Summaries Sunday: SOQUIJ
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RESPONSABILITÉ : Les défendeurs ont exploité et maltraité une femme de 89 ans, laquelle a notamment dû, en raison de leurs comportements fautifs, s’enfuir en plein d’hiver d’une résidence pour personne âgée où elle était gardée contre son gré et entreprendre un recours afin de faire déclarer nul un faux mandat de protection qui avait été homologué à son endroit.
Intitulé : Succession de Kalimbet Piela c. Obodzinski, 2020 QCCS 1222
Juridiction : Cour supérieure (C.S.), Montréal
Décision de : Juge Gary D.D. Morrison
Date : 16 avril 2020
RESPONSABILITÉ — responsabilité du fait personnel — avocat — travailleuse sociale — mandat de protection — femme de 89 ans — vulnérabilité — mandataire — fabrication de faux — stratagème — ingérence — isolement — admission dans une résidence pour personnes âgées contre son gré — nullité — absence de chose jugée — interprétation de «exploitation» (art. 48 de la Charte des droits et libertés de la personne) — exploitation financière — interprétation de «mauvais traitements» — introduction par effraction— appropriation de biens — remboursement d’une somme d’argent — atteinte à l’intégrité, à la dignité et à l’honneur — vie privée — jouissance paisible des biens — solidarité — dommages-intérêts — dommage non pécuniaire — dommages punitifs — honoraires extrajudiciaires.
RESPONSABILITÉ — responsabilité professionnelle — santé — médecin — évaluation médicale — femme de 89 ans — maladie d’Alzheimer — stratagème — ingérence par des tiers — identité de la personne — règles de l’art — mandat de protection — recours en nullité — diagnostic erroné — absence de présomption de faute — absence de faute.
DROITS ET LIBERTÉS — droits économiques et sociaux — personnes âgées ou handicapées — personne âgée — femme de 89 ans — vulnérabilité — avocat — travailleuse sociale — mandat en cas de protection — nullité — absence de chose jugée — mandataire — fabrication de faux — stratagème — introduction par effraction — appropriation de biens — isolement — admission dans une résidence pour personnes âgées contre son gré — interprétation de «exploitation» (art. 48 de la Charte des droits et libertés de la personne) — interprétation de «mauvais traitement» — nullité — appropriation de biens — remboursement d’une somme d’argent — atteinte à l’intégrité, à la dignité et à l’honneur — vie privée — jouissance paisible des biens — solidarité — dommage non pécuniaire — dommages punitifs — honoraires extrajudiciaires.
DROITS ET LIBERTÉS — droits et libertés fondamentaux — dignité — atteinte à l’intégrité, à la dignité et à l’honneur — personne âgée — femme de 89 ans — vulnérabilité — exploitation financière — avocat — travailleuse sociale — mandat de protection — nullité — mandataire — fabrication de faux — stratagème — introduction par effraction — appropriation de biens — isolement — admission dans une résidence pour personnes âgées contre son gré — absence de chose jugée — interprétation de «exploitation» (art. 48 de la Charte des droits et libertés de la personne) — interprétation de «mauvais traitements» — appropriation de biens — remboursement d’une somme d’argent — solidarité — dommage non pécuniaire — dommages punitifs — honoraires extrajudiciaires.
DROITS ET LIBERTÉS — droits et libertés fondamentaux — intégrité de la personne — atteinte à l’intégrité, à la dignité et à l’honneur — personne âgée — femme de 89 ans — vulnérabilité — avocat — travailleuse sociale — mandat de protection — nullité — absence de chose jugée — mandataire — fabrication de faux — stratagème — isolement — admission dans une résidence pour personnes âgées contre son gré — interprétation de «exploitation» (art. 48 de la Charte des droits et libertés de la personne) — interprétation de «mauvais traitements» — solidarité — dommage non pécuniaire — dommages punitifs — honoraires extrajudiciaires.
