Summaries Sunday: SOQUIJ
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PÉNAL (DROIT) : Les conséquences très graves, à la fois financières et sociales, d’un système organisé de collusion dans l’adjudication de contrats de travaux publics requièrent l’imposition de peines qui démontrent que de tels systèmes ne seront ni banalisés ni tolérés par les tribunaux; en l’espèce, les peines d’emprisonnement dans la collectivité prononcées par le juge de première instance sont nettement en marge des principes de réprobation et de dénonciation collective.
Intitulé : R. c. Fedele, 2018 QCCA 1901
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Montréal, 500-10-006699-183 et autres
Décision de : Juges Marie-France Bich, Robert M. Mainville et Patrick Healy
Date : 16 novembre 2018
PÉNAL (DROIT) — détermination de la peine — opérations frauduleuses — fraude — municipalité — 15 millions de dollars — entrepreneur — attribution de contrats municipaux — appel d’offres — complot — collusion — absence d’abus de pouvoir — ordonnance de purger sa peine dans la collectivité — appel — norme d’intervention — proportionnalité de la peine — gravité de l’infraction — deniers publics — stratagème complexe — rôle de l’accusé — absence d’antécédents judiciaires — principe de la parité des peines — dénonciation — dissuasion — détention — peine concurrente — probation.
PÉNAL (DROIT) — détermination de la peine — opérations frauduleuses — faux — municipalité — 1 million de dollars — entrepreneur — attribution de contrats municipaux — complot — fausses factures — fabrication et utilisation de faux documents — absence de lien avec les fraudes dans l’adjudication des contrats municipaux — stratagème complexe — ordonnance de purger sa peine dans la collectivité — appel — norme d’intervention — proportionnalité de la peine — gravité de l’infraction — deniers publics — absence d’antécédents judiciaires — risque de récidive — principe de la parité des peines — dénonciation – dissuasion — détention — peine concurrente — probation.
Requêtes pour permission d’interjeter appel de la peine. Accueillies. Appels de la peine. Accueillis en partie.
Le 5 mars 2018, le juge de première instance a condamné les intimés à des peines d’emprisonnement dans la collectivité variant de 18 mois à 24 mois moins 1 jour pour diverses infractions de fraude, de complot pour fraude, de fabrication de faux, d’utilisation de faux documents et de complot pour fabrication et d’utilisation de faux. La requérante demande à la Cour d’infirmer ce jugement de la Cour du Québec afin d’y substituer les peines qu’elle réclamait en première instance, à savoir une peine de 36 à 42 mois d’incarcération pour Fedele, une autre de 24 à 30 mois d’incarcération pour Badra et des peines respectives de 21 mois à 24 mois moins 1 jour d’incarcération pour Lavoie et Alain.
Décision
Depuis 2004, la peine maximale pour l’infraction de fraude est passée de 10 à 14 ans d’emprisonnement, ce qui dénote la gravité de ce type d’infraction. Par ailleurs, la fraude organisée pour contourner les règles d’adjudication des contrats établies pour les corps publics comporte une gravité objective supplémentaire, étant donné le risque élevé que ce genre de criminalité représente pour la société puisque, si elle n’est pas endiguée, elle peut mener à terme à une perte de crédibilité dans les institutions politiques et sociales, et ainsi saper les assises mêmes de la primauté du droit. Le juge, en insistant sur l’absence du facteur aggravant de l’abus de confiance, ne donne donc pas une image juste de la gravité objective des infractions de fraude commises dans ce dossier. Le résultat final revient à minimiser, voire à banaliser, des comportements hautement répréhensibles des intimés.
