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Summaries Sunday: SOQUIJ

Every week we present the summary of a decision handed down by a Québec court provided to us by SOQUIJ and considered to be of interest to our readers throughout Canada. SOQUIJ is attached to the Québec Department of Justice and collects, analyzes, enriches, and disseminates legal information in Québec.

ACTION COLLECTIVE (RECOURS COLLECTIF) : Le procureur général du Québec est condamné à payer aux membres du groupe, des personnes titulaires de permis de taxi au Québec depuis le 28 octobre 2013, une indemnité d’expropriation fixée à 143 873 463 $.

Intitulé : Metellus c. Procureur général du Québec, 2024 QCCS 2388 *
Juridiction : Cour supérieure (C.S.), Montréal
Décision de : Juge Silvana Conte
Date : 21 juin 2024

Résumé

ACTION COLLECTIVE (RECOURS COLLECTIF) — jugement au fond et mesures d’exécution — titulaire de permis de propriétaire de taxi — arrêté ministériel — projet pilote sur le transport rémunéré de personnes par Uber — Loi concernant le transport rémunéré de personnes par automobile — déréglementation de l’industrie du taxi — activité économique organisée — capital affecté à l’exploitation d’une entreprise — expropriation déguisée — ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l’Électrification des transports — fardeau de la preuve — jouissance paisible des biens — absence d’atteinte illicite et intentionnelle — indemnité.

ADMINISTRATIF (DROIT) — actes de l’Administration — licence et permis — permis de transport — permis de propriétaire de taxi — arrêté ministériel — projet pilote sur le transport rémunéré de personnes par Uber — Loi concernant le transport rémunéré de personnes par automobile — déréglementation de l’industrie du taxi — activité économique organisée — capital affecté à l’exploitation d’une entreprise — expropriation déguisée — ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l’Électrification des transports.

BIENS ET PROPRIÉTÉ — étendue du droit de propriété — permis de propriétaire de taxi — arrêté ministériel — projet pilote sur le transport rémunéré de personnes par Uber — Loi concernant le transport rémunéré de personnes par automobile — déréglementation de l’industrie du taxi — activité économique organisée — capital affecté à l’exploitation d’une entreprise — expropriation déguisée — ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l’Électrification des transports — fardeau de la preuve — action collective — jouissance paisible des biens — absence d’atteinte illicite et intentionnelle — indemnité.

DROITS ET LIBERTÉS — droits et libertés fondamentaux — jouissance paisible des biens — permis de propriétaire de taxi — projet pilote sur le transport rémunéré de personnes par Uber — Loi concernant le transport rémunéré de personnes par automobile — déréglementation de l’industrie du taxi — activité économique organisée — capital affecté à l’exploitation d’une entreprise — expropriation déguisée — ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l’Électrification des transports — fardeau de la preuve — action collective — absence d’atteinte illicite et intentionnelle.

DOMMAGE (ÉVALUATION) — dommage aux biens — titulaire de permis de propriétaire de taxi — expropriation déguisée — indemnité — date d’évaluation — valeur marchande — preuve d’expert — déduction — programme d’aide financière — programme d’indemnisation — intérêts — indemnité additionnelle.

INTERPRÉTATION DES LOIS — intention du législateur — Loi concernant le transport rémunéré de personnes par automobile — expropriation déguisée — titulaire de permis de propriétaire de taxi — droit à une indemnité.

Action collective en réclamation de dommages-intérêts et de dommages punitifs. Accueillie en partie.

Le demandeur a été autorisé à exercer le présent recours pour le compte de toutes les personnes titulaires de permis de propriétaire de taxi depuis le 28 octobre 2013 au motif que ces permis auraient été expropriés de facto. Le demandeur soutient que la Loi concernant le transport rémunéré de personnes par automobile, qui a déréglementé l’industrie du taxi en abolissant l’exigence des permis pour effectuer du transport rémunéré de personnes, a eu pour effet de déposséder les membres du groupe d’un bien en capital affecté à l’exploitation de leur entreprise, les privant ainsi de la jouissance de leurs droits de propriété sur ce bien. Il s’agirait donc d’une expropriation déguisée (art. 952 du Code civil du Québec (C.C.Q.)). Le demandeur prétend que cette expropriation a commencé avec l’arrivée d’Uber, en 2014, et le projet pilote qui en a résulté (Arrêté concernant le projet pilote concernant des services de transport rémunéré de personnes demandés exclusivement par application mobile), et qu’elle s’est achevée en 2019 avec l’expropriation totale des permis des propriétaires de taxi. Il réclame la somme de 308 932 701 $, soit la valeur marchande des permis entre les mois de juillet 2013 et de juillet 2014 (1 164 580 825 $), moins les sommes versées aux membres en lien avec cette perte dans le cadre des programmes d’aide financière du gouvernement (855 648 124 $). Le demandeur réclame aussi 1 000 $ pour chacun des membres à titre de dommage punitifs pour atteinte à l’article 6 de la Charte des droits et libertés de la personne.

