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Summaries Sunday: SOQUIJ

Every week we present the summary of a decision handed down by a Québec court provided to us by SOQUIJ and considered to be of interest to our readers throughout Canada. SOQUIJ is attached to the Québec Department of Justice and collects, analyzes, enriches, and disseminates legal information in Québec.

PÉNAL (DROIT) : La juge de première instance a commis une erreur de principe en refusant de rendre une ordonnance de dédommagement dans le cas de l’accusé, qui s’est reconnu coupable sous sept chefs de fraude commise notamment à l’endroit de personnes âgées; en effet, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire prévu à l’article 738 (1) C.Cr., sa première considération devait être les conséquences sur les victimes, et le facteur de réhabilitation du délinquant devait passer en second.

Intitulé : R. c. Lavallée, 2016 QCCA 1655
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Montréal, 500-10-005905-151
Décision de : Juges Marie-France Bich, Jacques J. Levesque et Robert M. Mainville
Date : 6 octobre 2016

PÉNAL (DROIT) — détermination de la peine — opérations frauduleuses — fraude — personnes âgées — 267 000 $ — accusé ex-courtier en assurances — ordonnance de dédommagement (art. 738 (1) C.Cr.) — pouvoir discrétionnaire du juge — capacité de payer — conséquences pour la victime — réhabilitation — application de R. c. Fitzgibbon (C.S. Can., 1990-05-17), SOQUIJ AZ-90111041, J.E. 90-803, [1990] 1 R.C.S. 1005.

PÉNAL (DROIT) — détermination de la peine — principes généraux — ordonnances — ordonnance de dédommagement (art. 738 (1) C.Cr.) — pouvoir discrétionnaire du juge — fraude — capacité de payer — conséquences pour la victime — réhabilitation — application de R. c. Fitzgibbon (C.S. Can., 1990-05-17), SOQUIJ AZ-90111041, J.E. 90-803, [1990] 1 R.C.S. 1005.

PÉNAL (DROIT) — procédure pénale — procédure fédérale — ordonnance de dédommagement (art. 738 (1) C.Cr.) — pouvoir discrétionnaire du juge — capacité de payer — conséquences pour la victime — réhabilitation — application de R. c. Fitzgibbon (C.S. Can., 1990-05-17), SOQUIJ AZ-90111041, J.E. 90-803, [1990] 1 R.C.S. 1005.

Appel d’une peine. Accueilli en partie; une ordonnance de dédommagement est rendue.

L’accusé s’est reconnu coupable sous sept chefs de fraude, dont cinq de plus de 5 000 $. Les victimes, dont certaines sont des personnes âgées, lui ont confié des sommes d’argent variant de 5 000 $ à 127 000 $. Les pertes qu’elles ont subies s’élèvent à 267 000 $. La juge de la Cour du Québec a noté que l’accusé, qui avait déjà été un courtier en assurances reconnu par l’Autorité des marchés financiers, était bien connu dans son milieu et avait utilisé sa bonne réputation pour frauder ses victimes. Prenant en considération à titre de facteurs aggravants l’abus de confiance, la somme fraudée, la planification, les conséquences pour les victimes et l’absence presque totale de remboursement, la juge a conclu que la peine devait se situer dans la portion supérieure de la fourchette des peines, a imposé à l’accusé 30 mois de détention et a rendu une ordonnance d’interdiction en vertu de l’article 380.2 du Code criminel (C.Cr.) pour une durée de 5 ans. Cependant, s’appuyant sur Legault c. R. (C.A., 2008-06-20), 2008 QCCA 1228, SOQUIJ AZ-50498392, J.E. 2008-1378 et Bendwell c. R. (C.A., 2009-01-05), 2009 QCCA 12, SOQUIJ AZ-50529622, J.E. 2009-176, elle a conclu que, compte tenu de l’absence de ressources financières suffisantes de l’accusé, il n’y avait pas lieu de rendre une ordonnance de dédommagement en vertu de l’article 738 (1) C.Cr., une telle ordonnance étant un obstacle à sa réhabilitation. La poursuite soutient notamment que la juge était liée par l’enseignement de la Cour suprême dans R. c. Fitzgibbon (C.S. Can., 1990-05-17), SOQUIJ AZ-90111041, J.E. 90-803, [1990] 1 R.C.S. 1005, qui a établi qu’une ordonnance de dédommagement est appropriée dans les cas de fraude, et ce, même si le délinquant n’a pas la capacité de payer.

Décision

Une ordonnance de dédommagement en vertu de l’article 738 (1) C.Cr. relève du pouvoir discrétionnaire du juge. Par ailleurs, l’article 739.1 C.Cr., qui prévoit que les moyens financiers ou la capacité de payer du délinquant n’empêchent pas le tribunal de rendre une telle ordonnance, n’est pas applicable en l’espèce, compte tenu du fait qu’il n’était pas en vigueur au moment des délits. Il ressort de la lecture de Fitzgibbon que les ressources financières du délinquant sont un facteur à prendre en considération mais qu’il a beaucoup moins de poids lorsqu’il s’agit de victimes d’une fraude commise notamment par une personne de confiance ou résultant de fausses déclarations du délinquant, cette approche étant celle retenue par la jurisprudence canadienne. Par ailleurs, Legault ne trouve pas application en l’espèce puisqu’il s’agissait d’une ordonnance de dédommagement de plus d’un million de dollars ayant résulté d’un incendie criminel qui n’avait pas profité au délinquant. Comme il ne s’agissait pas d’une affaire d’abus de confiance ou de fraude, la Cour devait tenir compte de la capacité de payer du délinquant selon les principes établis dans Fitzgibbon. D’autre part, Bendwell ne contredit pas l’enseignement de la Cour suprême non plus. Il y a lieu de conclure que la juge de première instance a commis une erreur de principe. En effet, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en matière de dédommagement dans une affaire de fraude, sa première considération devait être les conséquences pour la victime, et le facteur de réhabilitation du délinquant devait passer en deuxième. Cela ne veut cependant pas dire qu’une ordonnance de dédommagement doit être rendue dans tous les cas de fraude. S’il n’y a pas d’espoir que la victime puisse être dédommagée ou, encore, si le délinquant est pauvre et que les pertes subies sont insignifiantes pour la victime, le juge peut fort bien refuser de rendre une ordonnance de dédommagement. Toutefois, si les pertes subies sont importantes et qu’il y a une possibilité, si petite soit-elle, que le délinquant puisse se conformer en totalité ou en partie à une telle ordonnance, alors le premier facteur à prendre en considération est les conséquences de la fraude pour la victime. En l’espèce, les victimes étaient des personnes âgées, et une bonne partie de leurs économies leur a été subtilisée. Il ne leur reste que la possibilité de faire une réclamation au civil, avec toutes les dépenses que cela entraînera. Par ailleurs, il n’est pas sans espoir que l’accusé, qui sera dans la soixantaine une fois sa peine purgée, puisse trouver un bon emploi rémunérateur et même rebâtir une entreprise prospère. Les victimes ne doivent pas être privées de la possibilité de recevoir un jour une compensation pour leurs pertes, et la réhabilitation de l’accusé n’est pas mise en péril par une telle ordonnance ni ne rend la peine déraisonnable. Par conséquent, il est ordonné à ce dernier de payer à ses victimes des sommes variant entre 5 000 $ et 127 000 $.

Le texte intégral de la décision est disponible ici

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