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Summaries Sunday: SOQUIJ

Every week we present the summary of a decision handed down by a Québec court provided to us by SOQUIJ and considered to be of interest to our readers throughout Canada. SOQUIJ is attached to the Québec Department of Justice and collects, analyzes, enriches, and disseminates legal information in Québec.

PÉNAL (DROIT) : Les requérants, qui ont omis d’invoquer en première instance l’inconstitutionnalité de la Loi sur la responsabilisation des contrevenants à l’égard des victimes, laquelle prévoit notamment l’imposition de suramendes compensatoires, ne pourront le faire en appel.

Intitulé : R. c. Cloud, 2014 QCCA 1680
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Montréal, 500-10-005575-145 et autres
Décision de : Juges Allan R. Hilton et François Doyon; Nicole Duval Hesler (juge en chef)
Date : 17 septembre 2014

PÉNAL (DROIT) — procédure pénale — procédure fédérale — appel de la poursuite — peine — requête des accusés — nouvelle question soumise en appel — constitutionnalité — Loi sur la responsabilisation des contrevenants à l’égard des victimes — suramende compensatoire — application de R. c. Brown (C.S. Can., 1993-08-12), SOQUIJ AZ-93111093, J.E. 93-1438, [1993] 2 R.C.S. 918 — circonstances exceptionnelles — droits garantis aux articles 7 et 12 de la Charte canadienne des droits et libertés — suffisance de la preuve — choix stratégique — déni de justice.

PÉNAL (DROIT) — détermination de la peine — principes généraux — nature des peines — suramende compensatoire — constitutionnalité — Loi sur la responsabilisation des contrevenants à l’égard des victimes — nouvelle question soumise en appel — application de R. c. Brown (C.S. Can., 1993-08-12), SOQUIJ AZ-93111093, J.E. 93-1438, [1993] 2 R.C.S. 918 — circonstances exceptionnelles — droits garantis aux articles 7 et 12 de la Charte canadienne des droits et libertés — suffisance de la preuve — choix stratégique — déni de justice.

Requête pour permission de soulever une nouvelle question constitutionnelle. Rejetée, avec dissidence.

Les requérants ont tous plaidé coupables sous diverses accusations qui entraînent obligatoirement le paiement de la suramende compensatoire en vertu de l’article 737 du Code criminel. Depuis le 24 octobre 2013, date d’entrée en vigueur de la Loi sur la responsabilisation des contrevenants à l’égard des victimes, la suramende compensatoire représente 30 % de l’amende imposée ou, s’il n’y a pas d’amende, de 100 $ pour une infraction sommaire ou encore de 200 $ pour un acte criminel. La Cour n’a plus le pouvoir discrétionnaire d’en dispenser le délinquant. En cas d’incapacité de payer, celui-ci peut effectuer des travaux compensatoires. La poursuite se pourvoit à l’encontre des peines imposées aux requérants, invoquant l’erreur commise par les juges de première instance au moment d’appliquer les dispositions portant sur la suramende compensatoire. Elle soutient que, d’une certaine façon, les juges auraient refusé de donner plein effet à la loi. Les requérants demandent la permission d’invoquer en appel un nouvel argument, à savoir l’inconstitutionnalité de la loi, qui enfreindrait la protection conférée par les articles 12 et 7 de la Charte canadienne des droits et libertés. Ils veulent être autorisés à signifier à la procureure générale du Québec, de même qu’au procureur général du Canada, l’avis requis notamment par l’article 95 du Code de procédure civile.

Décision
M. le juge Dalphond, à l’opinion duquel souscrit le juge Hilton: La règle générale veut qu’il soit interdit d’invoquer de nouveaux arguments en appel, sauf en présence de circonstances exceptionnelles (R. c. Brown, (C.S. Can., 1993-08-12), SOQUIJ AZ-93111093, J.E. 93-1438, [1993] 2 R.C.S. 918). La preuve doit alors être suffisante pour trancher la nouvelle question, et la décision de l’accusé de ne pas la soulever ne doit pas découler d’un choix stratégique. Par ailleurs, la Cour doit s’assurer qu’il ne découlera aucun déni de justice si la nouvelle question n’est pas examinée en appel. Cela dit, en l’espèce, les requérants avaient choisi de ne pas présenter d’arguments constitutionnels en première instance. D’autre part, autoriser l’ajout de l’argument serait injuste pour la Couronne, qui ne pourrait administrer une preuve complète, tant à l’égard de la violation des droits que de l’application de l’article 1 de la charte. Les requérants devraient eux-mêmes compléter leur preuve en ce qui a trait à la violation de leurs propres droits. Leur stratégie aurait été fort différente si la contestation constitutionnelle avait eu lieu en première instance. Toute cette preuve, sous forme notamment de témoignages, devrait être présentée en appel. Or, la crédibilité des témoins serait en cause et la Cour n’aurait même pas le bénéfice d’un jugement de première instance portant sur cet aspect du litige. Par ailleurs, lorsque les requérants ont plaidé coupables, ils savaient que la loi était en vigueur et que, sans déclaration d’inconstitutionnalité, une suramende compensatoire serait imposée. Il n’y a rien d’injuste à ce qu’ils soient forclos d’invoquer maintenant l’invalidité d’une loi dont ils connaissaient parfaitement les conséquences.

Mme la juge en chef Duval Hesler, dissidente: En règle générale, il est interdit de présenter un nouveau moyen en appel. Seules des circonstances particulières justifient une dérogation à cette pratique. Or, le jugement rendu dans R. v. Tinker, 2014 ONCJ 208, qui a déclaré inconstitutionnelle la suramende compensatoire le 23 avril 2014, soit après les jugements a quo, est cette circonstance qui permet de considérer ce nouveau moyen en appel. Par ailleurs, les trois conditions établies dans Brown sont remplies. En outre, à l’instar de R. c. Broyles (C.S. Can., 1991-11-28), SOQUIJ AZ-92111003, J.E. 92-17, [1991] 3 R.C.S. 595, les éléments de preuve aux dossiers suffisent à l’analyse de la proportionnalité de la peine en vertu des articles 7 et 12 de la charte. Cette question a été débattue sous un angle différent mais compatible avec le nouveau moyen. Par ailleurs, l’absence de preuve requise pour l’analyse de l’article premier de la charte n’est pas fatale. Les éléments dont la Couronne déplore l’absence (débats parlementaires, preuve statistique, étude criminologique) sont souvent présentés en appel pour la première fois. D’autre part, on ne peut qualifier de choix stratégique l’omission de plaider l’inconstitutionnalité de la suramende obligatoire en première instance. Il y a lieu de distinguer les présents cas de Brown, où l’appelant avait expressément renoncé à présenter un argument constitutionnel. Enfin, empêcher les requérants d’invoquer leurs droits fondamentaux afin de contrer l’appel du ministère public est contraire à l’intérêt de la justice. La jurisprudence sur la question évolue rapidement et au moins un jugement a déclaré la suramende compensatoire inconstitutionnelle. Le refus de considérer ce moyen entraînerait un déni de justice. Les requérants devraient pouvoir bénéficier de la déclaration d’inconstitutionnalité ultérieure au jugement d’instance et rendue avant l’audition de l’appel.

Le texte intégral de la décision est disponible ici

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