Décision

L’argument du procureur général du Québec (PGQ) voulant qu’il n’y ait pas eu de transfert ou d’appropriation physique du bien est mal fondé en droit, car l’expropriation déguisée au sens de l’article 952 C.C.Q. ne requiert aucun élément analogue au volet relatif à l’acquisition. Un règlement qui supprime toutes les utilisations raisonnables du bien suffit en soi à donner lieu à une telle expropriation. Quant au second argument, selon lequel il n’y a pas eu de négation absolue du droit de propriété, il ne peut non plus être retenu. La Loi concernant le transport rémunéré de personnes par automobile n’a pas simplement entraîné une perte de valeur des permis en abolissant les agglomérations et les quotas de permis pouvant être délivrés dans chacune d’elles, comme le soutient le PGQ, puisque les permis ont eux-mêmes été abolis. Même si certains membres du groupe continuent d’exploiter leur entreprise de taxi, en raison des dispositions transitoires prévoyant que l’automobile qui était attachée au permis sous l’ancienne loi devient automatiquement une automobile qualifiée, il n’en demeure pas moins que la Loi concernant le transport rémunéré de personnes par automobile a eu pour effet de déposséder les membres du groupe de leur capital affecté à l’exploitation de leur entreprise, les privant ainsi de la jouissance de leur droit de propriété sur un bien. Le demandeur s’est donc déchargé de son fardeau de preuve. En raison de la transformation complète du statut juridique des permis, lesquels ont été purement et simplement abolis, le gouvernement a procédé à l’expropriation déguisée des biens des membres du groupe.

D’autre part, l’article 952 C.C.Q. établit une présomption dans le cas d’une expropriation sans indemnisation par l’État, laquelle peut être écartée par une disposition législative claire exprimant l’intention de ne pas accorder d’indemnité. En l’espèce, le texte de l’article 287 de la loi ne démontre pas clairement que l’intention du législateur est de priver les titulaires de permis de propriétaire de taxi d’une indemnisation complète pour la perte de valeur de ceux-ci. La Loi concernant le transport rémunéré de personnes par automobile fait référence, de façon générale, à un programme d’aide financière qui vise à indemniser les titulaires de permis et à un programme additionnel qui est destiné à offrir une aide financière, sans autres précisions. Rien dans cette disposition ne précise que les indemnités sont destinées à couvrir l’ensemble de la perte de valeur des permis découlant de la nouvelle réglementation. D’ailleurs, la preuve démontre plutôt une intention de ne pas limiter la compensation aux programmes d’aide financière établis par le ministre des Transports, quoique le législateur ait envisagé initialement une telle option. En ce qui concerne la date d’évaluation de l’indemnité, celle-ci doit être fixée au 9 septembre 2016, soit au moment de l’entente conclue avec Uber et ayant créé le projet pilote adopté le 30 septembre suivant. Il s’agissait de la première étape du processus d’expropriation qui s’est cristallisé le 10 octobre 2019. Selon la preuve d’expert, la perte totale des membres se chiffre à 143 873 463 $, après déduction d’une somme de 873 436 701 $, soit la totalité des montants versés aux membres du groupe en vertu des 3 programmes d’aide financière. Toutes les sommes versées avaient pour but de dédommager les membres du groupe de la perte de valeur des permis ou des conséquences de la loi. Cette indemnité portera intérêt au taux légal et à cela s’ajoutera l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.C.Q, et ce, à compter du 21 septembre 2016, qui correspond à la date de signification de la demande pour autorisation d’exercer la présente action collective. Enfin, la réclamation en dommages punitifs est rejetée en l’absence de preuve d’une atteinte illicite et intentionnelle au droit garanti par l’article 6 de la Charte des droits et libertés de la personne.

Le texte intégral de la décision est disponible ici

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