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Summaries Sunday: SOQUIJ

Every week we present the summary of a decision handed down by a Québec court provided to us by SOQUIJ and considered to be of interest to our readers throughout Canada. SOQUIJ is attached to the Québec Department of Justice and collects, analyzes, enriches, and disseminates legal information in Québec.

COMMERCIAL (DROIT) : La demanderesse aura droit à 320 000 $ à la suite du dévoilement à ses concurrents, par la défenderesse, de ses secrets commerciaux dans le cadre d’un appel d’offres.

Intitulé : Equisoft inc. c. Éditions Protégez-Vous, 2021 QCCS 526
Juridiction : Cour supérieure (C.S.), Montréal
Décision de : Juge Chantal Corriveau
Date : 27 janvier 2021

COMMERCIAL (DROIT) — secret commercial — divulgation — licence d’utilisation d’un logiciel — logiciel destiné à la gestion d’abonnements — appel d’offres — documents reliés à l’appel d’offres — architecture et fonctionnalités du logiciel — clause de confidentialité — perte d’un avantage concurrentiel dans le marché — perte de revenus résultant du non-renouvellement du contrat de licence — dommages-intérêts.

CONTRAT — effets entre les parties — licence d’utilisation d’un logiciel — logiciel destiné à la gestion d’abonnements — clause de confidentialité — appel d’offres — secret commercial — divulgation — architecture et fonctionnalités du logiciel — perte d’un avantage concurrentiel dans le marché — perte de revenus résultant du non-renouvellement du contrat de licence — dommages-intérêts.

PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE — droit d’auteur — logiciel — gestion d’abonnements — appel d’offres — secret commercial — divulgation — architecture et fonctionnalités du logiciel — gestes fautifs commis alors que le demandeur n’était pas le détenteur de la propriété intellectuelle du logiciel — licence d’utilisation d’un logiciel — propriété acquise après les gestes fautifs — intérêt suffisant.

Demande en réclamation de dommages-intérêts (2 693 782 $). Accueillie en partie (320 000 $).

La demanderesse a mis au point, durant plus de 10 ans, un logiciel nommé PublisherElements, destiné à la gestion des abonnements pour des éditeurs de magazines. Au fil d’ententes de confidentialité et de contrats de licence, la défenderesse a utilisé ce logiciel de 2007 à 2017. En 2016, la défenderesse a décidé d’aller en appel d’offres relativement à son prochain contrat de licence d’utilisation d’un logiciel pour assurer son service à la clientèle ainsi que la gestion des abonnements. Elle a fait parvenir un «Request for Information» (RFI) à une trentaine de sociétés qui élaborent de tels logiciels ou qui ont des partenaires afin d’offrir le service. Or, la demanderesse allègue que, en agissant ainsi, la défenderesse a dévoilé à ses concurrents ses secrets commerciaux, protégés par leur entente de confidentialité. En effet, selon elle, le RFI révélait à sa concurrence le fruit d’années de travail acharné quant à la structure, à l’architecture et aux données du logiciel. Malgré l’assurance donnée par la défenderesse quelques jours plus tard que le RFI avait été retiré et détruit par les sociétés qui l’avaient reçu, la demanderesse soutient qu’elle a perdu son avantage concurrentiel dans ce marché. Deux ans plus tard, malgré les efforts et les millions investis, la demanderesse a dû abandonner ce marché.

La demanderesse réclame à présent des dommages-intérêts en s’appuyant sur l’article 1612 du Code civil du Québec (C.C.Q.). D’une part, elle veut obtenir 2 506 282 $ de la défenderesse suivant la divulgation sans autorisation aux concurrents des informations confidentielles qui constituent des secrets commerciaux. D’autre part, la demanderesse réclame 187 500 $ pour le manque à gagner résultant du non-renouvellements du contrat de licence en 2016. La défenderesse prétend dans un premier temps que le recours doit être rejeté, car la demanderesse n’était pas détentrice des droits de propriété intellectuelle relatifs au logiciel au moment des faits reprochés. Dans un second temps, elle fait valoir que l’information contenue dans le RFI n’était ni confidentielle ni originale et qu’aucun des concurrents ayant reçu l’appel d’offres n’y a trouvé de l’information confidentielle ni n’a utilisé quelque information que ce soit y étant contenue.

