Today

Summaries Sunday: SOQUIJ

Every week we present the summary of a decision handed down by a Québec court provided to us by SOQUIJ and considered to be of interest to our readers throughout Canada. SOQUIJ is attached to the Québec Department of Justice and collects, analyzes, enriches, and disseminates legal information in Québec.

FAMILLE : Un adolescent de 16 ans a le droit de refuser de fournir une copie de ses passeports, de son certificat de citoyenneté et d’autres documents personnels du même genre à son père; le droit à la vie privée de l’adolescent l’emporte en l’espèce sur l’autorité parentale.

Intitulé : Droit de la famille — 192767, 2019 QCCS 5769
Juridiction : Cour supérieure (C.S.), Montréal
Décision de : Juge Claude Dallaire
Date : 2 décembre 2019

FAMILLE — autorité parentale — communication de documents — passeports, certificat de citoyenneté et documents personnels — adolescent de 16 ans — demande du père — opposition de l’adolescent — droit à la vie privée — autorité parentale du père.

DROITS ET LIBERTÉS — droits et libertés fondamentaux — vie privée — matière familiale — communication de documents — passeports, certificat de citoyenneté et documents personnels — adolescent de 16 ans — demande du père — opposition de l’adolescent — autorité parentale du père.

PERSONNES — minorité.

Demande en communication de documents. Rejetée.

X est âgé de 16 ans, ses parents sont en instance de divorce et il n’a pas de contacts avec son père. Ce dernier souhaite obtenir une copie de différents documents relatifs à l’adolescent, tels ses passeports, son certificat de citoyenneté et d’autres documents personnels du même genre. Il allègue que son autorité parentale lui accorderait d’office le droit d’obtenir de tels renseignements puisqu’ils visent son fils. Il fait aussi valoir que, si c’est le gouvernement fédéral qui établit les modalités de délivrance des passeports, il reviendrait ensuite au palier provincial — par la voie des dispositions relatives à l’autorité parentale du Code civil du Québec — d’en régir les modalités de détention lorsqu’un passeport est délivré au nom d’un mineur. La mère refuse de communiquer l’ensemble des informations demandées, par solidarité envers X. Elle prétend notamment que le père n’aurait pas le droit de constituer un dossier sur son fils sans raison valable, ce qu’il semble vouloir faire en demandant tous ces documents. Elle ajoute qu’accueillir une telle demande irait à l’encontre de plusieurs articles de lois touchant la protection de la vie privée et celle des renseignements personnels qui permettent d’identifier une personne. Elle fait aussi diverses analogies avec des dispositions du Code civil du Québec qui émancipent les mineurs à certains égards en retirant aux parents certains attributs de leur autorité parentale. Enfin, X fait valoir que son droit à la vie privée devrait faire échec aux demandes de son père et il fait aussi référence à des arguments avancés par sa mère.

Décision

Les droits d’un enfant d’obtenir un passeport et de voyager sont des sujets qui relèvent de l’autorité parentale. En l’espèce, il faut d’ailleurs noter que le père a consenti à ce que X voyage sans autorisation de manière générale. Une ordonnance a ensuite été rendue permettant à l’adolescent de voyager seul, sans le consentement de ses 2 parents. Une telle ordonnance entraîne divers effets, et X bénéficie maintenant d’un certain pouvoir de décider de ses allées et venues. Cette réalité est de nature à augmenter son expectative de vie privée puisqu’il peut maintenant aller où bon lui semble sans demander la permission de ses parents. On peut se demander pour quelle raison il devrait être forcé de remettre une copie de ses passeports à son père puisque ceux-ci peuvent indiquer les lieux où il se déplace et les moments où il a voyagé. L’article 2 du Décret sur les passeports canadiens prévoit que, à partir de 16 ans, un adolescent a le droit d’obtenir un passeport sans l’autorisation de ses parents. En permettant cela, le législateur fédéral crée un nouveau cas d’émancipation partielle en faveur de l’enfant mineur âgé de 16 ans et plus. Cette autonomie, qui est aussi accordée dans d’autres sphères de la vie des enfants mineurs — obtention d’un numéro d’assurance sociale, consentement aux soins de santé et conclusion d’un contrat de travail — vient aussi augmenter l’expectative de vie privée à l’égard de ces matières, car elle s’accompagne d’une obligation de confidentialité imposée aux personnes qui interagissent avec des adolescents lorsque des renseignements personnels et de nature privée leur sont communiqués. Cette obligation protège des informations personnelles qui bénéficient de la protection de l’article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne et empêche aussi à quiconque d’y accéder ou d’en obtenir des copies, y compris les parents, dans certaines circonstances. En l’espèce, X a fourni plusieurs informations personnelles aux autorités compétentes en vue d’obtenir certains documents. Il a le droit de garder les informations contenues dans son passeport pour lui-même. Il aurait pu en être autrement si son intérêt supérieur commandait de faire une brèche dans son droit à la vie privée, ce qui n’a pas été établi en l’espèce.

En ce qui concerne la possibilité de constituer un dossier sur un enfant ou un adolescent, une autorisation en ce sens ne peut être accordée que lorsqu’une personne démontre qu’elle a un intérêt sérieux, légitime et non contraire à la loi de le faire. Or, le seul fait d’être le père d’un enfant, bien qu’il satisfasse au critère de la légitimité, ne remplit pas le critère de l’intérêt sérieux. La demande du père est donc contraire aux lois qui protègent la vie privée de X. Non seulement elle viole l’article 5 de la charte, mais l’adolescent s’oppose à la demande de communication.

Le texte intégral de la décision est disponible ici

Comments are closed.