Summaries Sunday: SOQUIJ
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PÉNAL (DROIT) : Le juge de première instance, qui a imposé une peine de 8 mois d’emprisonnement à l’accusé, dont la conduite dangereuse avait causé la mort d’un motocycliste, a erré en orientant sa décision uniquement en fonction de la conséquence tragique du délit et en évacuant les principes de la réhabilitation; la Cour substitue à cette peine une peine d’emprisonnement à purger dans la collectivité.
Intitulé : Rondeau c. R., 2024 QCCA 1372
Juridiction : Cour d’appel (C.A.), Montréal
Décision de : Juges Martin Vauclair, Jocelyn F. Rancourt et Michel Beaupré
Date : 15 octobre 2024
Résumé
PÉNAL (DROIT) — détermination de la peine — infractions routières — conduite dangereuse — conduite dangereuse causant la mort — motocycliste — gravité de la conséquence — gravité objective de l’infraction — facteurs atténuants — absence d’antécédents judiciaires — âge de l’accusé — bonne réputation — emploi stable — soutien familial — responsabilité morale — réhabilitation — dissuasion — détention — appel — erreur de principe — substitution de la peine — condamnation avec sursis — ordonnance de purger sa peine dans la collectivité.
PÉNAL (DROIT) — détermination de la peine — principes généraux — nature des peines — condamnation avec sursis — ordonnance de purger sa peine dans la collectivité — conduite dangereuse causant la mort — gravité de la conséquence — gravité objective de l’infraction — facteurs atténuants — absence d’antécédents judiciaires — âge de l’accusé — bonne réputation — emploi stable — soutien familial — responsabilité morale — réhabilitation — dissuasion — détention — modification législative — appel — erreur de principe — substitution de la peine.
PÉNAL (DROIT) — détermination de la peine — principes généraux — buts recherchés dans l’imposition d’une peine — réhabilitation — dissuasion — conduite dangereuse causant la mort — gravité de la conséquence — gravité objective de l’infraction — facteurs atténuants — absence d’antécédents judiciaires — âge de l’accusé — bonne réputation — emploi stable — soutien familial — responsabilité morale — détention — appel — erreur de principe — substitution de la peine — condamnation avec sursis — ordonnance de purger sa peine dans la collectivité.
PÉNAL (DROIT) — infraction — infractions routières — conduite dangereuse — conduite dangereuse causant la mort — motocycliste — procès devant jury — directives du juge au jury — suffisance des directives — résumé des témoignages — état d’esprit — écart marqué par rapport à la norme de diligence de la personne raisonnable — erreur de fait — lien de causalité — absence de préjudice — déclaration de culpabilité — appel — absence d’erreur — caractère raisonnable du verdict.
PÉNAL (DROIT) — procédure pénale — procédure fédérale — procès devant jury — déclaration de culpabilité — conduite dangereuse causant la mort — appel — directives du juge au jury — suffisance des directives — résumé des témoignages — état d’esprit — écart marqué par rapport à la norme de diligence de la personne raisonnable — erreur de fait — lien de causalité — absence de préjudice — absence d’erreur — caractère raisonnable du verdict.
PÉNAL (DROIT) — détermination de la peine — principes généraux — ordonnances — amende (art. 320.21 a) C.Cr.) — peine minimale — absence de peine obligatoire — ordonnance d’interdiction de conduire — conduite dangereuse causant la mort.
Appel d’une déclaration de culpabilité. Rejeté. Demande pour modifier la requête, requête en autorisation d’appel et appel de la peine. Accueillis; une peine d’emprisonnement avec sursis de 12 mois est substituée à la peine d’emprisonnement de 8 mois ayant été prononcée en première instance.
Après avoir aperçu une famille de canards qui traversaient la chaussée, l’accusé a arrêté son véhicule à l’entrée d’une courbe, puis il a entrepris une manoeuvre pour les contourner, de sorte que son véhicule s’est retrouvé dans la voie opposée et a ainsi créé un obstacle incontournable pour le motocycliste qui arrivait en sens inverse à haute vitesse et qui est décédé sur le coup. Au terme d’un procès devant jury, l’appelant a été déclaré coupable de conduite dangereuse causant la mort. Le juge de première instance lui a infligé une peine de 8 mois d’emprisonnement ainsi qu’une amende de 1 000 $ et lui a interdit de conduire tout véhicule à moteur pour une durée de 3 ans. L’appelant conteste le verdict; il soutient que le juge a erré dans ses directives au jury. Essentiellement, il prétend que les directives, dans lesquelles le juge a procédé à un résumé en bloc des témoignages, n’ont pas permis au jury de comprendre et d’analyser son état d’esprit. De plus, les directives seraient silencieuses quant à l’erreur de fait et à l’aspect involontaire du franchissement de la ligne médiane. Il conteste en outre la peine d’emprisonnement qui lui a été imposée. Il invoque plusieurs erreurs qui entachent la démarche du juge.
