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Summaries Sunday: SOQUIJ

Every week we present the summary of a decision handed down by a Québec court provided to us by SOQUIJ and considered to be of interest to our readers throughout Canada. SOQUIJ is attached to the Québec Department of Justice and collects, analyzes, enriches, and disseminates legal information in Québec.

PÉNAL (DROIT) : La technique utilisée par la Gendarmerie royale du Canada pour obtenir des aveux de l’accusé, inculpé à l’issue de l’enquête d’avoir tenté de quitter le Canada pour la Syrie en vue d’intégrer l’organisation terroriste État islamiste en vertu de l’article 83.18 (1) C.Cr., est une opération de type Monsieur Big; la valeur probante des déclarations ainsi obtenues l’emportant sur les effets préjudiciables, celles-ci sont recevables en preuve.

Intitulé : R. c. Habib, 2017 QCCQ 1581
Juridiction : Cour du Québec, Chambre criminelle et pénale (C.Q.), Montréal, 500-73-004402-166 et 500-73-004401-168
Décision de : Juge Serge Délisle
Date : 6 mars 2017

PÉNAL (DROIT) — preuve pénale — recevabilité de la preuve — aveu — participation à une activité d’un groupe terroriste — intention de quitter le Canada pour se joindre au groupe État islamiste (art. 83.18 (1) C.Cr.) — technique d’enquête policière — opération de type Monsieur Big — absence de menace — absence de coercition — présomption d’irrecevabilité — démarche établie dans R. c. Hart (C.S. Can., 2014-07-31), 2014 CSC 52, SOQUIJ AZ-51096323, 2014EXP-2407, J.E. 2014-1373, [2014] 2 R.C.S. 544 — prépondérance des probabilités — force probante — fiabilité — effet préjudiciable.

PÉNAL (DROIT) — infraction — infractions contre l’ordre public — divers — participation à une activité d’un groupe terroriste — intention de quitter le Canada pour se joindre au groupe État islamiste — aveu — recevabilité de la preuve — technique d’enquête policière — opération de type Monsieur Big.

Décision sur voir-dire. La preuve est déclarée recevable.

La Gendarmerie royale du Canada (GRC) a entrepris une enquête et a décidé d’utiliser une technique par scénarios faisant appel à des agents d’infiltration dans le but d’obtenir une déclaration de l’accusé. Pour atteindre cet objectif, elle a créé une organisation criminelle de falsification de passeports et de passeurs. Plusieurs scénarios ont été élaborés. Au cours de ceux-ci, l’accusé a déclaré au moins deux fois vouloir quitter le Canada pour la Syrie en vue de se joindre à l’organisation terroriste État islamique (EI). Au terme de l’enquête, on lui a reproché d’avoir tenté de quitter le Canada, ou d’avoir tenté de monter dans un moyen de transport dans l’intention de quitter le Canada, dans le but de commettre un acte à l’étranger qui, s’il était commis au Canada, constituerait l’infraction visée à l’article 83.18 (1) du Code criminel (C.Cr.). Il est également accusé d’avoir fait une déclaration fausse ou trompeuse afin d’obtenir un passeport, en violation de l’article 57 (2) C.Cr. L’accusé soutient que la technique d’enquête utilisée est celle communément appelée «opération de type Monsieur Big» et que, par conséquent, la règle gouvernant l’admissibilité des aveux ainsi obtenus établie dans R. c. Hart (C.S. Can., 2014-07-31), 2014 CSC 52, SOQUIJ AZ-51096323, 2014EXP-2407, J.E. 2014-1373, [2014] 2 R.C.S. 544, doit s’appliquer.

Décision

Plusieurs éléments distinguent la présente opération policière des opérations de type Monsieur Big telles qu’elles étaient connues antérieurement à Hart. En outre, l’enquête sur l’accusé ne visait pas un crime grave passé mais plutôt la révélation ou la confirmation d’une intention. De plus, la GRC a raffiné la technique d’enquête et a éliminé toute forme de menace, de violence ou de coercition. Ensuite, l’accusé n’a pas été invité à intégrer l’organisation fictive et sa relation avec celle-ci était une relation d’affaires. Malgré ces distinctions, la technique utilisée correspond à une opération de type Monsieur Big. Cela dit, selon la règle de preuve établie dans Hart, la déclaration ainsi obtenue est présumée irrecevable et il revenait donc à la poursuite de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la valeur probante de la déclaration l’emporte sur son effet préjudiciable. Or, en l’espèce, l’accusé a déclaré deux fois vouloir quitter le Canada dans le but de se rendre en Syrie pour se joindre à l’EI, la seconde déclaration ayant été enregistrée sur bande vidéo. Lors d’une rencontre avec le patron de l’organisation fictive, il déclare notamment qu’il veut partir par conviction religieuse, que son but ultime se résume à aller en Syrie, qu’il s’en va là-bas pour combattre et qu’il fera partie du groupe EI. L’accusé n’était pas isolé socialement, dépourvu ou vulnérable. Plusieurs éléments de corroboration déposés en preuve, jumelés aux circonstances dans lesquelles les déclarations ont été faites et au degré de détails quant à la seconde, établissent que le seuil de fiabilité des déclarations est atteint. D’autre part, l’argument du défendeur voulant que l’effet préjudiciable soit important puisque c’est l’insistance du patron et son désir de répondre à ses attentes qui l’ont amené à faire les déclarations n’est pas retenu. D’abord, sa première déclaration n’a nullement été sollicitée et, ensuite, le patron a justifié son insistance par son souci des détails et pour la bonne marche de ses affaires, ce qui a rassuré l’accusé. Enfin, l’organisation fictive n’était pas la seule avenue explorée par l’accusé pour quitter le pays. Les circonstances des déclarations démontrent que ce dernier a été traité avec respect et civilité par le patron tout au cours de l’opération. Il n’existe aucune preuve permettant de conclure que les scénarios ont eu un effet coercitif sur l’accusé. Rien ne démontre qu’il a dit ou fait quelque chose qu’il ne voulait pas dire ou faire. Au contraire, il a semblé emballé par l’occasion qu’il avait de quitter le pays avec l’aide de l’organisation fictive et il a discuté de l’offre du patron de l’aider à concrétiser le départ d’un autre client de l’organisation. Rien ne permet de conclure que le patron lui a arraché les déclarations. La valeur probante des déclarations l’emporte donc sur les effets préjudiciables.

Le texte intégral de la décision est disponible ici

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