Summaries Sunday: SOQUIJ
Every week we present the summary of a decision handed down by a Québec court provided to us by SOQUIJ and considered to be of interest to our readers throughout Canada. SOQUIJ is attached to the Québec Department of Justice and collects, analyzes, enriches, and disseminates legal information in Québec.
ÉDUCATION : Des dispositions de la Loi modifiant principalement la Loi sur l’instruction publique relativement à l’organisation et à la gouvernance scolaires sont inopérantes à l’égard des commissions scolaires anglophones du Québec.
Intitulé : Procureur général du Québec c. Quebec English School Boards Association, 2025 QCCA 383
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Montréal
Décision de : Juges Robert M. Mainville, Christine Baudouin et Judith Harvie
Date : 3 avril 2025
Résumé
ÉDUCATION — commission scolaire — Loi modifiant principalement la Loi sur l’instruction publique relativement à l’organisation et à la gouvernance scolaires — Loi sur l’instruction publique — abolition des commissions scolaires pour les remplacer par des centres de services scolaires — droits de la minorité anglophone du Québec — constitutionnalité — article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés — établissement scolaire — gestion et contrôle — transfert de pouvoir — pouvoir du ministre — atteinte aux droits protégés par l’article 23 de la charte — atteinte non justifiée — réparation — déclaration d’inopérabilité constitutionnelle — obligation de tenir compte des préoccupations de la minorité — suspension de l’application au secteur éducatif anglophone des dispositions qui sont inextricablement liées à celles déclarées inconstitutionnelles — appel.
DROITS ET LIBERTÉS — droit à l’égalité — actes discriminatoires — fourniture de biens ou de services — abolition des commissions scolaires pour les remplacer par des centres de services scolaires — langue — droits de la minorité anglophone du Québec — Loi modifiant principalement la Loi sur l’instruction publique relativement à l’organisation et à la gouvernance scolaires — Loi sur l’instruction publique — article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés — établissement scolaire — gestion et contrôle — transfert de pouvoir — atteinte aux droits protégés par l’article 23 de la charte — atteinte non justifiée — réparation — déclaration d’inopérabilité constitutionnelle — obligation de tenir compte des préoccupations de la minorité — suspension de l’application au secteur éducatif anglophone des dispositions qui sont inextricablement liées à celles déclarées inconstitutionnelles — appel.
DROITS ET LIBERTÉS — droit à l’égalité — motifs de discrimination — langue — droits de la minorité anglophone du Québec — Loi modifiant principalement la Loi sur l’instruction publique relativement à l’organisation et à la gouvernance scolaires — Loi sur l’instruction publique — abolition des commissions scolaires pour les remplacer par des centres de services scolaires — article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés — établissement scolaire — gestion et contrôle — transfert de pouvoir — atteinte aux droits protégés par l’article 23 de la charte — atteinte non justifiée — réparation — déclaration d’inopérabilité constitutionnelle — obligation de tenir compte des préoccupations de la minorité — suspension de l’application au secteur éducatif anglophone des dispositions qui sont inextricablement liées à celles déclarées inconstitutionnelles — appel.
CONSTITUTIONNEL (DROIT) — langue — droits linguistiques — droit à l’instruction dans la langue de la minorité — droits de la minorité anglophone du Québec — Loi modifiant principalement la Loi sur l’instruction publique relativement à l’organisation et à la gouvernance scolaires — Loi sur l’instruction publique — abolition des commissions scolaires pour les remplacer par des centres de services scolaires — article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés — établissement scolaire — gestion et contrôle — transfert de pouvoir — atteinte aux droits protégés par l’article 23 de la charte — atteinte non justifiée — réparation — déclaration d’inopérabilité constitutionnelle — obligation de tenir compte des préoccupations de la minorité — suspension de l’application au secteur éducatif anglophone des dispositions qui sont inextricablement liées à celles déclarées inconstitutionnelles — appel.
CONSTITUTIONNEL (DROIT) — divers — Loi modifiant principalement la Loi sur l’instruction publique relativement à l’organisation et à la gouvernance scolaires — Loi sur l’instruction publique — validité constitutionnelle — abolition des commissions scolaires pour les remplacer par des centres de services scolaires — établissement scolaire — gestion et contrôle — transfert de pouvoir — droit à l’égalité — langue — droits de la minorité anglophone du Québec — atteinte aux droits protégés par l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés — atteinte non justifiée — réparation — déclaration d’inopérabilité constitutionnelle.
