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Summaries Sunday: SOQUIJ

Every week we present the summary of a decision handed down by a Québec court provided to us by SOQUIJ and considered to be of interest to our readers throughout Canada. SOQUIJ is attached to the Québec Department of Justice and collects, analyzes, enriches, and disseminates legal information in Québec.

PÉNAL (DROIT) : La tenue d’un nouveau procès est ordonnée notamment pour les motifs suivants: l’exclusion apparente par le juge des infractions d’avoir conduit avec les facultés affaiblies et de celles prévues au Code de la sécurité routière des infractions pouvant donner lieu à une conclusion de profilage racial; son omission de prendre en considération la perception d’une personne raisonnable se trouvant dans la même situation que celle où se trouvait l’appelant; et la connaissance d’office du profilage racial et de ses manifestations.

Intitulé : R. c. Dorfeuille, 2020 QCCS 1499
Juridiction : Cour supérieure (C.S.), Montréal
Décision de : Juge Guy Cournoyer
Date : 11 mai 2020

PÉNAL (DROIT) — infraction — infractions routières — alcoolémie — alcoolémie supérieure à la limite permise — déclaration de culpabilité — appel — droit à la protection contre la détention ou l’emprisonnement arbitraires — détention arbitraire — pouvoir policier — arrestation au hasard — circonstances à l’origine du contact avec le policier — nature de la conduite du policier — caractéristiques ou situation particulière de la personne — contexte social — interprétation de «profilage racial» — connaissance d’office — critère de la personne raisonnable — recevabilité de la preuve — tenue d’un nouveau procès.

PÉNAL (DROIT) — preuve pénale — exclusion de la preuve — rejet — appel — droit à la protection contre la détention ou l’emprisonnement arbitraires — alcoolémie supérieure à la limite permise — déclaration de culpabilité — appel — détention arbitraire — pouvoir policier — arrestation au hasard — circonstances à l’origine du contact avec le policier — nature de la conduite du policier — caractéristiques ou situation particulière de la personne — contexte social — interprétation de «profilage racial» — connaissance d’office — critère de la personne raisonnable — tenue d’un nouveau procès.

PÉNAL (DROIT) — garanties fondamentales du processus pénal — droit à la protection contre la détention ou l’emprisonnement arbitraires — alcoolémie supérieure à la limite permise — déclaration de culpabilité — appel — détention arbitraire — pouvoir policier — arrestation au hasard — circonstances à l’origine du contact avec le policier — nature de la conduite du policier —caractéristiques ou situation particulière de la personne — contexte social — interprétation de «profilage racial» — connaissance d’office — critère de la personne raisonnable — recevabilité de la preuve — tenue d’un nouveau procès.

DROITS ET LIBERTÉS — droits judiciaires — personne arrêtée ou détenue — droit à la protection contre la détention ou l’emprisonnement arbitraires — alcoolémie supérieure à la limite permise — déclaration de culpabilité — appel — détention arbitraire — pouvoir policier — arrestation au hasard — circonstances à l’origine du contact avec le policier — nature de la conduite du policier —caractéristiques ou situation particulière de la personne — contexte social — interprétation de «profilage racial» — connaissance d’office — critère de la personne raisonnable — recevabilité de la preuve — tenue d’un nouveau procès.

Appel d’une déclaration de culpabilité. Accueilli; la tenue d’un nouveau procès est ordonnée.

Interpellé pour avoir conduit une automobile en ayant une alcoolémie supérieure à la limite permise, l’accusé appelant a été accueilli au poste de police par les paroles suivantes: «Ah, regarde, c’est Tiger Woods qui s’en vient.» Le juge de première instance a estimé que les infractions de conduite avec les facultés affaiblies et les contraventions aux règles de la sécurité routière ne peuvent être associées à un groupe ethnique en particulier. Le juge a également conclu que la race ou l’origine ethnique de l’appelant n’avait pas joué de rôle dans les décisions des policiers de l’interpeller, de le détenir et de l’arrêter. Il a donc rejeté la contestation de ce dernier selon laquelle son interpellation et sa détention résultaient d’un profilage racial. Au soutien du pourvoi à l’encontre de sa condamnation, l’appelant invoque 3 moyens d’appels: 1) des erreurs de droit quant au rejet de la demande d’exclusion de la preuve fondée sur l’article 24 (2) de la Charte canadienne des droits et libertés; 2) l’omission du juge de tenir compte des éléments de preuve importants et favorables qui se rapportaient à la preuve circonstancielle relative au profilage racial; et 3) le rejet d’une demande de réouverture d’enquête en raison de la destruction d’un enregistrement vidéo.

