Today

Summaries Sunday: SOQUIJ

Every week we present the summary of a decision handed down by a Québec court provided to us by SOQUIJ and considered to be of interest to our readers throughout Canada. SOQUIJ is attached to the Québec Department of Justice and collects, analyzes, enriches, and disseminates legal information in Québec.

PÉNAL (DROIT) : La tenue d’un nouveau procès est ordonnée dans le cas de l’accusé, reconnu coupable de menaces de causer la mort ou des lésions corporelles aux journalistes syriens pro-el-Assad et d’avoir conseillé à autrui de commettre un meurtre — qui n’a pas été commis — en raison d’un texte qu’il avait publié sur sa page Facebook.

Intitulé : Joad c. R., 2016 QCCA 1940
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Montréal, 500-10-005514-136 et 500-10-006038-150
Décision de : Juges Jacques Chamberland, Geneviève Marcotte et Mark Schrager
Date : 6 décembre 2016

PÉNAL (DROIT) — infraction — infractions contre la personne — proférer des menaces — menaces de causer la mort ou des lésions corporelles — publication d’un texte réclamant la mort de certains journalistes syriens — média social — Facebook — élément de l’infraction — intention — témoignage de l’accusé — obligation de motiver une décision — suffisance des motifs — tenue d’un nouveau procès.

PÉNAL (DROIT) — infraction — infractions contre la personne — meurtre — conseiller une infraction qui n’est pas commise (art. 464 C.Cr.) — publication d’un texte réclamant la mort de certains journalistes syriens — média social — Facebook — élément de l’infraction — intention — témoignage de l’accusé — obligation de motiver une décision — suffisance des motifs — tenue d’un nouveau procès.

Appel d’une déclaration de culpabilité. Accueilli; la tenue d’un nouveau procès est ordonnée. Requête pour permission d’interjeter appel de la peine déférée à la Cour sans objet.

En raison d’un texte qu’il a publié sur Facebook le ou vers le 1er décembre 2012, l’appelant a été accusé d’avoir transmis à autrui des menaces de causer la mort ou des lésions corporelles aux journalistes syriens appuyant Bachar el-Assad et d’avoir conseillé à autrui de commettre un meurtre, qui n’a pas été commis. La preuve du ministère public s’est limitée aux témoignages de l’enquêteur principal au dossier et de la responsable de la capture d’écran du compte Facebook où le texte incriminant a été publié. L’appelant a expliqué le sens du message qu’il a publié et a témoigné de ses intentions au moment de diffuser ce texte, qu’il a d’ailleurs supprimé de sa page Facebook dès qu’il s’est aperçu qu’il pouvait porter à confusion. Il a été reconnu coupable séance tenante. Le juge a expliqué que le texte publié sur Facebook invite clairement au meurtre, sans qu’il soit besoin d’autre preuve pour conclure à la commission des deux crimes reprochés à l’appelant. Ce dernier fait valoir l’insuffisance des motifs et reproche au juge de ne pas avoir appliqué adéquatement les principes propres à l’analyse de versions contradictoires ainsi que d’avoir permis le dépôt en preuve d’un document technologique sur support papier dont l’intégrité était manifestement altérée.

Décision

Les accusations sont sérieuses, l’infraction prévue à l’article 464 a) du Code criminel, soit conseiller de commettre un meurtre, pouvant exposer l’appelant à une peine maximale d’emprisonnement à perpétuité. Or, le juge a rendu sa décision oralement, séance tenante, au terme d’un très court procès mettant en cause une preuve très succincte de part et d’autre. Dans R. c. Boucher (C.S. Can., 2005-12-02), 2005 CSC 72, SOQUIJ AZ-50345329, J.E. 2005-2228, [2005] 3 R.C.S. 499, puis dans R. c. C.L.Y. (C.S. Can., 2008-01-25), 2008 CSC 2, SOQUIJ AZ-50467917, J.E. 2008-277, [2008] 1 R.C.S. 5, la Cour suprême a reconnu la réalité des jugements oraux dont les motifs sont souvent limités «à l’essentiel», mais encore faut-il que ces jugements soient suffisamment motivés pour «en permettre la compréhension par les parties et l’examen par les tribunaux». Or, le jugement dont appel ne respecte pas ces exigences minimales. En outre, quant à la mens rea respective pour chacune des infractions reprochées, le juge de première instance fait vaguement référence «aux éléments essentiels qui sont nécessaires pour que l’accusé soit déclaré coupable». Quant au reste, le juge s’en remet au texte publié sur Facebook, y voyant un texte «clairement incitatif», «complet par lui-même» et «très compréhensible» pour faire la preuve des éléments essentiels des deux crimes reprochés. Toutefois, le jugement est silencieux quant au témoignage de l’appelant alors que ce dernier, syrien de naissance, a expliqué que, lorsqu’il réclame la mort pour les journalistes qui défendent les actions du président el-Assad, c’est au terme d’un procès, d’où son utilisation de l’expression «peine capitale», la peine de mort existant en Syrie. Par ailleurs, dès qu’il a compris que son texte pouvait prêter à confusion, il l’a retiré de sa page Facebook. Il dit prôner la paix pour la Syrie. Or, le juge de première instance ne pouvait trancher la question de la mens rea pour l’une ou l’autre des deux accusations sans se pencher d’abord sur les explications de l’appelant. Celles-ci touchent l’interprétation même de son message et, en conséquence, ses intentions en écrivant ce texte. Le juge se devait, dans les circonstances, d’en traiter. L’intervention de la Cour est justifiée.

Le texte intégral de la décision est disponible ici

Comments are closed.