ÉDUCATION — confessionnalité et langue — droits de la minorité anglophone du Québec — Loi modifiant principalement la Loi sur l’instruction publique relativement à l’organisation et à la gouvernance scolaires — Loi sur l’instruction publique — abolition des commissions scolaires pour les remplacer par des centres de services scolaires — article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés — établissement scolaire — gestion et contrôle — transfert de pouvoir — atteinte aux droits protégés par l’article 23 de la charte — atteinte non justifiée — réparation — déclaration d’inopérabilité constitutionnelle — obligation de tenir compte des préoccupations de la minorité — suspension de l’application au secteur éducatif anglophone des dispositions qui sont inextricablement liées à celles déclarées inconstitutionnelles — appel.
Appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant déclaré inopérantes à l’égard des commissions scolaires anglophones du Québec certaines dispositions de la Loi modifiant principalement la Loi sur l’instruction publique relativement à l’organisation et à la gouvernance scolaires (loi 40) et de la Loi sur l’instruction publique. Accueilli en partie.
L’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés établit que le droit reconnu à certains citoyens canadiens de faire instruire leurs enfants, aux niveaux primaire et secondaire, dans la langue de la minorité francophone ou anglophone d’une province comprend aussi, lorsque le nombre de ces enfants le justifie, le droit de les faire instruire dans des établissements d’enseignement de la minorité linguistique financés sur les fonds publics. Cette disposition permet aussi, lorsque le nombre des enfants le justifie, l’établissement d’un conseil scolaire indépendant pour la minorité linguistique. Quant à la loi 40, elle a instauré une transformation profonde dans la gouvernance de l’éducation primaire et secondaire. Elle a transformé les commissions scolaires, qui étaient sous la gouverne d’un conseil de commissaires formé d’élus, en des centres de services scolaires (CSC) maintenant dirigés par un conseil d’administration (CA). De plus, elle a modifié en profondeur la mission de ces organismes. Alors que les commissions scolaires avaient le rôle d’organisateur des services éducatifs responsable d’en contrôler la qualité, les CSC se sont vu attribuer un rôle plus secondaire de soutien ainsi que de fournisseur de biens et services. Le CA d’un CSC exerce dorénavant un rôle de surveillance plutôt que de direction. Ces changements de rôle et de mission se reflètent dans la composition du CA, dans l’abolition de la rémunération de ses membres, dans le transfert des responsabilités vers le directeur général, lequel agit dorénavant à titre de porte-parole, et vers les comités d’employés — notamment le comité d’engagement pour la réussite des élèves — de même que dans l’accroissement des pouvoirs du ministre de l’Éducation. Dans le secteur francophone, le conseil des commissaires élus a été remplacé par un CA composé de 15 membres qui sont désignés plutôt qu’élus. Dans le secteur anglophone, la loi 40 a préservé les élections scolaires pour la plupart des postes du CA, mais elle a établi des critères d’éligibilité pour se porter candidat à ces élections qui disqualifient de facto un très large segment de la minorité linguistique.
La Cour supérieure a déclaré inopérantes à l’égard des commissions scolaires anglophones du Québec certaines dispositions de la loi 40 et de la Loi sur l’instruction publique aux motifs qu’elles portent atteinte aux droits garantis à la minorité linguistique du Québec par l’article 23 de la charte et que cette atteinte n’est pas justifiée. Le procureur général du Québec (PGQ) interjette appel de ce jugement.
