Summaries Sunday: SOQUIJ
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TRAVAIL : L’arbitre saisi d’un grief contestant la destitution d’un policier, lequel est relatif à l’application de l’article 119 de la Loi sur la police, n’est pas lié par la décision qu’a rendue le Comité de déontologie policière.
Intitulé : Fraternité des policiers et policières de Gatineau c. Moro, 2020 QCCS 2272
Juridiction : Cour supérieure (C.S.), Gatineau
Décision de : Juge Pierre Isabelle
Date : 20 juillet 2020
TRAVAIL — grief — compétence de l’arbitre (principes) — sentence arbitrale — obligation de motiver une décision — destitution d’un policier — circonstances particulières — article 119 de la Loi sur la police — appréciation de la preuve — facteurs aggravants — facteurs atténuants — fait antérieur — acte similaire — proportionnalité de la sanction — décision provenant d’une autre instance — arbitre non lié — décision raisonnable.
TRAVAIL — grief — preuve — conditions particulières de recevabilité — preuve extrinsèque — décision provenant d’une autre instance — décision du Comité de déontologie policière — fait juridique — appréciation de la preuve — articles 119 et 230 de la Loi sur la police — processus distincts — compétence de l’arbitre — arbitre non lié — règle du stare decisis — cohérence décisionnelle.
TRAVAIL — grief — preuve — conditions particulières de recevabilité — fait antérieur — acte similaire — proportionnalité de la sanction — destitution — policier — preuve irrecevable.
ADMINISTRATIF (DROIT) — contrôle judiciaire — cas d’application — grief — arbitre de griefs — destitution — policier — article 119 de la Loi sur la police — circonstances particulières — recevabilité de la preuve — appréciation de la preuve — règle du stare decisis — cohérence décisionnelle — norme de contrôle — décision raisonnable.
Pourvoi en contrôle judiciaire d’une sentence arbitrale de grief. Rejeté.
L’employeur, la Ville de Gatineau, a suspendu avec traitement la plaignante, une policière, puis a procédé à sa destitution en vertu de l’article 119 de la Loi sur la police, lequel prévoit une telle mesure lorsqu’un policier est reconnu coupable d’une infraction relative à l’utilisation illégale des banques de données policières à des fins personnelles, ce qui constitue une infraction criminelle. L’arbitre a refusé de recevoir la preuve que souhaitait présenter la Fraternité des policiers et policières de Gatineau, selon laquelle la consultation illégale des bases de données policières était fréquente et que la sanction imposée n’était pas toujours la destitution. L’arbitre a déclaré irrecevables en preuve les mesures disciplinaires imposées à d’autres policiers lors d’événements distincts. Elle a accepté le dépôt de la décision du Comité de déontologie policière du 25 février 2019 au motif qu’elle constituait un fait juridique important à prendre en considération avant d’arrêter sa décision. L’arbitre a par la suite conclu que la plaignante ne pouvait prétendre à l’existence de circonstances particulières lors de la perpétration des gestes qui lui étaient reprochés. Elle a rejeté les griefs, confirmant ainsi la destitution de la plaignante. Au soutien de son pourvoi, la Fraternité allègue que l’arbitre a rendu une décision déraisonnable, car celle-ci comporterait au moins 3 trois erreurs graves et manifestes: 1) l’arbitre aurait commis des erreurs dans l’analyse de la notion de «circonstances particulières» et dans l’appréciation des faits mis en preuve; 2) elle aurait refusé de recevoir une preuve pertinente relativement à l’issue du litige en rejetant celle que souhaitait déposer la Fraternité au sujet de la pratique qui avait cours au sein du service de police de consulter les données policières à des fins personnelles et de la tolérance de l’employeur à cet égard avant juin 2014; et 3) sa décision ne respecterait pas le critère d’intelligibilité requis lorsqu’un arbitre s’écarte sans motif de la décision rendue par le Comité de déontologie policière.
Décision
Puisque le pourvoi ne soulève aucune question d’ordre constitutionnel ni aucune question de droit d’une importance capitale au sens de Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov (C.S. Can., 2019-12-19), 2019 CSC 65, SOQUIJ AZ-51654335, 2020EXP-27, la norme de la décision raisonnable s’applique.
Il a été clairement établi que la plaignante tentait de justifier ses actions par son état d’esprit au moment des faits reprochés. C’est donc dans ce contexte que l’arbitre a conclu, sans disposer d’une preuve médicale à cet effet, que les circonstances démontraient que la plaignante était en possession de toutes ses facultés intellectuelles même si sa situation personnelle pouvait nuire à son jugement. Contrairement à ce que soutient la Fraternité, l’arbitre n’a pas scindé la notion de «circonstances particulières» en parlant de «circonstances atténuantes». Elle a tenu compte de l’ensemble des éléments mis en preuve et elle les a soupesés non seulement à titre d’éléments défavorables mais aussi à titre d’éléments favorables. Selon l’arbitre, ces éléments ne constituaient pas des circonstances particulières susceptibles d’expliquer les gestes commis. C’est dans ce cadre d’analyse qu’ils ont été qualifiés de «circonstances atténuantes», et non pour imposer à la plaignante un fardeau plus lourd que celui exigé selon Lévis (Ville) c. Fraternité des policiers de Lévis Inc. (C.S. Can., 2007-03-22), 2007 CSC 14, SOQUIJ AZ-50423140, J.E. 2007-618, D.T.E. 2007T-273, [2007] 1 R.C.S. 591.
La décision de l’arbitre de refuser de recevoir une preuve de faits similaires non pertinents afin de déterminer la justesse de la mesure imposée à la plaignante ne constitue pas une erreur permettant de conclure à la déraisonnabilité de la décision.
L’arbitre a accepté le dépôt en preuve de la décision du Comité de déontologie policière, laquelle est intervenue pendant son délibéré. Ainsi, l’arbitre a reconnu l’importance de prendre en considération cette décision, qui constitue un fait juridique qu’elle ne pouvait ignorer, respectant ainsi son obligation édictée à l’article 100.1 du Code du travail. Par contre, un arbitre saisi d’un grief relatif à l’application de l’article 119 de la Loi sur la police n’est pas lié par la décision du Comité de déontologie. Les articles 119 et 230 de la loi prévoient 2 processus distincts et concurrents visant à analyser la conduite d’un policier reconnu coupable d’une infraction criminelle sans énoncer que l’un d’eux a préséance sur l’autre. Dans Domtar Inc. c. Québec (Commission d’appel en matière de lésions professionnelles), (C.S. Can., 1993-06-30), SOQUIJ AZ-93111082 (Banque CALP AZ-4999016395), J.E. 93-1309, D.T.E. 93T-776, [1993] C.A.L.P. 613, [1993] 2 R.C.S. 756, et Telus Communications inc. c. Syndicat québécois des employées et employés de Télus, section locale 5044 du SCFP (C.A., 2012-08-17), 2012 QCCA 1453, SOQUIJ AZ-50886876, 2012EXP-3198, 2012EXPT-1755, J.E. 2012-1710, D.T.E. 2012T-606, il est établi qu’un décideur administratif n’est pas assujetti à la règle du stare decisis. Ainsi, selon ces arrêts, même en vertu du principe de la cohérence décisionnelle, la décision du Comité de déontologie policière n’est pas opposable à l’arbitre. La décision de l’arbitre est raisonnable. Le raisonnement de cette dernière est cohérent, rationnel et compréhensible et il ne comporte pas d’erreurs importantes. Il respecte le cadre d’analyse établi dans Vavilov.
Le texte intégral de la décision est disponible ici
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