Summaries Sunday: SOQUIJ
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ACTION COLLECTIVE (RECOURS COLLECTIF) : Contrairement aux prétentions des appelantes, le recours de l’intimée n’est pas prescrit car, depuis la modification de l’article 2926.1 C.C.Q. en juin 2020, le recours de la victime d’un préjudice corporel résultant d’une agression à caractère sexuel est imprescriptible, et ce, sans égard à tout délai de prescription applicable avant l’entrée en vigueur de la loi modificatrice.
Intitulé : Watch Tower Bible and Tract Society of Pennsylvania c. A, 2020 QCCA 1701
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Montréal
Décision de : Juges Yves-Marie Morissette, Dominique Bélanger et Lucie Fournier
Date : 11 décembre 2020
ACTION COLLECTIVE (RECOURS COLLECTIF) — procédure — autorisation — membres — Témoins de Jéhovah — agression sexuelle — devoir de protection — prescription extinctive — modification apportée à l’article 2926.1 C.C.Q. — effet de la Loi modifiant le Code civil pour notamment rendre imprescriptibles les actions civiles en matière d’agression à caractère sexuel, de violence subie pendant l’enfance et de violence conjugale — recours imprescriptible — suffisance des allégations — qualité du représentant — appel — norme d’intervention.
ACTION COLLECTIVE (RECOURS COLLECTIF) — procédure — moyens préliminaires — exception déclinatoire — droit international — compétence des tribunaux québécois — défendeur étranger — congrégation religieuse — Témoins de Jéhovah — préjudice subi au Québec — lien de rattachement — production et diffusion de documentation.
INTERNATIONAL (DROIT) — compétence des tribunaux — tribunaux québécois — défendeur étranger — congrégation religieuse — Témoins de Jéhovah — préjudice subi au Québec — lien de rattachement — production et diffusion de documentation.
Appels d’un jugement de la Cour supérieure ayant rejeté une demande en exception déclinatoire et ayant accueilli une demande d’autorisation d’exercer une action collective. Rejetés.
Ayant été agressée sexuellement alors qu’elle était mineure, l’intimée a obtenu l’autorisation d’exercer une action collective contre les appelantes, leur reprochant leur omission de protection. La juge de première instance a par ailleurs rejeté la demande en exception déclinatoire formulée par l’appelante Watch Tower Bible and Tract Society of Pennsylvania (WTPA). En appel, celle-ci soutient que la juge a commis une erreur en concluant à la compétence de la Cour supérieure puisque la faute invoquée n’aurait pas été commise au Québec et qu’aucun dommage subi au Québec ne serait tributaire de cette faute, contrairement aux exigences prévues à l’article 3148 paragraphe 3 du Code civil du Québec (C.C.Q.). Les appelantes prétendent également que la demande d’autorisation de l’action collective aurait dû être rejetée puisque les conditions prévues à l’article 575 du Code de procédure civile (C.P.C.) ne seraient pas remplies.
Décision
Mme la juge Fournier: D’une part, la juge n’a pas commis d’erreur en rejetant l’exception déclinatoire et en concluant que le préjudice dont l’intimée impute la faute à WTPA a été subi au Québec. En effet, la Cour suprême a déjà décidé que même un préjudice indirect constitue un facteur de rattachement pour établir la compétence d’un tribunal québécois (Spar Aerospace Ltée c. American Mobile Satellite Corp. (C.S. Can., 2002-12-06), 2002 CSC 78, SOQUIJ AZ-50154091, J.E. 2003-59, [2002] 4 R.C.S. 205, paragr. 36) et que ce lien serait suffisant indépendamment du situs de la faute ou du fait dommageable (Infineon Technologies AG c. Option consommateurs (C.S. Can., 2013-10-31), 2013 CSC 59, SOQUIJ AZ-51014011, 2013EXP-3509, J.E. 2013-1903, [2013] 3 R.C.S. 600, paragr. 45). Par ailleurs, la question de la compétence doit être examinée dans le contexte de la demande d’autorisation, où l’intimée n’a qu’un fardeau de démonstration, et en tenant compte du fait que cette même question pourra être soulevée de nouveau au fond. Ainsi, l’allégation d’un préjudice subi par l’intimée au Québec résultant des fautes de WTPA est suffisante pour établir la compétence de la Cour supérieure.
D’autre part, la juge n’a pas erré dans son analyse des conditions prévues à l’article 575 C.P.C. pour l’autorisation de l’action collective. À cet égard, les appelantes ont notamment fait valoir que l’intimée n’avait pas démontré de cause d’action défendable puisque son recours était prescrit. Toutefois, l’article 2926.1 C.C.Q. a été modifié en juin 2020 et offre dorénavant l’imprescriptibilité du recours à la victime d’un préjudice corporel résultant d’une agression à caractère sexuel, et ce, sans égard à tout délai de prescription applicable avant l’entrée en vigueur de la Loi modifiant le Code civil pour notamment rendre imprescriptibles les actions civiles en matière d’agression à caractère sexuel, de violence subie pendant l’enfance et de violence conjugale (art. 4). Au surplus, l’argument selon lequel l’article 2926.1 C.C.Q. ne s’applique pas en l’espèce ne peut être retenu à l’étape de l’autorisation puisque l’intimée relie les dommages moraux qu’elle a vécus à l’omission de protection et de réconfort des appelantes à la suite des agressions sexuelles dont elle a été victime. La juge n’a donc pas commis d’erreur lorsqu’elle a conclu que le préjudice allégué de l’intimée est lié «de façon intrinsèque aux agressions sexuelles dont elle a été victime» (paragr. 35). Elle n’a pas non plus erré en précisant qu’il reviendra au juge du fond de décider si l’absence de protection alléguée est distincte et séparée de l’agression sexuelle et devrait être analysée de façon autonome, ce qui exclurait l’application de l’article 2926.1 C.C.Q.
Le texte intégral de la décision est disponible ici
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