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Summaries Sunday: SOQUIJ

Chaque semaine, nous vous présentons un résumé d’une décision d’un tribunal québécois qui nous est fourni par la Société québécoise d’information juridique (SOQUIJ) et ayant un intérêt pancanadien. SOQUIJ relève du ministre de la Justice du Québec, et elle analyse, organise, enrichit et diffuse le droit au Québec.

Every week we present a summary of a decision by a Québec court provided to us by SOQUIJ and selected to be of interest to our readers throughout Canada. SOQUIJ is attached to the Québec Department of Justice and collects, analyzes, enriches, and disseminates legal information in Québec.

SÛRETÉS: Il ne suffit pas de faire des travaux de nivellement et de remblai, aussi importants soient-ils, dans le seul but de faciliter la vente d’un terrain situé dans un secteur industriel pour bénéficier de l’avantage que confère l’hypothèque légale de construction édicté à l’article 2726 C.C.Q.; le caractère exceptionnel de cet avantage doit être préservé par une interprétation stricte.

Intitulé : 9072-7892 Québec inc. (Pro-Co Beauce) c. Raymond Leblanc inc., 2014 QCCA 909
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Québec, 200-09-007540-112
Décision de : Juges André Rochon, Jacques J. Levesque et Dominique Bélanger
Date : 5 mai 2014

SÛRETÉS — hypothèque — hypothèque légale — personne ayant participé à la construction — validité de l’hypothèque — travaux de nivellement — travaux de remblai — aménagement d’un terrain vacant destiné à la revente — travaux non liés à la construction — absence de projet réel de construction — interprétation de l’article de 2726 C.C.Q. — plus-value — radiation d’inscription.

PUBLICITÉ DES DROITS — radiation — hypothèque légale — aménagement d’un terrain vacant destiné à la revente — validité de l’hypothèque.

Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une requête en délaissement forcé et ordonné la radiation de plusieurs inscriptions au registre foncier. Rejeté.

En 2008, Vallières, un promoteur immobilier propriétaire d’un lot se trouvant dans une zone industrielle, a conclu une entente avec l’appelante pour que certains travaux soient effectués sur ce terrain dans le but de le rendre «constructible». Conformément à l’entente, cette dernière y a étendu une quantité considérable de matériaux non contaminés et elle a également procédé au nivellement du terrain. En septembre 2009, l’appelante a publié quatre préavis d’exercice d’un droit hypothécaire et elle a intenté un recours en délaissement forcé. L’intimée, Raymond Leblanc inc., qui détenait depuis le 6 décembre 2006 une garantie hypothécaire d’une valeur de 750 000 $ sur le lot en cause, avait pour sa part enregistré un préavis d’exercice d’un recours en prise en paiement le 12 février 2009. Elle a été déclarée propriétaire du lot rétroactivement à cette date. La juge de première instance, saisie à la fois du recours de l’intimée Leblanc en radiation des inscriptions des hypothèques légales publiées par l’appelante et du recours hypothécaire de cette dernière, a conclu que les travaux exécutés par l’appelante n’étaient pas de la nature de ceux donnant droit à l’hypothèque légale de construction. Elle a rejeté son recours hypothécaire et a ordonné la radiation des inscriptions faites sans droit au registre foncier. Au soutien de son appel, l’appelante allègue que la juge a erré en droit en refusant de reconnaître que les travaux réalisés à l’immeuble vacant étaient des travaux de construction donnant droit au privilège particulier de l’hypothèque légale de construction et en déclarant que les avis d’hypothèque légale inscrits après le 19 février 2009, soit la date de l’inscription au registre foncier du préavis d’exercice du recours en prise en paiement de Leblanc, sont inopposables à cette dernière. Quant à Leblanc, elle fait valoir que les travaux d’épandage de matériaux et de leur nivellement ne sont pas des travaux de construction donnant droit à l’hypothèque légale de construction.

Décision
M. le juge Levesque: Il n’y a pas lieu de retenir la position de l’appelante selon laquelle, dans l’éventualité où une plus-value est apportée à un immeuble en raison de travaux de remplissage, de compactage réalisés et de mise à niveau sur cet immeuble ainsi que la fourniture de matériaux, il en résulte nécessairement la validité de l’hypothèque légale de construction publiée contre cet immeuble. De plus, l’ouverture de droit qu’elle propose n’est pas supportée par la base factuelle limitée de la présente affaire. En outre, il y a lieu de distinguer celle-ci de la décision dans CS Terrec inc. c. Renaud-Prescott (C.S., 2013-03-15), 2013 QCCS 1301, SOQUIJ AZ-50951306, 2013EXP-1421, J.E. 2013-780, où il a été reconnu que des travaux d’excavation et de remblai réalisés dans le contexte de travaux de décontamination pouvaient donner ouverture à l’hypothèque légale de construction. En ce qui a trait à la détermination de la nature des travaux donnant ouverture à l’hypothèque légale de construction ainsi qu’à l’étendue de la garantie qu’elle offre à son bénéficiaire, la jurisprudence a, jusqu’à présent, reconnu que les créances relatives aux travaux d’épandage de matériaux, de nivellement et de remblai réalisés à un immeuble ne pouvaient être considérées comme des créances donnant lieu à l’hypothèque légale de construction que dans la seule mesure où les personnes les détenant avaient «participé à la construction ou à la rénovation d’un immeuble». La juge a retenu que les travaux effectués par l’appelante ne s’inscrivaient pas dans un projet de construction déterminé et planifié. Il s’agit là d’une question de fait qui doit être laissée à son appréciation et, en l’espèce, il ne s’y trouve aucune erreur déterminante pouvant justifier l’intervention de la Cour. Sa prétention selon laquelle «les travaux exécutés et/ou les matériaux fournis sont nécessaires au déroulement de la construction d’un ouvrage ou en constituent les étapes préliminaires» n’a aucune assise factuelle. Il serait par ailleurs erroné de reconnaître que l’incorporation au lot vacant d’une quantité considérable de matériel non contaminé et son nivelage peuvent constituer, en soi, des travaux de construction ou de rénovation à l’égard de cet immeuble. La juge n’a commis aucune erreur en reconnaissant que la démarche n’avait d’autre but que de rendre l’immeuble plus acceptable pour un éventuel acheteur. Accepter d’étendre la portée limitée de l’article 2726 du Code civil du Québec à une telle situation aurait pour effet de lui faire perdre son sens réel. Le caractère exceptionnel de cet avantage doit être soutenu par une interprétation stricte. Il serait contraire à l’économie du droit de vouloir étendre, sans assise légale appropriée, l’hypothèque légale de construction à des créances portant sur des travaux qui, aussi importants paraissent-ils en raison des sommes qui y sont investies, n’ont pas de lien réel avec la construction ou la rénovation d’un immeuble, d’un bâtiment ou de ses accessoires sans qu’ils soient parties à un projet réel de construction. La notion de «plus-value» ne peut être une justification pour élargir le cercle restreint de ceux qui peuvent bénéficier de cette dérogation au traitement du patrimoine du débiteur comme gage commun de ses créanciers. Enfin, les inscriptions au registre foncier devaient être radiées puisqu’elles avaient été faites sans droit.

Le texte intégral de la décision est disponible ici

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