Summaries Sunday: SOQUIJ
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PÉNAL (DROIT) : L’accusé qui, après avoir consommé de l’alcool, a effectué le raccompagnement rémunéré de 2 préposées aux bénéficiaires qui ont été blessées lorsqu’il a perdu la maîtrise de son véhicule, est condamné à une peine d’emprisonnement avec sursis; le tribunal a considéré le parcours personnel difficile de l’accusé et les conséquences indirectes relatives à son statut d’immigrant.
Intitulé : R. c. François, 2025 QCCQ 918
Juridiction : Cour du Québec, Chambre criminelle et pénale (C.Q.), Montréal
Décision de : Juge Nadia Bérubé
Date : 14 février 2025
Résumé
PÉNAL (DROIT) — détermination de la peine — infractions routières — alcoolémie — conduite avec une alcoolémie supérieure à la limite permise causant des lésions corporelles — 2 victimes passagères — préposées aux bénéficiaires — victimes âgées de 63 et de 55 ans — service de raccompagnement — accusé âgé de 35 ans — caractéristiques personnelles de l’accusé — facteurs aggravants — conséquences pour les victimes — infraction ayant entraîné des lésions corporelles à plus de 1 personne (art. 320.22 a) C.cr.) — conduite d’un moyen de transport contre rémunération (art. 320.22 d) C.Cr.) — alcoolémie de 120 milligrammes par 100 millilitres de sang (art. 320.22 e) C.cr.) — facteurs atténuants — absence d’antécédents judiciaires — plaidoyer de culpabilité — actif pour la société — faible risque de récidive — conséquences indirectes de la peine — conséquences sur le plan de l’immigration — fourchette des peines — condamnation avec sursis — ordonnance de purger sa peine dans la collectivité — modification législative — travaux communautaires — interdiction de conduire — probation.
PÉNAL (DROIT) — détermination de la peine — principes généraux — facteurs à prendre en considération — caractéristiques personnelles de l’accusé — parcours difficile de l’accusé — conséquences indirectes de la peine — conséquences sur le plan de l’immigration — statut de résident permanent — interdiction de territoire pour grande criminalité — perte du droit d’appel — mesure de renvoi — conduite avec une alcoolémie supérieure à la limite permise causant des lésions corporelles — condamnation avec sursis — ordonnance de purger sa peine dans la collectivité.
PÉNAL (DROIT) — détermination de la peine — principes généraux — ordonnances — interdiction de conduire — durée de l’ordonnance — conduite avec une alcoolémie supérieure à la limite permise causant des lésions corporelles — facteur aggravant — conduite d’un moyen de transport contre rémunération (art. 320.22 d) C.Cr.) — gravité du préjudice susceptible de découler d’une récidive.
Prononcé de la peine.
Le tribunal doit déterminer la peine à imposer à l’accusé pour l’infraction qu’il a commise de conduite avec une alcoolémie supérieure à la limite permise causant des lésions corporelles. Un soir, alors qu’il travaillait comme «taxi» pour une agence fournissant des services de raccompagnement à des préposés aux bénéficiaires et qu’il reconduisait 2 préposées après leur quart de travail, l’accusé a perdu la maîtrise de son véhicule et a foncé dans un mur de béton. Les 2 préposées ont été blessées, et ce, de manière importante. Les parties s’entendent sur le fait qu’une peine de 2 ans moins 1 jour est appropriée dans les circonstances. Le débat se concentre sur la façon dont cette peine devrait être purgée: la poursuite considère qu’une période d’incarcération est nécessaire, alors que la défense suggère une peine d’emprisonnement dans la collectivité.
Décision
En ce qui concerne la question du principe de l’harmonisation des peines, considérant que l’emprisonnement dans la collectivité n’était pas une peine disponible de 2007 à 2022, les précédents doivent être évalués à la lumière de cet état de fait. En l’espèce, la fourchette sentencielle envisageable correspond au créneau intermédiaire de l’emprisonnement de moins de 2 ans, compte tenu, d’une part, de la gravité de l’infraction ainsi que de l’accumulation de circonstances aggravantes liées à sa perpétration et, d’autre part, de l’importance des circonstances atténuantes liées à la situation de l’accusé.