Décision
M. le juge Vauclair:
Appel du verdict
Le juge a résumé plutôt machinalement les témoignages. Cette façon de rappeler les témoignages peut facilement s’avérer imparfaite puisqu’elle comporte le risque de ne pas rattacher adéquatement la preuve au droit. Néanmoins, en cette matière, la règle n’est pas stricte et le juge n’est tenu à aucune formulation particulière dans ses directives. L’exercice s’évalue en fonction des circonstances de l’affaire ainsi que de sa nature et des questions soulevées. En l’espèce, l’appelant ne démontre pas que les directives lui ont causé un préjudice. Pour ce qui est de l’erreur de fait, sa thèse ne résiste pas à l’analyse. Enfin, le juge n’a pas erré lorsqu’il a terminé ses directives sur la question du lien causal en invitant le jury à se demander si la victime serait décédée si l’appelant n’avait pas conduit son véhicule comme il l’a fait. La Cour rejette donc l’appel portant sur le verdict.
Appel de la peine
À titre de remarque liminaire, et bien que cela n’ait pas été soulevé, il faut corriger l’affirmation du juge voulant que l’article 320.21 a) du Code criminel exige l’infliction d’une amende en sus de toute autre peine. Le texte énonce une peine minimale et non une peine obligatoire. En outre, le juge a commis une erreur manifeste en orientant sa décision uniquement en fonction de la conséquence tragique, faisant de la gravité objective de l’infraction un facteur aggravant empêchant d’envisager une autre mesure que l’emprisonnement en milieu carcéral. La peine d’emprisonnement avec sursis fait partie de l’ensemble des peines appropriées pour cette infraction. Certes, le législateur a augmenté la peine maximale pour l’infraction, mais il a également réintégré la possibilité de purger la peine dans la collectivité. Or, ces choix législatifs se complètent. Ils ne peuvent être restreints par des règles ou des principes inflexibles établis par les tribunaux. Il ressort clairement de la décision du juge que la conséquence tragique, soit la mort de la victime, est le facteur pour lequel il a refusé d’ordonner l’emprisonnement dans la collectivité. Le fait d’ancrer dans les conséquences de l’infraction l’exclusion de l’emprisonnement avec sursis est une erreur puisque le décès est, par nécessité, toujours présent dans le cas d’une conduite dangereuse causant la mort. Le juge s’est attardé uniquement à punir l’infraction. Or, la peine doit à la fois punir le crime et l’accusé. Simultanément, le juge a commis une autre erreur de principe en réduisant indûment l’effet des facteurs atténuants et en évacuant le principe de la réhabilitation. Le juge a retenu, avec raison, que le degré de culpabilité morale de l’accusé se situait au bas de l’échelle. La décision n’explique aucunement pourquoi les facteurs atténuants — l’absence d’antécédents judiciaires de l’appelant, son âge, sa bonne réputation, son emploi stable et le soutien de sa famille — ne favoriseraient pas réellement sa réhabilitation. Le juge a donc exclu sans motif cet objectif. Ces 2 dernières erreurs ont eu une incidence sur la peine et elles justifient l’intervention de la Cour. Il faut souligner au passage une autre erreur du juge, soit d’avoir écarté les décisions d’instance et d’appel dans l’affaire Czornobaj c. R. (C.A., 2017-06-08), 2017 QCCA 907, SOQUIJ AZ-51398864, 2017EXP-1802, bien que cette erreur puisse dans certaines circonstances ne pas avoir d’incidence. L’emprisonnement avec sursis est une modalité de la peine qui convient à la situation. La dissuasion demeure importante en matière de conduite automobile, mais cet objectif ne permet pas d’écarter les circonstances. Il est manifeste que la réhabilitation militait en faveur de la peine proposée par l’appelant. Il y a donc lieu de substituer à la peine d’emprisonnement prononcée une peine d’emprisonnement de 12 mois à purger dans la collectivité.
Le texte intégral de la décision est disponible ici.
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