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Summaries Sunday: SOQUIJ

Every week we present the summary of a decision handed down by a Québec court provided to us by SOQUIJ and considered to be of interest to our readers throughout Canada. SOQUIJ is attached to the Québec Department of Justice and collects, analyzes, enriches, and disseminates legal information in Québec.

PÉNAL (DROIT): Accusés de crimes graves depuis 2009, les requérants, qui en sont à leur cinquième demande, obtiennent un arrêt des procédures fondé sur les lacunes de la communication de la preuve.

Intitulé : Berger c. R., 2015 QCCS 4666
Juridiction : Cour supérieure (C.S.), Montréal, 500-01-094385-132
Décision de : Juge James L. Brunton
Date : 9 octobre 2015

PÉNAL (DROIT) — procédure pénale — procédure fédérale — arrêt des procédures — divulgation de la preuve — communication de la preuve — obligation de la poursuite — droit à un procès juste et équitable — abus de procédure — remède approprié — meurtre.

PÉNAL (DROIT) — garanties fondamentales du processus pénal — droit à un procès juste et équitable — divulgation de la preuve — communication de la preuve — obligation de la poursuite — droit à un procès juste et équitable — abus de procédure — remède approprié — meurtre — arrêt des procédures.

DROITS ET LIBERTÉS — droits judiciaires — personne arrêtée ou détenue — droit à un procès juste et équitable — divulgation de la preuve — communication de la preuve — obligation de la poursuite — droit à un procès juste et équitable — abus de procédure — meurtre — remède approprié — arrêt des procédures.

DROITS ET LIBERTÉS — réparation du préjudice — arrêt des procédures — meurtre — divulgation de la preuve — communication de la preuve — obligation de la poursuite — droit à un procès juste et équitable — abus de procédure — remède approprié.

Requête en arrêt des procédures. Accueillie.

Accusés de crimes sérieux depuis avril 2009, les requérants présentent une cinquième requête en arrêt des procédures fondée sur des lacunes dans la communication de la preuve. Ils sont notamment accusés du meurtre de Reed, survenu en 1997. La preuve de leur responsabilité criminelle repose sur le témoignage de Boulanger, un ancien membre des Hell’s Angels qui est devenu témoin-collaborateur. L’intimée était au courant depuis le début de l’enquête policière de l’existence des projets d’enquête Snack et Cadbury. Il s’agit d’un dossier ayant servi aux corroborations du témoin-collaborateur Boulanger. Les policiers ont rédigé un rapport évolutif de corroboration concernant les projets Snack et Cadbury, qui a été communiqué aux requérants en avril 2011. En conséquence, ces derniers ont présenté une demande à l’intimée en août 2011, recherchant, entre autres choses, à obtenir «copie du projet Cadbury, copie de l’affidavit du projet Cadbury et copie du projet Snack». L’intimée a répondu que les documents demandés n’étaient pas en sa possession. Les requérants ont alors présenté une première requête en arrêt des procédures, mais le juge de la Cour supérieure l’a rejetée tout en leur accordant plusieurs remèdes — dont la divulgation de la documentation relativement aux rapports préparés par les policiers et, notamment, les synthèses — et les rapports concernant les témoins-collaborateurs. En avril 2014, les requérants ont présenté une autre requête en arrêt des procédures qui regroupait plusieurs griefs, dont le non-respect du jugement. La Cour a conclu à un abus de procédure, mais elle a estimé que les nombreux remèdes ponctuels accordés au fil des ans étaient une réponse adéquate à l’abus constaté. Aux mois de mai et de juin 2015, la Cour a été saisie d’une autre requête recherchant un arrêt des procédures. Celle-ci a été présentée à la suite, entre autres choses, de la communication, le 19 février 2015, de 911 synthèses qui avaient été extraites depuis octobre 2012 mais retenues parce qu’elles étaient privilégiées. La Cour a refusé d’ordonner un arrêt des procédures, étant d’avis que les requérants avaient suffisamment de temps pour incorporer le contenu des synthèses à leur stratégie de défense. Elle a aussi tenu compte du fait qu’il y avait eu un changement à la direction de l’équipe de l’intimée et que cette nouvelle administration semblait beaucoup plus consciente de son obligation de communication de preuve. Un jury a été choisi et l’audience de la preuve a débuté le 10 août 2015. L’intimée a demandé un ajournement afin de prendre connaissance d’éléments de preuve nouveaux, dont certains étaient pertinents dans le dossier du meurtre de Reed. Ces nouveaux éléments de preuve ont été communiqués aux requérants le 21 septembre 2015, d’où la présente requête.

Décision
L’intimée a le devoir de se renseigner sur l’existence de toute preuve pertinente en sa possession se rapportant à l’enquête visant un accusé. La police a une obligation corollaire de communiquer les renseignements pertinents. En l’espèce, ce n’est que le 21 septembre 2015 que l’intimée a communiqué pour la première fois une importante quantité de preuve provenant des projets Snack et Cadbury. Or, la confirmation que ces éléments devaient être communiqués a été cristallisée au moment où les requérants ont sollicité une copie du projet Cadbury, une copie de l’affidavit Cadbury et une copie du projet Snack. L’intimée n’a produit aucune preuve afin de démontrer les mesures qu’elle a prises en 2011 pour répondre à cette demande, ni pour expliquer en quelles circonstances elle était entrée en possession de la preuve communiquée le 21 septembre 2015, ni pourquoi les policiers ne lui avaient pas remis cette preuve au début de l’enquête ou, à tout le moins, à la fin de 2011, ni l’endroit où cette preuve avait été entreposée durant les dernières six années. Pour établir la responsabilité criminelle relative aux meurtres dont les requérants sont accusés, l’intimée se fie en grande partie à des aveux que le témoin Boulanger aurait reçus. Si les requérants peuvent démontrer, dans un seul cas, que les présumés aveux sont faux, la crédibilité de Boulanger sera atteinte. Il y a eu un abus de procédure qui doit être sanctionné par un arrêt des procédures, qu’il s’agisse d’un cas entrant dans la catégorie principale d’abus ou dans la catégorie résiduelle au sens de R. c. Babos (C.S. Can., 2014-02-21), 2014 CSC 16, SOQUIJ AZ-51046916, 2014EXP-660, J.E. 2014-343, [2014] 1 R.C.S. 309. En effet, il est vrai que les requérants peuvent maintenant incorporer ces éléments à leur stratégie de défense. Toutefois, cela exigerait qu’ils changent leur stratégie de défense préparée depuis la naissance des procédures, soit il y a six ans et demi, et, de plus, ces nouveaux éléments de preuve entraîneraient plusieurs demandes ou requêtes qui exigeraient beaucoup de temps alors que quatre des requérants sont déjà incarcérés depuis six ans et demi. Suspendre les audiences devant jury pour de longues périodes afin de permettre la considération de ces questions rendra le procès inéquitable. Pour ce qui est de la catégorie résiduelle, la communication tardive des éléments de preuve, leur importance, l’absence d’explication de l’intimée et l’inférence que la Cour a tirée selon laquelle la non-divulgation faisait sciemment partie d’un désir de gagner à tout prix convainquent que l’État a adopté une conduite choquant le sens du franc-jeu et de la décence de la société et que la continuation du procès, malgré l’importance de la criminalité alléguée, serait préjudiciable à l’intégrité du système de justice.

Le texte intégral de la décision est disponible ici

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