. 91-603, [1991] 1 R.C.S. 742 — intention — moyen de défense — défense d’accident — question du jury — réponses du juge confuses, erronées ou incomplètes — omission de clarifier la question du jury — défense de contrainte — menaces — déclaration extrajudiciaire — déclaration faite aux policiers — changement de version — déclaration de culpabilité — appel — tenue d’un nouveau procès.
Appel d’un verdict de culpabilité. Accueilli; la tenue d’un nouveau procès est ordonnée.
L’appelant se pourvoit à l’encontre d’un verdict de culpabilité rendu par un jury au terme d’un procès devant la Cour supérieure. Il a été reconnu coupable de meurtre au premier degré et de complot en vue de commettre ce meurtre. L’appelant avait fourni différentes versions des événements. Dans des déclarations données aux policiers, il avait d’abord avoué avoir tué la victime d’un coup de fusil pour une somme de 5 000 $. Toutefois, lors de son procès, il a témoigné qu’il ne connaissait pas l’objet réel du complot, qu’il avait fait l’objet de menaces de la part des 2 coaccusés et qu’il n’avait pas l’intention de tuer la victime, car le tir avait été accidentel. L’appelant soutient que les directives du juge au jury comportent plusieurs erreurs.
Décision
M. le juge Cournoyer: Les directives concernant le doute raisonnable et l’évaluation du témoignage de l’appelant étaient erronées. Les inexactitudes, même si l’on considère qu’elles résultent d’un lapsus ou d’une erreur dans l’expression orale, se révèlent trop nombreuses et ne peuvent être compensées par les passages où le droit a été correctement expliqué. Par ailleurs, ces erreurs sont contenues dans la directive générale portant sur l’évaluation du témoignage de l’appelant et dans celle qui concerne l’élément intentionnel du meurtre, soit la question névralgique au coeur du témoignage de l’appelant et du procès.
De plus, la réponse du juge à la question du jury au sujet du doute raisonnable — le juge ayant répété la directive issue de l’arrêt R. c. Lifchus (C.S. Can., 1997-09-18), SOQUIJ AZ-97111090, J.E. 97-1809, [1997] 3 R.C.S. 320, qu’il avait déjà donnée — était insuffisante. Il incombait au juge de s’enquérir auprès du jury de la nature des précisions recherchées étant donné qu’il existait un risque de répondre à la question d’une manière réductrice. En effet, la notion de «doute raisonnable» ne pouvait être limitée à la seule définition théorique issue de Lifchus, car elle avait des ramifications multiples en raison de la version présentée par l’appelant.
La Cour constate aussi des erreurs au sujet des défenses de contrainte et d’accident. L’omission du juge de clarifier auprès du jury le sens de sa question concernant la première s’avère fatale, tandis que les directives concernant la seconde n’avaient pas la précision requise.
De plus, les questions rhétoriques suggérées par le juge au jury allaient au-delà des limites reconnues par la jurisprudence. Même si la tolérance du droit canadien au sujet du droit du juge d’exprimer son opinion sur les faits ne résiste pas à une analyse du coût et des bénéfices de cette règle, il faut évaluer ce moyen d’appel selon le droit actuel et non en fonction de ce qu’il devrait être selon l’avis de la Cour. Des questions de ce type ne devraient être que rarement utilisées dans les directives du juge au jury. Elles doivent être évitées, car il n’existe aucune raison les justifiant. Toutefois, si elles sont utilisées, l’équilibre et l’équité doivent être préservés. Il incombe au juge d’agir de manière judicieuse afin de ne pas porter atteinte à l’équité du procès et de ne pas déprécier la défense présentée. L’utilisation de questions rhétoriques pour évaluer le témoignage d’un accusé comporte le risque qu’elles ne deviennent simplement qu’une manière subtile de dénigrer la défense présentée. Ces questions peuvent suggérer que le juge ne croit pas la défense présentée, avec le danger que s’en dégage l’impression que le juge prend fait et cause pour la poursuite.
En l’espèce, l’équilibre a été rompu. Toutes les questions rhétoriques formulées par le juge mettaient en doute la vraisemblance du témoignage de l’appelant. Même si celui-ci n’avait pas droit à un procès parfait, celui-ci devait être au minimum équitable. Il appartenait au jury de tirer seul ses propres conclusions.
Il y a lieu d’ordonner la tenue d’un nouveau procès.
Le texte intégral de la décision est disponible ici
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