Summaries Sunday: SOQUIJ
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INTERNATIONAL (DROIT) : L’article 15 de la Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle confère au tribunal le pouvoir discrétionnaire de rendre une ordonnance de transmission des renseignements et documents saisis si le mandat de perquisition a été exécuté en conformité pour l’essentiel, et non de façon stricte, avec les modalités de celui-ci et si aucun autre impératif n’empêche leur remise.
Intitulé : Shih c. Director of Criminal and Penal Prosecution, 2024 QCCA 1421
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Montréal
Décision de : Juges Manon Savard (juge en chef), François Doyon et Patrick Healy
Date : 25 octobre 2024
Résumé
INTERNATIONAL (DROIT) — preuve et procédure — Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle — article 15 — transmission à l’État requérant — norme de conformité avec la loi — conformité pour l’essentiel — examen — mandat de perquisition — délivrance du mandat — dénonciation — motifs raisonnables — fiabilité — validité — ministre de la Justice — autorisation d’une demande de mesures d’enquête — modification de l’approbation du ministre — Directeur des poursuites criminelles et pénales — exécution du mandat — portée excessive — absence de préjudice — portée de la revue des éléments saisis — degré de diligence — extraction de données — Cour supérieure — pouvoir discrétionnaire — appel.
INTERNATIONAL (DROIT) — convention internationale — Traité d’entraide juridique en matière pénale entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis d’Amérique — enquête — compagnie basée au Canada — ministre de la Justice — autorisation d’une demande de mesures d’enquête — mandat de perquisition — examen — validité — Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle — transmission à l’État requérant — appel.
PÉNAL (DROIT) — divers — mandat de perquisition — Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle — article 15 — transmission à l’État requérant — norme de conformité avec la loi — conformité pour l’essentiel — examen — délivrance du mandat — dénonciation — motifs raisonnables — fiabilité — validité — ministre de la Justice — autorisation d’une demande de mesures d’enquête — modification de l’approbation du ministre — Directeur des poursuites criminelles et pénales — exécution du mandat — portée excessive — absence de préjudice — portée de la revue des éléments saisis — degré de diligence — extraction de données — Cour supérieure — pouvoir discrétionnaire — appel.
Appel d’une ordonnance de transmission rendue par la Cour supérieure en vertu de l’article 15 (1) b) de la Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle. Rejeté.
La Cour est saisie d’un appel formé à l’encontre d’une ordonnance de transmission accordée par la Cour supérieure en vertu de l’article 15 (1) b) de la Loi sur l’entraide juridique en matière criminelle à la suite de l’exécution d’un mandat de perquisition par les autorités canadiennes au Québec, à la demande des États-Unis d’Amérique. La demande d’entraide des États-Unis avait été faite dans un contexte d’allégations d’espionnage commercial impliquant la perpétration de plusieurs infractions aux États-Unis. Les appelants soutiennent que l’ordonnance de transmission n’aurait pas dû être rendue, car la demande ne satisfaisait pas aux critères prévus par la loi. Premièrement, selon eux, le mandat a été décerné à tort, et ce, en l’absence d’un affidavit établissant les motifs raisonnables de son auteure. Deuxièmement, les appelants prétendent que le mandat a été décerné sans égard à la limite relative à l’approbation de la requête américaine par le ministre de la Justice. Troisièmement, ils soutiennent que le tribunal n’aurait pas adéquatement vérifié si les éléments de preuve à transmettre à l’État requérant correspondaient à ce que le mandat autorisait. La question dont la Cour est saisie est celle de savoir si le tribunal a constaté qu’il y avait un degré suffisant de conformité avec la loi lorsqu’il a décidé d’ordonner la remise des articles saisis en exécution du mandat décerné par le tribunal compétent à l’égard de la délivrance.
Décision
M. le juge Healy: L’article 15 de la loi confère au tribunal le pouvoir discrétionnaire de rendre une ordonnance de transmission des renseignements et des documents saisis si le mandat a été exécuté en conformité pour l’essentiel — et non en stricte conformité — avec les modalités de celui-ci et si aucun autre impératif n’empêche leur remise. Le tribunal jouit en outre du pouvoir discrétionnaire de restreindre les renseignements et les documents à transmettre.
