Summaries Sunday: SOQUIJ
Every week we present the summary of a decision handed down by a Québec court provided to us by SOQUIJ and considered to be of interest to our readers throughout Canada. SOQUIJ is attached to the Québec Department of Justice and collects, analyzes, enriches, and disseminates legal information in Québec.
TRAVAIL : Les questions posées à l’entrevue de sélection d’une candidate, lesquelles portaient sur son âge, le nombre d’enfants qu’elle avait et sa grossesse, sont discriminatoires; toutefois, le refus de l’embaucher ne l’est pas puisque la décision de l’employeur n’a aucun lien avec les réponses données.
Intitulé : Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (Di Campo) c. Éco-Logixx – Grossiste alimentaire et produits d’emballage inc., 2019 QCTDP 16
Juridiction : Tribunal des droits de la personne (T.D.P.Q.), Montréal, 500-53-000487-189
Décision de : Juge Doris Thibault, Me Carolina Manganelli et Me Pierre Arguin, assesseurs
Date : 17 juillet 2019
TRAVAIL — responsabilité et obligations — employeur — discrimination — questionnaire préembauche — commis au service à la clientèle — âge — état civil — grossesse — embauche — entrevue — processus de sélection — refus d’embauche.
DROITS ET LIBERTÉS — droit à l’égalité — actes discriminatoires — emploi — questionnaire préembauche — commis au service à la clientèle — entrevue — âge — état civil — grossesse — questions discriminatoires — atteinte à la dignité et à la vie privée — refus d’embauche — absence de discrimination.
DROITS ET LIBERTÉS — droit à l’égalité — motifs de discrimination — âge — questionnaire préembauche.
DROITS ET LIBERTÉS — droit à l’égalité — motifs de discrimination — état civil (et situation de famille) — entrevue — nombre d’enfants.
DROITS ET LIBERTÉS — droit à l’égalité — motifs de discrimination — grossesse — questionnaire préembauche.
DROITS ET LIBERTÉS — réparation du préjudice — dommage non pécuniaire (5 000 $) — questionnaire préembauche discriminatoire — atteinte à la dignité et à la vie privée.
DOMMAGE (ÉVALUATION) — dommage moral — discrimination — emploi — embauche — entrevue — questionnaire préembauche — atteinte discriminatoire à la dignité et à la vie privée.
Demande introductive d’instance en vertu des articles 10, 16 et 18.1 de la Charte des droits et libertés de la personne à l’encontre d’un processus de sélection et d’un refus d’embauche discriminatoires et réclamant des dommages-intérêts (12 000 $). Accueillie en partie (5 000 $).
La plaignante a postulé un emploi de commis au service à la clientèle auprès d’une entreprise qui est un grossiste alimentaire et un fournisseur de produits d’emballage. La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse allègue que celle-ci et sa représentante, les défenderesses, ont porté atteinte aux droits de la plaignante de bénéficier d’un processus de sélection exempt de discrimination en lui posant, dans le contexte de l’entrevue d’embauche, des questions sur son âge, sa grossesse, son état civil et le nombre d’enfants qu’elle a, contrevenant ainsi aux articles 10 et 18.1 de la Charte des droits et libertés de la personne. La Commission allègue également qu’elles ont porté atteinte aux droits de la plaignante d’être traitée en pleine égalité, sans distinction ni exclusion fondée sur l’âge, la grossesse ou l’état civil, en refusant de l’embaucher pour un emploi, en violation des articles 10 et 16 de la charte. Ce faisant, elles auraient porté atteinte à ses droits à la sauvegarde de sa dignité ainsi qu’au respect de sa vie privée et auraient fait preuve de discrimination fondée sur la grossesse, l’âge et l’état civil, contrevenant aux articles 4, 5 et 10 de la charte.
Décision
L’article 18.1 de la charte vise à éliminer la discrimination dans le processus d’embauche en interdisant des questions sur les caractéristiques personnelles du candidat n’ayant pas de lien avec sa qualification ou ses capacités. La protection prévue aux articles 18.1 et 16 de la charte couvre 2 situations différentes, soit la collecte discriminatoire d’informations et l’utilisation discriminatoire de celles-ci. Le droit protégé en vertu de l’article 18.1 de la charte est un droit autonome. Ainsi, le simple fait de poser une question en lien avec les motifs énumérés à l’article 10 de la charte entraîne une violation.
Une fois la preuve de celle-ci établie, l’employeur peut repousser la présomption de sa responsabilité en démontrant l’existence de l’une des 2 exceptions prévues à l’article 18.1 de la charte: soit que les questions étaient en lien avec des aptitudes ou des qualités requises pour l’emploi, soit que les renseignements étaient utiles à l’application d’un programme d’accès à l’égalité existant au moment de la demande. De plus, la jurisprudence rappelle constamment que, si des questions portant sur l’un des motifs de discrimination énumérés à l’article 10 de la charte sont posées durant une entrevue d’embauche et qu’elles ne sont pas nécessaires, compte tenu de la nature et des exigences de l’emploi, cela constitue une intrusion indue dans la vie privée des candidats. Il y a donc atteinte discriminatoire au droit au respect de la vie privée protégé par l’article 5 de la charte.
Les témoignages des parties diffèrent quant à la personne qui a pris l’initiative de discuter de la grossesse et au moment où le sujet a été abordé durant l’entrevue. Ces questions sont précisément prohibées aux termes des articles 10 et 18.1 de la charte. Tel que l’enseigne la jurisprudence du Tribunal, peu importe qui a amené le sujet et à quel moment les questions ont été posées, le seul fait de les poser viole les droits protégés en vertu de l’article 18.1 de la charte. Ainsi, la plaignante a vu, lors de son entrevue d’embauche, son droit de bénéficier d’un processus exempt de discrimination atteint. Elle a également subi une atteinte discriminatoire à son droit à la sauvegarde de sa dignité ainsi qu’à son droit à la vie privée, en violation des articles 4, 5 et 10 de la charte.
Par contre, la preuve ne soutient pas la prétention relative à une utilisation discriminatoire des renseignements qui aurait privé la plaignante de l’emploi qu’elle désirait obtenir. Il n’y a pas eu d’embauche parce qu’aucun des candidats ne s’est démarqué. Le refus d’embauche n’est pas discriminatoire.
Quant à la réparation du préjudice découlant du trouble qu’a ressenti la plaignante en raison de questions discriminatoires qui lui avaient été posées à l’entrevue, l’employeur doit verser 5 000 $ à titre de dommages moraux. La plaignante n’a pas droit à une indemnité à titre de dommage punitif puisque l’employeur n’avait aucune intention malveillante lorsqu’il lui a posé de telles questions.
Le texte intégral de la décision est disponible ici
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