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Summaries Sunday: SOQUIJ

Every week we present the summary of a decision handed down by a Québec court provided to us by SOQUIJ and considered to be of interest to our readers throughout Canada. SOQUIJ is attached to the Québec Department of Justice and collects, analyzes, enriches, and disseminates legal information in Québec.

PÉNAL (DROIT) : L’article 155 C.Cr., qui porte sur le crime d’inceste, peut s’appliquer aux rapports sexuels entre un père et son fils; il n’est pas réservé aux délits impliquant deux personnes de sexe différent.

Intitulé : Directeur des poursuites criminelles et pénales c. M.G., 2014 QCCQ 10602
Juridiction : Cour du Québec, Chambre criminelle et pénale (C.Q.), Saint-François (Sherbrooke), 450-01-085119-142
Décision de : Juge Claire Desgens
Date : 28 octobre 2014

PÉNAL (DROIT) — infraction — infractions de nature sexuelle — inceste — victime fils âgé de 15 ans — interprétation de l’article 155 C.Cr. — relation homosexuelle — sens courant des mots — historique de la disposition — interprétation de «inceste».

INTERPRÉTATION DES LOIS — interprétation contextuelle — article 155 C.Cr. — historique de la disposition — objet de la loi — sens courant des mots.

Accusation d’inceste en vertu de l’article 155 du Code criminel (C.Cr.). Déclaration de culpabilité.

On reproche à l’accusé d’avoir, entre le 1er mai et le 15 octobre 2013, commis l’inceste avec son fils, alors âgé de 15 ans. Il soutient que l’article 155 C.Cr. doit recevoir une interprétation restrictive et que, par conséquent, il ne s’applique qu’aux relations intrafamiliales de nature hétérosexuelle. L’alinéa 4 (5) de l’article prévoit que «les rapports sexuels sont complets s’il y a pénétration même au moindre degré et bien qu’il n’y ait pas émission de semence». Dans Ritter c. Lagacé (C.S., 1989-11-28), SOQUIJ AZ-90021077, J.E. 90-270, décision de la Cour supérieure rendue dans le contexte d’une requête en certiorari, le juge, après avoir considéré les définitions de «inceste» dans les dictionnaires, a conclu que, pour constituer un inceste, «il est essentiel de l’article 155 C.Cr. que la relation visée soit entre des personnes de sexe opposé».

Décision
Il n’y a aucun doute que l’accusé a bel et bien abusé de son fils biologique; ils ont eu au moins une relation sexuelle allant jusqu’à la pénétration anale. Ce geste constitue un rapport sexuel tel que défini à l’alinéa 4 (5) C.Cr., qui ne précise pas que la pénétration dont il y est fait mention doit être vaginale. Quant à savoir si l’article 155 C.Cr. s’applique à l’accusé ou si cette disposition ne vise que les situations d’infractions sexuelles commises dans un contexte intrafamilial, entre un homme et une femme, le texte de loi fait référence à «quiconque» a des rapports sexuels avec une «autre personne» sachant qu’elle y est liée par le sang commet un «inceste». Il ressort de l’historique de la disposition que, à l’origine, celle-ci visait à prohiber les relations incestueuses de nature à engendrer une procréation risquée mais, avec le temps, le libellé des infractions de nature sexuelle a subi des modifications substantielles, notamment par l’abolition des distinctions fondées sur le genre. C’est dans la foulée de ces modifications apportées au cours des années que le texte de l’article 155 C.Cr. doit être analysé. En vertu des règles d’interprétation des lois, lorsqu’un texte législatif est clair, il faut y voir une volonté du législateur que la disposition soit interprétée selon le sens courant des mots. La plupart des ouvrages de référence définissent l’inceste comme des «relations entre personnes de même sang». Ils ne font plus référence à la nécessité de la dimension hétérosexuelle des rapports. L’analyse de cette infraction doit se faire de manière contextuelle, les mots utilisés par le législateur étant d’ailleurs conformes à l’objet de la loi. Or, l’interprétation suggérée par la défense ferait en sorte qu’un père qui a une relation avec pénétration anale avec sa fille de moins de 16 ans commettrait l’inceste alors que, s’il agit de la même façon à l’égard de son fils, il s’expose à un chef d’accusation différent. Avec la décriminalisation de l’homosexualité et l’abrogation du concept de «grossière indécence», est également disparue une interprétation discriminatoire de l’inceste. L’argument voulant que la définition de l’inceste soit rattachée à l’institution du mariage ajoute au texte de loi. Ce que le législateur protège de façon très explicite, ce sont les liens de sang et les prohibitions qui en découlent. Le présent tribunal n’est pas lié par l’interprétation proposée dans Ritter. La règle du «stare decisis» n’est pas applicable, car ce jugement n’analyse que brièvement le sens à donner à l’infraction d’inceste, et ce, dans un tout autre contexte. Par conséquent, l’accusé a commis l’inceste à l’égard de son fils. Il est également déclaré coupable de contacts sexuels et d’incitation à des contacts sexuels.

Le texte intégral de la décision est disponible ici

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