Décision
De façon préliminaire, il faut déterminer: quelle est la portée des droits de gestion et de contrôle des établissements d’enseignement de la minorité linguistique; et qui sont ceux qui exercent ces droits. Les droits de gestion et de contrôle qui découlent de l’alinéa 23 (3) b) de la charte sont décrits dans l’arrêt Mahe c. Alberta (C.S. Can., 1990-03-15), SOQUIJ AZ-90111022, J.E. 90-475, [1990] 1 R.C.S. 342. Ainsi, le degré de gestion et de contrôle peut, selon le nombre d’élèves en cause, justifier l’existence d’un conseil scolaire indépendant pour la minorité linguistique. Ces droits comprennent à tout le moins le pouvoir exclusif des représentants de la minorité linguistique de prendre des décisions concernant l’instruction dans la langue et les établissements où elle est fournie, notamment à l’égard: a) des dépenses de fonds prévus pour cette instruction et ces établissements; b) de la nomination et de la direction des personnes chargées de l’administration de cette instruction et de ces établissements; c) de l’établissement de programmes scolaires; d) du recrutement et de l’affectation du personnel, notamment des professeurs; et e) de la conclusion d’accords pour l’enseignement et les services fournis aux élèves de la minorité linguistique. Ceux qui exercent concrètement ces droits de gestion et de contrôle sont les représentants choisis par les personnes qui font partie de la minorité linguistique. Au Québec, cette minorité linguistique comprend au minimum les citoyens canadiens: a) dont la première langue apprise et encore comprise est l’anglais au sens de l’article 23 (1) a) de la charte; b) qui ont reçu leur instruction primaire en anglais au Canada au sens de l’article 23 (1) b) de la charte; ou c) dont un enfant a reçu ou reçoit son instruction primaire ou secondaire en anglais au Canada au sens de l’article 23 (2) de la charte.
Des dispositions de la loi 40, de la Loi sur l’instruction publique et de la Loi sur les élections scolaires visant certains membres des conseils d’administration des centres de services scolaires anglophones portant sur certains sujets ne respectent pas les droits de gestion et de contrôle conférés à la minorité linguistique et garantis par l’article 23 (3) b) de la charte. Il s’agit: a) des dispositions permettant à des membres de la majorité linguistique du Québec de voter et de se porter candidat aux élections scolaires du réseau scolaire de la minorité linguistique; b) des dispositions qui limitent de façon importante l’éligibilité aux postes des CA des nouveaux CSC anglophones — soit: i) réserver la majorité des postes à des parents d’enfants fréquentant l’école qui sont aussi membres du conseil d’établissement d’une école; ii) imposer des exigences de qualification professionnelle pour d’autres membres du CA qui ont pour effet d’exclure comme candidats environ la moitié des électeurs éligibles; et iii) permettre à des employés du centre qui ne font pas nécessairement partie de la minorité linguistique de désigner des membres sur le CA —; c) de la disposition qui abolit la rémunération des membres des CA; d) de la disposition qui restreint l’éligibilité aux postes de président et de vice-président du CA aux seuls membres du conseil qui sont des parents; e) des dispositions qui retirent le rôle de porte-parole du président du centre pour le confier plutôt au directeur général; f) de la disposition qui transfère les responsabilités liées à l’élaboration du plan d’engagement pour la réussite du CA à un comité formé exclusivement d’employés du centre; et, enfin, g) de la disposition prévoyant des mesures budgétaires qui permettent au ministre de l’Éducation d’ordonner que des subventions versées à un CSC soient exclusivement consacrées à des fins précises qu’il détermine.
Quant à la justification de ces atteintes en vertu de l’article 1 de la charte, le PGQ ne satisfait pas à la première étape de l’analyse, qui consiste à démontrer que les mesures attentatoires poursuivent un objectif urgent et réel. Toutefois, la Cour supérieure a erré en concluant que l’article 23 de la charte impose à l’État une obligation de consultation qui s’applique dans le contexte du processus législatif et qui oblige l’Assemblée nationale à répondre aux préoccupations de la communauté anglophone du Québec. Elle a également erré dans le choix des mesures réparatrices qu’elle a accordées. À cet égard, elle ne pouvait décider de conserver sa compétence sur le dossier afin de surveiller un dialogue entre les parties quant à la législation réparatrice à mettre en place. Elle ne pouvait non plus suspendre l’application au secteur éducatif anglophone, pour 6 mois, des dispositions de la loi 40 qui sont inextricablement liées à celles ayant été déclarées inconstitutionnelles. Il s’agit là d’une réparation inusitée et inédite qui ne semble pas reconnue à ce jour par la jurisprudence traitant de l’article 52 (1) de la Loi constitutionnelle de 1982. La Cour d’appel y substitue donc une déclaration rendant ces dispositions inopérantes à l’égard des commissions scolaires anglophones du Québec.
Le texte intégral de la décision est disponible ici
Start the discussion!