Summaries Sunday: SOQUIJ
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PÉNAL (DROIT) : Dans une affaire de voies de fait graves où l’accusé, à l’aide de sa canne de métal, avait asséné un coup sur la tête de la victime afin de défendre son cousin, la conclusion de la juge de première instance, à savoir que la force utilisée était «excessive et disproportionnée», résulte d’une analyse en rétrospective du seul coup porté par l’accusé.
Intitulé : Toussaint c. R., 2025 QCCA 1155
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Québec
Décision de : Juges Suzanne Gagné, Lori Renée Weitzman et Éric Hardy
Date : 18 septembre 2025
Résumé
PÉNAL (DROIT) — infraction — infractions contre la personne — voies de fait — voies de fait graves — victime homme — coup de canne à la tête — fracture crânienne — traumatisme cranio-cérébral léger complexe — séquelles permanentes — moyen de défense — légitime défense — agir de façon raisonnable dans les circonstances (art. 34 (1) c) C.Cr.) — utilisation d’une arme — proportionnalité — existence d’autres moyens pour parer l’emploi éventuel de la force — évaluation en rétrospective — victime ayant tenté de poursuivre la bagarre après l’infraction — déclaration de culpabilité — appel — norme d’intervention — erreur de droit — verdict déraisonnable — acquittement.
PÉNAL (DROIT) — preuve pénale — moyen de défense — légitime défense — voies de fait graves — agir de façon raisonnable dans les circonstances (art. 34 (1) c) C.Cr.) — utilisation d’une arme — proportionnalité — existence d’autres moyens pour parer l’emploi éventuel de la force — évaluation en rétrospective — absence de renversement du fardeau de la preuve — appréciation de la preuve — absence d’omission de considérer un élément de preuve déterminant — enregistrement vidéo — appel — norme d’intervention — erreur de droit.
Appel d’une déclaration de culpabilité. Accueilli. Requêtes en autorisation d’appel sur des questions de fait et en autorisation d’appel de la peine. Sans objet.
L’appelant célébrait l’enterrement de vie de garçon de son cousin, Roussin-Bézier. En soirée, accompagnés d’un ami, l’appelant et Roussin-Bizier ont décidé d’aller faire une virée dans les bars. Pour l’occasion, Roussin-Bizier était déguisé en femme et attirait donc les regards. En s’arrêtant pour discuter et prendre des photographies avec des passants, Roussin-Bizier a commis des attouchements sexuels à l’endroit de 2 jeunes femmes. La victime, un ami de ces dernières, a interpellé Roussin-Bizier. L’appelant s’est interposé et a tenté de faire baisser la tension, en vain. À la suite d’un commentaire déplacé de Roussin-Bizier, la victime lui a asséné un coup de poing au visage qui l’a fait pivoter. Après ce premier coup, un deuxième était prévisible. L’appelant a réagi rapidement pour défendre son cousin. Avec sa canne de métal, il a asséné un coup sur la tête de la victime, qui lui faisait dos et qui s’est écroulée au sol, inconsciente. Elle présente une fracture enfoncée frontale et un traumatisme cranio-cérébral dont elle garde des séquelles importantes. La juge de première instance a déclaré l’appelant coupable de voies de fait graves. La juge a rejeté la défense de légitime défense parce qu’elle a conclu que la réponse de l’appelant n’était «absolument pas proportionnelle au danger qui se présentait» et que le coup de canne porté à la tête de la victime n’était «pas raisonnable dans les circonstances».
Décision
La juge a commis une erreur de droit dans l’application du cadre d’analyse du caractère raisonnable de la force utilisée. D’abord, sa conclusion selon laquelle l’appelant a fait le choix de frapper la victime à la tête est une inférence dégagée de la preuve vidéo, que la juge a visionnée au ralenti et qu’elle a décortiquée seconde par seconde. Or, l’analyse doit porter sur les circonstances telles qu’elles se présentaient à l’appelant. De plus, bien que la vidéo démontre clairement que la victime a été atteinte à la tête, la juge a omis de considérer le «choix» de l’appelant, en l’occurrence comment et où frapper, dans le contexte précis d’un geste défensif et immédiat qui était destiné à faire cesser l’agression contre Roussin-Bézier.
En reprochant à l’appelant de ne pas avoir choisi de frapper ailleurs afin de limiter les dommages (puisqu’il «connaissait les conséquences possibles d’une commotion cérébrale») et de ne pas avoir plutôt créé une diversion, la juge a procédé à une évaluation en rétrospective, possiblement exacerbée par le visionnement de la vidéo au ralenti. Cette analyse néglige de prendre en compte la réalité d’une réaction instinctive et immédiate au danger, bien qu’elle reconnaisse que l’appelant n’avait «pas eu beaucoup de temps pour réfléchir à d’autres moyens pour faire cesser l’attaque». La juge a ainsi erré en exigeant une réaction mesurée et réfléchie dans les fractions de seconde ayant suivi l’agression de Roussin-Bizier. Quant au «choix» de l’appelant «d’utiliser une arme», la juge a omis de le considérer dans le contexte, soit que l’appelant avait déjà sa canne en main lorsqu’il a réagi à l’attaque contre son cousin. La raisonnabilité de la réaction de l’appelant ne peut s’analyser en fonction de la gravité des blessures dévastatrices occasionnées à la victime.
Ainsi, la conclusion que la force utilisée était «excessive et disproportionnée», résulte d’une analyse en rétrospective du seul coup porté par l’appelant. En appliquant correctement le cadre d’analyse de la légitime défense à la réaction de l’appelant, la poursuite ne pouvait établir hors de tout doute raisonnable que cette défense ne s’appliquait pas. Par conséquent, le verdict est déraisonnable, et un acquittement s’impose.
Le texte intégral de la décision est disponible ici




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