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Summaries Sunday: SOQUIJ

Every week we present the summary of a decision handed down by a Québec court provided to us by SOQUIJ and considered to be of interest to our readers throughout Canada. SOQUIJ is attached to the Québec Department of Justice and collects, analyzes, enriches, and disseminates legal information in Québec.

DROITS ET LIBERTÉS : Un homme de race noire s’étant vu refuser l’accès à une boîte de nuit reçoit une indemnité de 5 000 $ pour les dommages moraux subis ainsi que 1 000 $ à titre de dommages exemplaires.

Intitulé : Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Club Millenium inc. (Bar La Folie), 2014 QCTDP 13
Juridiction : Tribunal des droits de la personne (T.D.P.Q.), Montréal, 500-53-000347-110
Décision de : Juge Scott Hughes, Me Claudine Ouellet et Me Luc Huppé, assesseurs
Date : 30 mai 2014

DROITS ET LIBERTÉS — droit à l’égalité — actes discriminatoires — fourniture de biens ou de services — homme de race noire — portier — refus de donner accès à un bar — dommage moral — dommage exemplaire.

DROITS ET LIBERTÉS — droit à l’égalité — motifs de discrimination — race, couleur, origine ethnique ou nationale — race — couleur — homme de race noire — portier — refus de donner accès à un bar — dommage moral — dommage exemplaire.

DROITS ET LIBERTÉS — droits et libertés fondamentaux — dignité — homme de race noire — portier — refus de donner accès à un bar — dommage moral — dommage exemplaire.

DOMMAGE (ÉVALUATION) — dommage exemplaire — Charte des droits et libertés de la personne — discrimination — race — couleur — atteinte à la dignité — portier — refus de donner accès à un bar — atteinte illicite et intentionnelle.

DOMMAGE (ÉVALUATION) — dommage moral — atteinte à la dignité — discrimination — race — couleur — portier — homme de race noire — refus de donner accès à un bar — humiliation — sentiment d’exclusion — honte.

RESPONSABILITÉ — responsabilité du fait des autres — commettant — employeur — bar — portier — discrimination — race — couleur — homme de race noire — refus de donner accès à un bar — atteinte à la dignité — dommage moral.

Requête en réclamation de dommages moraux et exemplaires ainsi que pour l’obtention d’ordonnances (15 000 $). Accueillie en partie (6 000 $).

La Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse allègue que les défendeurs ont compromis le droit de la victime d’être traitée en toute égalité, sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur et l’origine ethnique, en lui refusant l’accès à leur établissement commercial, en l’occurrence un bar-discothèque, le Club Millénium, et d’obtenir les services qui y sont disponibles, contrevenant ainsi aux articles 10 et 15 de la Charte des droits et libertés de la personne. La Commission prétend également que les défendeurs ont porté atteinte au droit de la victime à la sauvegarde de sa dignité, en violation des articles 4 et 10 de la charte. Par conséquent, elle réclame qu’il soit ordonné aux défendeurs de cesser d’appliquer toute politique, toute pratique, toute attitude et tout comportement ou acte comportant de la discrimination fondée sur la race, la couleur ou l’origine ethnique et de concevoir ainsi que de mettre par écrit une politique efficace pour contrer la discrimination fondée sur la race, la couleur et l’origine ethnique dans l’accès au bar et aux services qui y sont disponibles et d’en remettre une copie à tous les employés de l’établissement ainsi qu’à la Commission. Elle demande 12 000 $ à titre de dommages moraux et 3 000 $ à titre de dommages exemplaires en vertu de l’article 49 de la charte.

Décision
La Commission affirme que la victime s’est fait refuser l’accès en raison de sa couleur noire, tandis que les défendeurs affirment que la situation résulte de son comportement inacceptable. Pour la victime, les événements survenus le 2 octobre 2009 constituent une expérience unique, laquelle est donc susceptible de s’être fixée avec clarté dans sa mémoire. À l’inverse, le défendeur Clairsaint et les autres défendeurs contrôlaient régulièrement des milliers d’entrées au Club. En raison de l’affluence suscitée par l’établissement, la capacité des défendeurs de garder un souvenir précis à propos d’un refus d’accès particularisé survenu il y a plusieurs années est nécessairement beaucoup plus limitée. Il est difficile de croire la version de Clairsaint selon laquelle il a fondé sa décision de refuser l’accès sur l’agressivité et les propos déplacés de la victime. Celle-ci est apparue comme un homme calme, posé et modeste. Sa petite stature physique tranchait avec celle, beaucoup plus imposante, de Clairsaint. La version de la victime et de la personne qui l’accompagnait offre une meilleure crédibilité. Selon leur version, il paraît sans équivoque que l’accès au Club leur a été refusé en raison de la couleur de leur peau. Cependant, la Commission n’a pas établi que le refus d’accès aux personnes de couleur noire résultait d’une directive ou d’une politique en vigueur au sein de la société défenderesse. En tant qu’employeur de Clairsaint, la responsabilité du Club Millénium est aussi engagée par les actes de ce dernier, qui ont été accomplis dans l’exécution de ses fonctions de portier. Par contre, la proposition mise de l’avant par la Commission selon laquelle le défendeur Dulude, qui était alors gérant général du Club, puisse être tenu responsable en raison du fait qu’il a entériné ou approuvé la décision de Clairsaint de refuser l’accès à la victime ne peut être retenue. La preuve ne permet pas de déterminer que Dulude savait que l’accès au Club avait été refusé à la victime en raison de la couleur de sa peau. Elle ne permet pas non plus de savoir si la position de Dulude, lorsqu’il aurait entériné la décision de Clairsaint, était elle aussi fondée, en tout ou en partie, sur des considérations discriminatoires à l’égard de la victime. Quant au défendeur Walbrecq, le fait qu’il soit l’unique actionnaire du Club n’est pas suffisant pour entraîner sa responsabilité personnelle à l’égard de l’atteinte aux droits de la victime. C’est une fois revenue chez elle que la victime a compris toute la portée du refus d’accès dont elle avait fait l’objet. Elle s’est sentie humiliée et honteuse. Le sentiment d’exclusion qu’elle a ressenti était encore présent au moment du procès. Les événements l’ont rendue très craintive quant à la possibilité d’essuyer des refus similaires dans d’autres établissements. Ainsi, il a été démontré que la victime a subi et qu’elle continue à subir un dommage moral. Certains facteurs contribuent à l’aggravation de ce dommage: la présence d’un ami au moment des événements, ayant eu pour effet d’amplifier son humiliation; le fait qu’elle allait rejoindre un collègue de travail dans le Club, de sorte qu’elle a dû raconter son expérience humiliante à cette personne; et l’insistance avec laquelle l’accès a été refusé, témoignant d’une imperméabilité complète de la part du Club à toute approche rationnelle et constructive de la situation. La victime a droit à 5 000 $ en compensation des dommages moraux subis. Une somme de 1 000 $ est appropriée à titre de dommages exemplaires. Cependant, l’existence d’un lien de préposition de suffit pas, en soi, à établir la responsabilité de l’employeur pour les dommages exemplaires dont son employé est redevable. En l’absence d’une preuve suffisante quant à l’existence d’une politique discriminatoire de la part du Club concernant l’accès des personnes de couleur noire, on ne peut conclure à une atteinte illicite et intentionnelle de sa part.

Le texte intégral de la décision est disponible ici

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