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Summaries Sunday: SOQUIJ

Chaque semaine, nous vous présentons un résumé d’une décision d’un tribunal québécois qui nous est fourni par la Société québécoise d’information juridique (SOQUIJ) et ayant un intérêt pancanadien. SOQUIJ relève du ministre de la Justice du Québec, et elle analyse, organise, enrichit et diffuse le droit au Québec.

Every week we present a summary of a decision by a Québec court provided to us by SOQUIJ and selected to be of interest to our readers throughout Canada. SOQUIJ is attached to the Québec Department of Justice and collects, analyzes, enriches, and disseminates legal information in Québec.

Énergie, Mines et Ressources : Newfoundland and Labrador Hydro n’a pas démontré que la Régie de l’énergie avait commis une erreur révisable en confirmant le calcul de la capacité de transport disponible établi par Hydro-Québec ayant mené celle-ci à conclure que la capacité du réseau québécois ne suffira pas à permettre de transporter à la fois la charge locale et une partie de l’énergie en provenance des futures centrales du Bas-Churchill (C.S.).

Intitulé :Newfoundland and Labrador Hydro c. Régie de l’énergie, 2013 QCCS 3848
Juridiction : Cour supérieure (C.S.), Montréal, 500-17-065300-116
Décision de : Juge Chantal Masse
Date : 7 août 2013

ÉNERGIE, MINES ET RESSOURCES — électricité — service de transport — Tarifs et conditions des services de transport d’Hydro-Québec — étude d’impact — calcul de la capacité de transport disponible — intention de signer une convention d’avant-projet — délai de rigueur — contrôle judiciaire.

ADMINISTRATIF (DROIT) — contrôle judiciaire — cas d’application — divers — Régie de l’énergie — service de transport — électricité — interprétation des Tarifs et conditions des services de transport d’Hydro-Québec — calcul de la capacité de transport disponible — norme de contrôle — décision raisonnable — équité procédurale — devoir de réserve.

Requête en révision judiciaire de décisions de la Régie de l’énergie. Rejetée.

La demanderesse demande la révision judiciaire de deux décisions de la Régie de l’énergie, respectivement rendues les 1er mai 2010 et 6 avril 2011, ayant confirmé des calculs et décisions d’Hydro-Québec agissant dans ses activités de transport (HQT). En janvier 2006, la demanderesse a présenté une demande de service de transport à HQT en vertu des Tarifs et conditions des services de transport d’Hydro-Québec (TC) dans le but d’acheminer vers d’autres marchés l’électricité qui sera produite par des centrales projetées du Bas-Churchill. Sa demande visait alors des services qui seraient fournis sur une période de 30 ans, soit de 2015 à 2045. À la suite de cette demande, HQT a réalisé une étude d’impact sur le réseau d’électricité québécois afin de déterminer la capacité de transport disponible au sens des TC. Selon les résultats de cette étude, réalisée aux frais de la demanderesse, suivant les TC, des travaux et des investissements majeurs seraient requis pour permettre le transport de l’énergie en provenance des centrales projetées de la demanderesse par le réseau d’électricité du Québec. Les travaux signifient des coûts de plus de trois milliards de dollars, et ce, pour chacune des cinq options proposées par la demanderesse. En vertu des TC, la responsabilité ultime des coûts est à la charge de la demanderesse. Cette dernière n’est pas d’accord avec le calcul ayant mené HQT à conclure que la capacité du réseau québécois ne suffira pas à permettre de transporter à la fois la charge locale, soit celle qui est nécessaire pour alimenter les besoins des consommateurs du Québec et qui est désignée à cette fin, et une partie de l’énergie en provenance de ses futures centrales. Selon la demanderesse, les données utilisées par HQT doivent être révisées afin de tenir compte de certaines dispositions du «Power Contract». Les recours exercés à cette fin auprès de la Régie ont échoué, d’où la présente demande de révision judiciaire. La demanderesse prétend que la Régie a commis une erreur révisable en confirmant le calcul de la capacité de transport disponible établi par HQT et relativement à l’interprétation et à l’application du délai de 45 jours prévu à l’article 19.3 des TC.