Décision

Le profilage racial se produit lorsque la race ou des stéréotypes raciaux associés à la criminalité ou à la dangerosité sont dans une certaine mesure utilisés, consciemment ou inconsciemment, dans la sélection de suspects ou le traitement accordé à des personnes. En l’espèce, le juge n’avait pas le bénéfice de la décision de la Cour suprême dans R. c. Le (C.S. Can., 2019-05-31), 2019 CSC 34, SOQUIJ AZ-51600230, 2019EXP-1537, qui représente la première décision substantielle ayant porté sur la question du profilage racial entourant les interventions policières. Or, le cadre d’analyse visant le profilage racial comporte 2 volets. Le premier vise l’«attitude» et se rapporte au fait qu’une personne en situation d’autorité accepte que la race ou les stéréotypes raciaux soient pertinents pour déterminer la propension d’une personne à commettre un crime ou à être dangereuse. Le second volet touche le «lien de causalité» et requiert que le raisonnement fondé sur la race motive ou influence dans une certaine mesure, que ce soit consciemment ou non, les décisions prises par les personnes en situation d’autorité dans le choix des suspects ou le traitement accordé à des personnes. Ainsi, lorsque la race ou les stéréotypes raciaux interviennent dans quelque mesure que ce soit dans le choix de suspects ou le traitement accordé à des personnes, il n’y a aucun soupçon raisonnable ni motif raisonnable. La décision découle alors de profilage racial. Par ailleurs, si l’état d’esprit d’un policier constitue un élément important à prendre en considération, la conduite postérieure de ce dernier, y compris les remarques qu’il a formulées, peut également servir de preuve circonstancielle quant à son état d’esprit antérieur.

En l’espèce, le juge a rejeté la perception subjective de l’appelant voulant qu’il ait été victime de profilage racial, mais il n’a pas évalué la perception qu’aurait eue une personne raisonnable à la place de ce dernier, soit un élément fondamental de l’analyse formulée dans Le. D’autre part, cet arrêt n’exclut d’emblée aucune infraction de celles à l’égard desquelles du profilage racial peut se manifester à l’occasion d’une intervention policière. En conséquence, l’exclusion apparente par le juge de l’infraction de conduite avec les facultés affaiblies et des infractions aux règles de la sécurité routière de celles qui peuvent justifier une conclusion de profilage racial motivent aussi la tenue d’un nouveau procès. Il en va de même des éléments suivants: la connaissance d’office du profilage racial et de ses manifestations; la question du fardeau de la preuve et de savoir si l’interpellation résulte, dans une certaine mesure, de profilage racial; l’omission d’évaluer globalement les inférences à tirer de la preuve circonstancielle et non seulement de la preuve directe, notamment au sujet des allées et venues de l’appelant; l’intervention effectuée auprès de l’autre automobiliste; et l’utilisation des menottes.

Les commentaires racistes entendus par l’appelant lors de son arrivée au poste de police ne justifient peut-être pas la conclusion selon laquelle son interpellation et sa détention ont résulté d’un profilage racial. Toutefois, l’effet des interventions policières excessives à l’égard des personnes issues des minorités raciales et du fichage des membres de ces collectivités constitue plus qu’un simple désagrément. À cet égard, tel qu’il est énoncé dans Le, le fichage a un effet néfaste sur la santé physique et mentale des personnes visées ainsi qu’une incidence sur leurs possibilités d’emploi et d’éducation. De plus, «cette pratique contribue à l’exclusion sociale continue des minorités raciales, favorise une perte de confiance dans l’équité du système de justice pénale et perpétue la criminalisation».

Le texte intégral de la décision est disponible ici

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