En outre, la gravité subjective des infractions commises par ces derniers est largement — mais erronément — minimisée par le juge. En effet, les stratagèmes utilisés pour manipuler les appels d’offres des corps publics ne sont pas simples. De plus, même si le total retiré des fraudes commises n’est pas précisément chiffré, l’ensemble du dossier, notamment la valeur de plus de 15 millions de dollars des contrats obtenus frauduleusement, permet aisément de conclure qu’il s’agit de fraudes de grande importance dont la fourchette appropriée des peines se situerait entre 3 et 5 ans d’emprisonnement, vu l’absence d’abus de confiance. Quant aux infractions portant sur la fabrication de faux et l’utilisation de faux documents, elles signifient des transactions totalisant près de 1 million de dollars. Le juge a néanmoins conclu qu’aucun lien ne pouvait être établi entre les fausses factures et les fraudes dans l’adjudication des contrats de travaux publics ni avec une fraude fiscale. Le ministère public n’ayant pas porté en appel ces conclusions, la Cour est liée par celles-ci.
Dans ces circonstances, les peines prononcées par le juge sont nettement en marge des principes de réprobation et de dénonciation collective. Les conséquences très graves, à la fois financières et sociales, d’un système organisé de collusion dans l’adjudication de contrats de travaux publics requiert l’imposition de peines qui démontrent que de tels systèmes ne seront ni banalisés ni tolérés par les tribunaux. Une intervention de la Cour est donc nécessaire pour établir les peines appropriées aux intimés.
En ce qui concerne l’intimé Fedele, s’il n’a pas d’antécédent judiciaire, ce facteur atténuant n’est pas déterminant puisque les infractions de fraude reprochées s’étalent sur une période de 2 ans, sont planifiées et font partie d’un stratagème concerté. Vu notamment son rôle de premier plan, les peines appropriées pour ce dernier sont les suivantes: a) pour les 2 déclarations de culpabilité de fraude visant des contrats de plus de 1 million de dollars: 36 mois d’incarcération; b) pour les 4 autres déclarations de culpabilité pour les fraudes visant des contrats de moins de 1 million de dollars ou dont le montant n’est pas déterminé: 30 mois d’incarcération; et c) pour la déclaration de culpabilité de complot de fraude: 18 mois d’incarcération. Quant aux peines à l’égard des 8 déclarations de culpabilité de fabrication de faux et d’utilisation de faux documents ainsi que des 2 déclarations de culpabilité de complot en lien avec le stratagème global des fausses factures, elles méritent une attention particulière. Si la peine maximale pour ces infractions est de 10 ans, les condamnations en semblable matière sont presque toujours liées à une autre infraction, telle la fraude, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Dans ces circonstances, une peine de 18 mois d’incarcération sera imposée à l’égard de chacune des déclarations de culpabilité portant sur le chef de fabrication de faux et d’utilisation de faux documents visant des sommes de 100 000 $ ou plus et de 12 mois pour chacune des déclarations de culpabilité portant sur les chefs d’accusation de fabrication de faux et d’utilisation de faux documents visant des sommes moindres. En ce qui concerne les 2 déclarations de culpabilité portant sur les chefs de complot concernant l’ensemble du stratagème des fausses factures, elles méritent chacune des peines de 12 mois d’incarcération. Enfin, toutes ces peines doivent être concurrentes entre elles. Puisque la peine appropriée pour Fedele est de plus de 2 ans d’incarcération, en vertu de l’article 742.1 du Code criminel, l’emprisonnement dans la collectivité ne peut être envisagé dans son cas.
Dans le cas de l’intimé Lavoie, son implication dans l’affaire est grave et, selon le principe de la parité, la même peine que Fedele pour l’infraction de fraude devrait lui être imposée, vu notamment le risque de récidive qui existe dans son cas. Cependant, la requérante ne réclame qu’une peine de 24 mois moins 1 jour, laquelle lui sera alors imposée. Quant aux autres peines, elles doivent être les mêmes que celles prononcées à l’égard de Fedele. Dans le cas de l’intimé Alain, la peine à l’égard de la déclaration de culpabilité pour complot de fraude devrait être la même que celles imposées à Fedele et Lavoie, soit 18 mois d’emprisonnement. Les autres peines devraient également être les mêmes que celles imposées à ces derniers. Enfin, puisque la peine totale de Badra est la même que celle imposée par le juge, soit 12 mois d’incarcération, il n’y a pas lieu de faire droit à l’appel dans son cas.
Le texte intégral de la décision est disponible ici
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