Décision
En prenant la position selon laquelle la norme de contrôle applicable était celle de la décision raisonnable quant à toutes les questions en cause et en indiquant que seuls les éléments de preuve déposés devant elle pouvaient être considérés, la Régie s’opposait directement à la demanderesse et se rangeait dans le camp de la mise en cause. Cette dernière était en mesure d’éclairer le tribunal quant aux questions en litige, y compris celles de la norme de contrôle applicable et de la preuve pouvant être considérée. Il n’était ni nécessaire ni utile que la Régie prenne position sur ces questions dans le contexte du dossier. Son devoir de réserve exigeait dans les circonstances qu’elle s’en abstienne. Abstraction doit donc être faite des arguments de la Régie quant à ces questions, et aucuns dépens ne seront accordés à celle-ci dans les circonstances, et ce, malgré le sort de la requête. Étant donné qu’une demande de révision judiciaire doit être décidée en ne faisant appel qu’à la preuve déposée devant le premier décideur, les pièces que la demanderesse cherche à produire et les paragraphes correspondants de sa requête ne peuvent être considérés en preuve.

La demanderesse soutient que l’utilisation des flots d’énergie transportés pendant les années antérieures afin de déterminer la capacité de transport disponible a entraîné une erreur révisable. Elle prétend notamment que les données disponibles faisant état des engagements fermes en vertu du «Power Contract» ne pouvaient être écartées et devaient être retenues afin de déterminer la charge locale. Elle affirme également que la Régie a erré en distinguant la mise en cause de HQT, ce qui aurait entraîné une application discriminatoire des TC en faveur de HQT. La norme applicable à ces questions est celle de la décision raisonnable. Les décisions attaquées s’appuient sur une preuve non contredite quant à cette question, et le contexte législatif régissant les plaintes déposées par la demanderesse prévoit que celles-ci doivent être soumises au transporteur, soit HQT, et non à la mise en cause. La Loi sur la Régie de l’énergie établit elle-même une distinction entre les deux entités que sont HQT et la mise en cause.

En ce qui concerne l’application du délai de 45 jours prévu à l’article 19.3 des TC, comme il s’agit d’une question qui relève de l’interprétation de ces derniers à la lumière des faits mis en preuve devant la Régie, c’est la norme de la décision raisonnable qui s’applique. Lorsque HQT a transmis le dernier rapport constituant l’étude d’impact de la demande de service, en décembre 2007, elle a requis que la demanderesse lui confirme dans les 45 jours suivant son intention de signer une convention d’avant-projet. Dans sa réponse à la lettre d’HQT du 24 janvier 2008, la demanderesse prétend que le délai de 45 jours prévu à l’article 19.3 ne s’applique pas, notamment en raison du fait qu’elle conteste que l’étude d’impact soit complète. Elle indique que sa lettre constitue une plainte à HQT en bonne et due forme relativement à l’application du délai de 45 jours, que tenterait indûment de lui imposer HQT, et qu’il n’est pas permis à cette dernière d’imposer des conditions préalables à la signature d’une convention d’avant-projet en vertu des TC. Devant la première formation de la Régie, elle a fait valoir que sa plainte devait être considérée comme ayant suspendu le délai de 45 jours parce qu’elle serait autrement privée de son recours. Devant la deuxième formation, elle a repris ce même argument, sans plus de succès. Elle ne peut maintenant soutenir que le délai ne devait pas courir pendant la plainte au motif qu’il y aurait autrement violation des règles de l’équité procédurale ou de la justice naturelle parce que cela reviendrait à rendre inefficace son droit de porter plainte et de se faire entendre à l’occasion de cette plainte. Ni la loi ni les TC ne sont contestés. Leur libellé est sans ambiguïté. Aucune disposition de ceux-ci ne prévoit qu’une plainte aurait pour effet de suspendre le délai de 45 jours, et ce délai est de rigueur vu les termes employés à l’article 19.3 des TC et le contexte relatif au rang des demandes. En conséquence, il n’y a pas lieu de recourir aux moyens d’interprétation externes sur la question du délai, ce qui fait que les valeurs des chartes des droits, y compris les principes d’équité procédurale ou de justice naturelle qui y sont consacrés, n’entrent pas en jeu. En ce qui concerne la prétention de la demanderesse selon laquelle il y a eu manquement à l’obligation d’agir équitablement de la part de la mise en cause ou de la Régie, qui ont omis de l’aviser que sa demande serait réputée résiliée et non avenue dans l’éventualité où sa plainte ne serait pas accueillie, ce moyen ne peut être retenu parce qu’il est tardif et a été invoqué sans que le recours en révision ait été épuisé, lequel constituait un recours efficace et approprié quant à celui-ci. Par ailleurs, ce moyen n’a aucun fondement. Il en est de même quant à l’argument portant sur la théorie de l’expectative légitime, de l’obligation de bonne foi ou de l’abus de droit.

Instance précédente : Louise Rozon, Gilles Boulianne et Lise Duquette, régisseurs, R.D.E., D-2011-040 et P-130-002, 2011-04-06, SOQUIJ AZ-51000908.

Le texte intégral de la décision est disponible ici

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