DOMMAGE (ÉVALUATION) — dommage moral — exploitation financière — personne âgée — femme de 89 ans — avocat — travailleuse sociale — mandat de protection — nullité — absence de chose jugée — mandataire — fabrication de faux — stratagème — ingérence — isolement — admission dans une résidence pour personnes âgées contre son gré — — appropriation de biens — atteinte à l’intégrité, à la dignité et à l’honneur — vie privée — jouissance paisible des biens — solidarité.
DOMMAGE (ÉVALUATION) — dommage exemplaire ou dommage punitif — Charte des droits et libertés de la personne — exploitation financière — personne âgée — femme de 89 ans — avocat — travailleuse sociale — mandat de protection — nullité — absence de chose jugée — mandataire — fabrication de faux — stratagème — ingérence — isolement — admission dans une résidence pour personnes âgées contre son gré — appropriation de biens — atteinte à l’intégrité, à la dignité et à l’honneur — vie privée — jouissance paisible des biens — atteinte illicite et intentionnelle.
Demande en réclamation de dommages-intérêts, de dommages moraux, de dommages punitifs et en remboursement d’honoraires extrajudiciaires. Accueillie en partie (593 890 $). Recours en garantie. Rejeté.
La victime, qui était âgée de 89 ans au moment de faits en litige, est originaire d’Ukraine. Son mari est décédé en 1987 et ils n’ont pas eu d’enfant. En 2013, elle a appelé une amie, la mère de la défenderesse Obodzinski, pour se plaindre de solitude. Celles-ci lui ont alors offert de l’aider notamment pour faire ses courses. À chaque occasion, la défunte remettait 100 $ à Obodzinski pour ses services. Toutefois, la défunte a cessé de faire appel à cette dernière, car elle était incommodée par le fait que celle-ci lui demandait de plus en plus d’argent contre son aide. En septembre 2013, Obodzinski a demandé à la travailleuse sociale défenderesse, Kerner, de procéder à une évaluation psychosociale de la défunte afin de faire homologuer un mandat en cas d’inaptitude. Le 8 novembre 2013, à la demande de Kerner, la médecin défenderesse, Goldsmith, s’est rendue chez la défunte pour évaluer ses capacités. Goldsmith a alors émis l’opinion que la défunte était totalement inapte, et ce, de façon permanente, à s’occuper de sa personne et à administrer ses biens et qu’elle souffrait d’Alzheimer de type modéré, ce qui entraînait son inaptitude. Le 26 novembre 2013, l’avocat défendeur, Me Gelber, lequel est le conjoint de Kerner, a présenté une requête en homologation du mandat en cas d’inaptitude de la défunte, qui avait été fabriqué par Obodzinski et nommait cette dernière mandataire à sa personne et à ses biens. Obodzinski prétendait alors que la défunte était sa tante. La requête était notamment soutenue par le rapport psychosocial de Kerner et le rapport médical de Goldsmith. Le faux mandat a été homologué le 19 décembre. Ensuite, tout l’argent contenu dans les comptes bancaires de la défunte a été transféré dans le compte en fidéicommis de Gelber. En février 2014, ce dernier a déposé une requête intitulée «Motion to obtain an order for authorisation to care» demandant que la défunte soit déplacée de son logement à une résidence pour personnes âgées. Cette requête a été accordée et exécutée le 12 février. Le 15 février, la défunte s’est échappée de la résidence où elle était gardée contre son gré et où les intervenants avaient reçu l’ordre de Gelber, Obodzinski et Kerner de ne pas lui permettre de faire d’appels ni de recevoir de visites. Le 17 février, elle a été retirée définitivement de cet endroit par des agents du Service de police de la Ville de Montréal. Le 4 décembre 2015, la Cour supérieure a conclu que la défunte n’était pas inapte, que le mandat en cas d’inaptitude était un faux et que le rapport médical ainsi que le rapport de la travailleuse sociale ayant servi à la faire déclarer inapte n’avaient pas été préparés selon les règles de l’art. La somme de 474 174 $, des documents et certains biens ont été restitués à la défunte avant son décès, survenu en décembre 2016. Estimant que cette dernière a été victime de mauvais traitements, sa succession réclame aux défendeurs 862 $ en dommages-intérêts, des dommages moraux, 2 millions de dollars en dommages punitifs ainsi que le remboursement d’honoraires extrajudiciaires.
