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Summaries Sunday: SOQUIJ

Every week we present the summary of a decision handed down by a Québec court provided to us by SOQUIJ and considered to be of interest to our readers throughout Canada. SOQUIJ is attached to the Québec Department of Justice and collects, analyzes, enriches, and disseminates legal information in Québec.

PROFESSIONS : Les défendeurs — Maison Jacynthe inc., Actumus inc. et un naturopathe — sont déclarés coupables d’avoir agi de manière à donner lieu de croire qu’ils étaient autorisés à exercer la médecine, en violation de l’article 32 C.prof.

Intitulé : Collège des médecins du Québec c. Limoges, 2021 QCCQ 1874
Juridiction : Cour du Québec, Chambre criminelle et pénale (C.Q.), Montréal
Décision de : Juge Nathalie Duchesneau
Date : 23 mars 2021

PROFESSIONS — infractions pénales — médecin — avoir donné lieu de croire être autorisé à exercer la médecine — iridologie — irrigation et lavement du côlon — recommandation — publication d’informations — vidéos — site Internet — média social — Facebook — naturopathe — infraction de responsabilité stricte — preuve hors de tout doute raisonnable.

PÉNAL (DROIT) — infraction — autres infractions pénales — article 32 C.prof. — avoir donné lieu de croire être autorisé à exercer la médecine — irrigation et lavement du côlon — iridologie — recommandation — publication d’informations — vidéos — site Internet — média social — Facebook — naturopathe.

Accusations d’avoir donné lieu de croire être autorisé à exercer la médecine. Déclarations de culpabilité.

Les défendeurs font face à 5 chefs d’accusation leur reprochant d’avoir agi ou publié des informations de manière à donner lieu de croire qu’ils étaient autorisés à exercer la médecine, le tout en violation de l’article 32 du Code des professions (C.prof.). Le défendeur Limoges, naturopathe de formation et iridologue, est actionnaire avec la défenderesse Maison Jacynthe inc. de la défenderesse Actumus inc., faisant affaire sous le nom de Clinique L’Aube. Il est également le directeur général et président-fondateur de cette clinique, qui possède 2 salles d’irrigation exploitées par 2 naturopathes formées en hydrothérapie. Il est plus précisément reproché aux défendeurs Limoges et Maison Jacynthe d’avoir, dans le contexte de 2 vidéos diffusées les 8 septembre et 20 octobre 2018, commis l’infraction prévue à l’article 188 C.prof. Cette même infraction est également reprochée à Actumus, à la date du 6 décembre, en raison d’éléments contenus sur le site Internet de la clinique.

Décision

La Loi médicale, qui établit le champ d’exercice exclusif de la profession médicale, vise la protection du public. Il s’agit d’une loi d’ordre public qui doit être interprétée de manière stricte. L’infraction d’avoir agi de manière à donner lieu de croire que l’on est autorisé à exercer les actes réservés aux médecins s’évalue en fonction du contexte établi par la preuve circonstancielle et exige la démonstration non pas de l’exercice illégal d’une activité réservée, mais bien de gestes et de propos ambigus ou enclins à créer une confusion pouvant induire une personne raisonnable à croire que l’on est autorisé à pratiquer une profession d’exercice exclusif. Il ne revient pas au public de «départager ce qui est exclusif ou non» (Chambre des notaires du Québec c. Gagné (C.S., 1992-12-18), SOQUIJ AZ-93021107, J.E. 93-319). De plus, la présence d’un avertissement ou d’une mise en garde ne suffit pas à effacer les comportements ou les propos laissant croire qu’une personne est autorisée à exercer la médecine. Au Québec, la naturopathie n’est pas encadrée par un ordre professionnel et il a déjà été reconnu que le fait de poser des diagnostics ainsi que de recommander divers produits naturels ou des changements dans le style de vie constituait un exercice illégal de la médecine. Il en va de même pour la recommandation de l’irrigation ou d’un lavement du côlon dans le but de pallier diverses déficiences de santé ainsi que de l’iridologie afin de déterminer les maux dont souffre une personne. Diagnostiquer les maladies et déterminer le traitement médical ainsi que le prescrire constituent des actes réservés. Tout acte accompli dans l’intention de guérir ou de soulager une maladie par des moyens physiques ou moraux équivaut à un traitement médical. Le mot «prescrire» correspond, dans son sens courant, au mot «recommander» et suppose que cette recommandation est faite de manière verbale ou écrite.

La culpabilité des défendeurs a été démontrée hors de tout doute raisonnable. En ce ce qui concerne Actumus, la pratique de l’iridologie représente un processus médical, soit un jugement sur l’état de santé et, ce faisant, cela équivaut précisément à poser un diagnostic au sens de l’article 31 de la Loi médicale. Quant à Limoges, l’utilisation par ce dernier de termes médicaux accompagnés d’explications complètes ainsi que ses références aux conférences et aux enseignements qu’il donne à l’extérieur du pays sont des éléments contextuels pouvant donner un simulacre de légitimité et une apparence d’autorité à ses propos. Pour un profane, il peut sembler être un professionnel de la santé qui possède l’autorité nécessaire pour recommander un traitement ou un autre. Or, suggérer à une personne de se procurer ou de consommer certains produits pour nettoyer des organes «encrassés» afin d’amener un soulagement, c’est poser un diagnostic pour ensuite prescrire des médicaments ou des traitements. Lorsqu’il prône et recommande l’irrigation du côlon, le défendeur le fait à titre de remède ou de traitement à l’égard de déficiences de la santé déterminées et expliquées, sur lesquelles il a préalablement posé son jugement. Par ailleurs, l’irrigation du côlon représente une technique dite «invasive» et, en conséquence, exclusive.

Enfin, pour ce qui est de Maison Jacynthe, sa porte-parole, dans les vidéos en direct destinées à répondre aux questions du public, ne se limite pas à un rôle de simple animatrice. En plus de confirmer les propos de Limoges, elle fournit des conseils, attribue des bienfaits à l’irrigation et la recommande. À l’écoute des propos tenus, toute personne raisonnable peut supposer que les défendeurs Limoges et Maison Jacynthe, par la voix de sa porte-parole, diagnostiquent des conditions de l’intestin, conseillent des traitements médicaux pour les soigner et possèdent l’autorité voulue pour agir ainsi.

Le texte de la décision est disponible ici

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