L’affidavit de la déclarante à l’appui de la requête visant la délivrance d’un mandat se contente d’affirmer que les faits allégués dans la requête «sont vrais à [sa] connaissance personnelle, ou [lui] sont connus par la lecture des documents produits». Le tribunal a conclu qu’il n’y avait aucune raison empêchant qu’une requête visant la délivrance d’un mandat ne puisse procéder sur la base d’un affidavit à l’appui de la requête incorporant des informations satisfaisant au critère légal d’une autorisation valide, sous réserve que les informations en question soient fiables. En l’espèce, l’affirmation solennelle de la déclarante, prise en compte avec les autres documents soumis au tribunal, offre un fondement amplement suffisant pour la délivrance du mandat.
Quant au deuxième moyen invoqué, l’exclusion des renseignements et des documents concernant les appelants Ishiang et Winnie Shih n’est mentionnée ni dans la demande américaine, ni dans l’approbation de celle-ci par le ministre, ni dans aucun autre acte de procédure. Elle ne figure que dans la lettre de renvoi envoyée à l’intimé et n’est accompagnée d’aucune explication. L’exclusion, telle qu’elle est libellée dans la lettre, peut être interprétée de 2 manières. La première, que le tribunal n’a pas retenue, est que l’exclusion contenue dans la lettre par inadvertance et qu’elle ne saurait être considérée comme modifiant l’approbation par le ministre de la demande américaine. La seconde interprétation veut que l’exclusion contenue dans la lettre modifie l’approbation du ministre et ait pour effet d’interdire qu’un mandat soit demandé ou décerné autrement qu’en respectant cette exclusion. Le tribunal a retenu cette seconde interprétation, mais a conclu que le non-respect de l’exclusion ne l’empêchait pas d’exercer le pouvoir discrétionnaire que lui conférait l’article 15 de la loi puisque les éléments extraits à transmettre ne sortaient pas du champ de l’approbation du ministre. L’omission de cette exclusion dans le mandat élargit excessivement la portée de celui-ci et de son exécution. Toutefois, une portée excessive n’exclut pas nécessairement qu’une ordonnance de transmission soit rendue. La marge discrétionnaire conférée par l’article 15 (1) de la loi suppose que le pouvoir de rendre une telle ordonnance puisse être exercé en cas de conformité pour l’essentiel avec la loi et d’absence de préjudice démontrable découlant de la non-conformité avec un mandat valide. Ce pouvoir discrétionnaire peut être exercé même en présence de manquements importants dans la délivrance ou l’exécution du mandat. Le tribunal a retenu que le mandat était valide, malgré l’omission de respecter strictement l’exclusion, et que ce manquement n’entraînait aucun préjudice. Il a relevé que les éléments ciblés concernant Ishiang et Winnie Shih, tels qu’ils étaient décrits dans la demande américaine et la requête visant la délivrance du mandat, étaient étroitement circonscrits à ce qui se rapportait à l’enquête américaine. L’inclusion de renseignements ou de documents dépassant cette limite était un incident attribuable au hasard en ce qu’il était survenu lors d’une perquisition large ayant mené à la saisie de dizaines de milliers de fichiers. Les renseignements ou les documents superflus obtenus de cette manière sont de toute évidence non pertinents dans le cadre de l’enquête. Les appelants n’ont d’ailleurs pas demandé au tribunal d’exclure ces éléments de l’ensemble à transmettre à l’État requérant.
Enfin, en ce qui a trait à la question du caractère adéquat de la révision, le tribunal a retenu que la revue des éléments saisis au moyen de la procédure d’extraction avait pour objet de séparer les renseignements et les documents susceptibles d’être non pertinents de ceux compris dans le champ du mandat. Il a déterminé qu’une nouvelle révision plus en profondeur n’était pas nécessaire. Bien qu’il ne soit pas contesté qu’une revue est nécessaire afin de déterminer si le mandat a été exécuté conformément à ses modalités, la suffisance d’une revue est nécessairement une question de mesure. La question à trancher dans chaque cas sera de savoir si le degré de diligence suffit pour garantir une marge d’erreur tolérable. L’article 15 (1) b) de la loi confère au tribunal une certaine latitude et l’autorise à rendre une ordonnance de transmission si la revue des éléments saisis est adéquate, même s’il est possible que les éléments à transmettre puissent inclure certains renseignements ou documents se trouvant hors du champ du mandat. La Cour ne décèle dans l’examen effectué par le tribunal aucune erreur qui justifierait son intervention.
Le texte intégral de la décision est disponible ici
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