Le tribunal tient compte du parcours personnel parsemé d’embûches (mais exempt d’incartades criminelles) de l’accusé, qui est originaire d’Haïti, qui a été abandonné par son père dès son plus jeune âge et qui a été éduqué par une mère qui a usé de discipline physique à son endroit. En tant qu’aîné de sa famille, des responsabilités d’adulte lui ont été confiées très tôt. En outre, sa mère a été assassinée et il lui incombait d’aider ses frères à immigrer au Canada. À cela s’ajoutent les défis engendrés par son désir de fonder une famille et les difficultés supplémentaires occasionnées par les enjeux de santé de l’un de ses enfants. Afin de payer les dettes accumulées pour les traitements de fertilité de sa conjointe et d’autres dépenses liées aux besoins particuliers de son enfant malade, l’accusé a trouvé un deuxième emploi comme chauffeur. C’est lors de l’une de ses rares journées de congé qu’est survenu le drame; il avait consommé quelques verres d’alcool pour se détendre, avant que l’agence ne lui demande, de manière imprévue, de faire un raccompagnement en soirée. En dépit de l’erreur inexcusable de jugement qu’a commise l’accusé, et dont la résultante consiste en une kyrielle de séquelles lourdes et handicapantes pour les victimes et leur famille, le tribunal considère que ces caractéristiques personnelles doivent être prises en compte.
En l’espèce, les facteurs aggravants sont: le fait que l’accusé est l’unique responsable de la collision, qu’il a été rémunéré pour la conduite en cause (art. 320.22 d) C.Cr.) et que son alcoolémie était de 120 milligrammes par 100 millilitres de sang (art. 320.22 e) C.Cr.); les séquelles physiques, psychologiques et pécuniaires importantes subies par les victimes; et le facteur prévu à l’article 320.22 a) du Code criminel (C.Cr.) puisque les victimes sont au nombre de 2. Quant aux facteurs atténuants ou personnels favorisant un emprisonnement dans la communauté, le tribunal retient: l’absence d’antécédents judiciaires de l’accusé; son dossier de conduite, qui était vierge avant les événements; le plaidoyer de culpabilité; sa stabilité occupationnelle; son faible risque de récidive; ses remords sincères; sa reconnaissance des torts causés aux victimes et à leur famille; son abstinence depuis l’événement; et le fait qu’il a le soutien de sa famille et de son entourage. Il faut également tenir compte des conséquences collatérales qu’aurait une peine de 6 mois d’incarcération sur le statut d’immigration de l’accusé. En plus d’entraîner la perte de son droit d’appel de la mesure de renvoi, elle aurait des répercussions sur ses 2 jeunes enfants, dont 1 ayant des défis de santé, et qui sont citoyens canadiens.
Le tribunal estime que les critères de l’emprisonnement dans la collectivité sont remplis et que, avec des conditions très strictes et réparatrices, les critères de la dissuasion et de la dénonciation le sont également. Il s’agit de l’un de ces dossiers dans lesquels les facteurs personnels sont suffisamment nombreux et importants pour prévaloir sur les objectifs de la dénonciation et de la dissuasion. L’imposition d’une peine de détention dans la collectivité (de 2 ans moins 1 jour) assortie de mesures punitives (assignation à domicile), de mesures réparatrices (travaux communautaires) et de la sanction additionnelle que constitue une interdiction de conduire pendant une période considérable semble être la peine la plus susceptible de prendre adéquatement en compte les principes de la proportionnalité de la peine, de l’individualisation de celle-ci, de l’harmonisation des peines et de la modération. À cela s’ajoutent les conséquences indirectes relatives au statut d’immigration. En ce qui concerne la durée de l’interdiction de conduire, au moment de l’imposition de la peine, l’accusé aura environ 8 mois à ce titre à son actif. Compte tenu du facteur aggravant que constitue le fait que l’accusé était rémunéré au moment de la conduite à l’origine de la collision, le tribunal considère qu’une période supplémentaire de 30 mois est de mise. La durée totale de 38 mois est certes légèrement plus élevée que ce qui est proposé par les parties (2 à 3 ans), mais elle constitue une garantie supplémentaire, vu la gravité du préjudice susceptible de découler d’une récidive.
Le texte intégral de la décision est disponible ici
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