Décision

La demanderesse est habilitée à intenter seule la demande. En 2006, elle a conçu et livré à la Société de développement des périodiques québécois (SODEP) son logiciel, qui était alors désigné Victor. De 2007 à 2016, elle a payé des droits à la SODEP et, en décembre 2016, elle est redevenue détentrice de la propriété intellectuelle de Victor, alors renommé PublisherElements. Les fautes reprochées sont principalement survenues au début de 2016, alors que la demanderesse était encore détentrice d’une licence sans être propriétaire du logiciel. À la lumière de l’article 41.23 de la Loi sur le droit d’auteur, au moment d’intenter la poursuite, en 2017, les droits de propriété intellectuelle appartenaient en propre à la demanderesse, et ce, par cession, conformément au contrat de licence. De plus, c’est la demanderesse qui a subi les dommages allégués, ayant engagé seule d’importantes dépenses pour concevoir et améliorer le logiciel au fil des années.

La demanderesse bénéficie de la protection de confidentialité en fonction des contrats intervenus. Conformément à la convention de non-divulgation intervenue entre les parties, les parties se sont engagées mutuellement à ne pas divulguer à des tiers, en tout ou en partie, et uniquement à leurs employés qui devaient y avoir accès, leurs informations considérées comme confidentielles.

Le RFI dévoilait de l’information confidentielle. Selon l’expert de la demanderesse, le détail des informations révélées permettait de comprendre en un coup d’oeil le menu, les rapports, la fonctionnalité et l’architecture de la solution logicielle PublisherElements de gestion des abonnements qui appartenait à la demanderesse. Cette information donnait une très bonne longueur d’avance à un concurrent, qui pouvait dès lors se servir du travail de plusieurs années en sachant exactement ce qu’il devait offrir et proposer pour gagner la mise. Force est de conclure que le RFI dévoilait sans autorisation de l’information confidentielle provenant de la demanderesse, ce qui était par ailleurs certainement dommageable pour cette dernière.

La demanderesse peut réclamer des dommages-intérêts en vertu de l’article 1612 C.C.Q., lequel vise expressément le dédommagement réclamé par le propriétaire d’un secret commercial, et ce, même si la propriété intellectuelle était toujours détenue par la SODEP au moment des faits reprochés. Tout ce que la disposition exige est que ce soit le propriétaire du secret commercial qui se prévale du régime particulier des dommages. Pour ce qui est de déterminer si l’information confidentielle peut être qualifiée de secret commercial, c’est l’ensemble des informations révélées par le RFI qui dévoile un secret élaboré au fil de 10 années d’efforts de dizaines d’employés spécialisés. La communication de ce document à des concurrents d’une industrie hautement spécialisée permet, en quelques minutes, de comprendre tout l’environnement de l’offre du logiciel ainsi que ses déclinaisons. Il n’est pas question de prétendre au dévoilement du code source ou à la possibilité de recréer par ingénierie inversée le logiciel en entier. Cela dit, la réclamation pour perte de profits issue du non-renouvellement du contrat n’est pas fondée. Rien ne permet de conclure que la sélection d’un soumissionnaire aurait été faite de façon inadéquate ou fautive à l’égard de la demanderesse, laquelle ne détenait par ailleurs aucune garantie de renouvellement.

La demanderesse a pris une décision d’affaires en cessant l’exploitation de son logiciel à la suite d’une perte d’intérêt commercial pour le logiciel suivant le dévoilement du RFI. Elle aura droit à 320 000 $.

Le texte de la décision est disponible ici

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