Décision
La preuve prépondérante révèle que Goldsmith a été victime d’une mise en scène orchestrée par Obodzinski avec l’aide de son mari, le défendeur Trcziakowski, et de Kerner. En effet, le 8 novembre 2013, il est probable que Goldsmith ait rencontré une personne qui personnifiait la défunte pour procéder à son évaluation médicale. Au surplus, si elle a réellement rencontré la défunte, celle-ci était probablement sous l’influence d’alcool ou de drogues, à un point tel qu’elle n’était plus la même personne, incapable de répondre aux questions du médecin. En outre, il serait imprudent pour le tribunal de substituer sa propre opinion des règles de l’art que devait suivre Goldsmith dans de telles circonstances, en l’absence de preuve de ces règles. De plus, le fait que la Cour supérieure ait estimé, en 2015, que le rapport de Goldsmith n’était pas fiable afin de conclure que la défunte était incapable, et les raisons qui ont mené à cette conclusion sont insuffisantes pour établir que la médecin aurait commis une faute engageant sa responsabilité. Non seulement elle n’était pas une partie dans cette affaire, mais la qualification des faits était totalement différente. Dans ces circonstances, le recours dirigé contre cette défenderesse doit être rejeté.
Quant à la responsabilité des autres défendeurs, ceux-ci ont commis une faute et ont porté atteinte aux droits fondamentaux de la défunte, notamment: en falsifiant son mandat en cas d’inaptitude; en pénétrant par effraction dans son logement et en attaquant sa personne pour lui retirer des documents et des biens; en déposant une procédure judiciaire afin qu’elle soit déclarée inapte; prenant possession de tout son argent; et en demandant qu’elle soit admise contre son gré dans une résidence pour personnes âgées.
Quant au quantum, Obodski et Trcziakowski sont condamnés solidairement à payer la somme 862 $ pour les dommages qu’ils ont causés à la porte du logement de la défunte lorsqu’ils se sont introduits par effraction dans celui-ci. En ce qui concerne l’évaluation des dommages moraux, la preuve révèle que la défunte a été affligée par les événements. Elle répétait souvent que tout son argent avait été volé, qu’elle avait été kidnappée et qu’elle se suiciderait si elle était forcée de rester à la résidence où elle était hébergée contre son gré. De plus, elle a dû introduire un recours judiciaire pour se faire déclarer capable et exiger la restitution de son argent. Or, le premier alinéa de l’article 48 de la Charte des droits et libertés de la personne prévoit une protection des personnes âgées contre toute forme d’exploitation, ce qui comprend non seulement la dimension financière, mais également tout comportement abusif qui donne un avantage à la partie exploitante. En l’espèce, les défendeurs ont exploité et ont maltraité la défunte, laquelle, en raison de son âge et de sa condition physique, était vulnérable. Ces derniers sont donc condamnés solidairement à payer 200 000 $ à titre de dommages moraux. Compte tenu de la gravité de leurs fautes respectives, le tribunal fixe leurs parts respectives de responsabilité dans cette somme comme suit: 33 % pour Obodzinski, 25 % pour chacun des défendeurs Kerner et Gelber et 17 % pour Trcziakowski, ce partage ne valant qu’entre eux.
Quant aux dommages punitifs, ils peuvent être réclamés par la succession demanderesse suivant l’article 625 alinéa 3 du Code civil du Québec. En l’espèce, les défendeurs sont condamnés à payer les sommes suivantes à ce titre: Obodzinski=100 000 $; Kerner et Gelber =75 000 $ chacun; et Trcziakowski = 50 000 $ — total accordé = 300 000 $. Enfin, Obodzinski doit rembourser les honoraires extrajudiciaires engagés par la défunte dans le dossier visant à contester l’homologation du mandat en cas d’inaptitude, soit la somme de 93 028 $.
Le texte intégral de la décision est disponible ici
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